PPE : la stratégie énergétique française pour 2028 [Dossier]

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Il y a tout juste une semaine, le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) rendait publique la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Un document que les professionnels du secteur attendaient de pied ferme depuis six mois déjà. Pas de réelles surprises dans ce texte de 368 pages qui confirme les orientations du gouvernement. L’élément disruptif est finalement venu de l’extérieur, la crise des Gilets jaunes ayant sérieusement fait dévier la trajectoire de la taxe carbone, et potentiellement plus encore.

Faire baisser les GES

La priorité du gouvernement est réaffirmée : réduire les émissions de gaz à effet de serre (-14% en 2023 et -30% en 2028 par rapport à 2012), donc baisser sensiblement le recours aux énergies fossiles (-35% en 2028). Les quatre dernières centrales à charbon françaises devront être arrêtées (ou converties à la biomasse) d’ici 2023, les automobilistes seront encouragés à passer aux véhicules électriques (ou hybrides) et le remplacement des chauffages charbon et fioul accéléré grâce à des dispositifs dédiés.

De manière générale, les mesures de soutien à l’efficacité énergétique et à la rénovation des bâtiments se sont multipliées ces derniers mois. Elles favoriseront sans doute les opérations d’isolation des bâtiments, mais l’objectif historique de 500 000 rénovations par an, repris à nouveau dans cette PPE, semble toujours aussi irréaliste. Pour rappel, l’Anah a comptabilisé 94 081 logements rénovés en 2018 (+16,5% par rapport à 2017) et n’en espère pas plus de 120 000 en 2019.

Le nucléaire lié aux EnR

L’avenir de l’énergie nucléaire n’est vraiment pas menacé dans cette PPE qui prévoit la fermeture de 4 réacteurs (dont les 2 de Fessenheim) d’ici 2028 sur les 58 tranches qu’exploite EDF. La DGEC estime que la capacité du parc d’énergies renouvelables devra largement s’élever pour compenser la fermeture de ces moyens de production de base. Il passera à 74 GW en 2023 (+50% par rapport à 2017) et entre 102 à 113 GW en 2028. Elle envisagera seulement alors de fermer une dizaine de réacteurs supplémentaires, à l’horizon 2035. Mais d’ici là, d’autres PPE auront été élaborées… Fait notable, la DGEC envisage d’accélérer le rythme de fermeture des réacteurs si les conditions sociales, de marché et de sécurité d’approvisionnement sont réunies.

Les EnR doivent être rentables

Le secteur des énergies renouvelables est globalement bien servi par cette PPE, même si des disparités très fortes s’affirment entre les filières. En l’espèce, le gouvernement sous la pression de Bercy, applique une formule économique classique : les EnR les plus compétitives sont les mieux servies en volume. C’est donc logiquement que le solaire photovoltaïque emporte la part du lion (entre 35 et 45 GW en 2028), suivi de l’éolien terrestre (35 GW). Les objectifs de l’éolien en mer sont faibles (entre 4,5 et 5,2 GW), sans doute en raison de la difficile renégociation du printemps dernier, mais une fenêtre de tir pour des volumes supplémentaires est encore ouverte en fonction des prix de l’appel d’offres de Dunkerque. Les secteurs du biogaz et de l’hydrolien sont les grands perdants de cette PPE.

La question du coût

La crise des Gilets jaunes l’a rappelé au gouvernement, une transition énergétique représente un coût qu’il faut faire supporter par la collectivité dans une mesure acceptable. Pour les seules énergies renouvelables électriques, la facture des tarifs d’achat et autres compléments de rémunération oscillera en cumulé entre 124 et 160 Mds€ en 2028. Une estimation de la DGEC qui comptabilise les engagements passés et futurs, selon des scenarii de prix de l’électricité compris entre 42 et 56 €/MWh.

Une douloureuse qui n’intègre évidemment pas les manques à gagner pour l’Etat des avantages fiscaux et subventions au bâtiment (taux de TVA réduit, CITE, Anah, Coup de pouce, etc), les primes à la conversion des véhicules (au-moins 1 000 € à distribuer à 1 million de Français) ou encore le Fonds chaleur (environ 330 M€/an d’ici 2023). Des dépenses massives qui devaient, au moins en partie, être financées par la contribution climat énergie que le gouvernement a décidé de geler en 2019 pour calmer la grogne sociale. Bref, les moyens risquent de manquer, et l’acceptabilité aussi.

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