[Dossier EMR] L’hydrolien tricolore aussi à l’aise en eau douce que salée [2/3]

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(Crédit : Sabella)

La ville de Biarritz accueille la quatrième édition de la convention Seanergy, dans la foulée des troisièmes Assises des énergies marines renouvelables (EMR) organisées par le Syndicat des énergies renouvelables (SER). A cette occasion, GreenUnivers publie une version actualisée du dossier Énergies marines renouvelables de son Panorama des cleantech en France, publié le 7 avril 2016 en partenariat avec EY. Après un premier volet consacré au soutien fort de l’Etat et des territoires, voici un focus sur l’énergie hydrolienne, la plus mature des EMR. La France se distingue, tant dans l’hydrolien marin que fluvial avec pas moins de cinq turbines immergées en 2015.

Les grands groupes trustent l’hydrolien marin

Le potentiel hydrolien marin exploitable en France est estimé entre 2 et 3 GW1, soit 20% du potentiel européen (le Royaume-Uni concentre à lui seul 60% des ressources estimées). L’appel à manifestations d’intérêt (AMI) pour des fermes pilotes hydroliennes au raz Blanchard (Normandie) et au Fromveur (Bretagne) a permis, de retenir deux projets (sur huit3), dans la seule zone du raz Blanchard. En sélectionnant Engie/Alstom et EDF/DCNS-OpenHydro, l’Ademe a privilégié des valeurs sûres, les grands groupes, mais aussi des technologies qui n’ont pas été développées en France.

DCNS et Alstom au raz Blanchard

DCNS-OpenHydro : la société irlandaise a été rachetée à 60% par DCNS en 2013. En France, son projet Normandie Hydro, présenté avec EDF EN, prévoit l’installation d’une ferme pré-commerciale de sept hydroliennes de 2 MW pour une puissance totale de 14 MW. Le raccordement au réseau est prévu à partir de 2018, la ferme sera ensuite exploitée par EDF EN. Le coût du projet, estimé à 112 millions d’euros sur vingt ans, est amorti par une aide d’État de 52 millions d’euros.
OpenHydro est également présent au Canada où il a remporté avec le fournisseur d’énergie Emera, un appel d’offres pour la construction d’une ferme pilote de 4 MW dans la baie de Fundy. Les deux hydroliennes seront mises à l’eau au printemps pour un raccordement au réseau électrique d’ici l’été 2016. A plus long terme, les deux partenaires ambitionnent le déploiement d’une ferme commerciale de 300 MW. OpenHydro vise également l’installation de 300 MW au large de l’île anglo-normande d’Aurigny à horizon 2020.

Alstom est entré dans l’hydrolien en 2013 en rachetant la technologie développée pendant 10 ans par le britannique Tidal Generation. Son projet Nephtyd, porté avec Engie, prévoit un parc de 5,6 MW, composé de quatre hydroliennes Oceade de 1,4 MW. Le début des travaux est prévu en 2017 mais les deux partenaires sont peu diserts sur l’évolution du projet. Le coût est estimé à 101 millions d’euros sur vingt ans, selon l’Ademe. Le projet recevra une aide d’État de 51 millions d’euros.

Akuo rejoint Sabella à Ouessant

Partenaires depuis 2012, Engie et Sabella ont fait l’objet d’un traitement dérogatoire dans le cadre de l’AMI. Seul candidat sur la zone du Fromveur, le duo proposait en effet un projet d’Ile verte pour Ouessant intégrant une solution de stockage à terre. Le cadre financier de l’AMI n’étant pas adapté, « un nouveau mode de financement » avait alors été promis par le Premier ministre, Manuel Valls. Tout récemment, Sabella et Engie ont interrompu leur collaboration. Désormais, c’est avec Akuo que Sabella travaille à la validation d’un nouveau projet.

Parallèlement, Sabella a réussi la mise à l’eau d’une hydrolienne D10 dans le passage du Fromveur l’été dernier, par 55 mètres de profondeur. Raccordée fin septembre, la machine a passé le cap des 50 kWh injectés au réseau en janvier. Une opération de relevage prévue cet été doit permettre de ne récupérer que la turbine pour la rapatrier au port de Brest, faire un bilan technique et intégrer les premières optimisations avant une nouvelle campagne d’essais de trois ans programmée à partir de l’automne 2016.

A l’international, Sabella a signé, en février 2015, un partenariat avec deux entreprises indonésiennes pour la fabrication et l’installation d’hydroliennes dans l’archipel. Elle a également conclu un accord exclusif avec H & WB aux Philippines pour installer jusqu’à 500 MW d’hydroliennes dans le détroit de San Bernardino, dans le Nord du pays, où H & BW a remporté trois concessions. La première étape doit donner lieu à l’installation en 2017 d’un parc de 5 hydroliennes D 15 de 1 MW unitaire.


Des PME dynamiques dans l’hydrolien fluvial

En à peine moins d’un an, pas moins de trois hydroliennes fluviales ont été immergées en France et la filière se prépare à l’installation des premières fermes pilotes dès 2018, portée par l’appel à projets de l’Ademe. D’après le cabinet américain Pike Research4, le potentiel mondial de l’hydrolien fluvial est de 3 GW d’ici à 2025.

HydroQuest : La société grenobloise créée en 2010 a atteint la phase commerciale pour ses modèles fluviaux de 40 et 80 kW, qu’elle espère exporter rapidement en Afrique, Amérique Latine et Asie. Une machine de 40 kW a été immergée fin 2014 dans la Loire, à Orléans. Auparavant, l’entreprise avait installé deux prototypes, à Grenoble (30 kW) et en Guyane (12 kW).
Candidate malheureuse à l’AMI sur les fermes pilotes en mer, HydroQuest continue de vouloir « mariniser » sa machine, soutenue notamment par la CMN. HydoQuest revendique 15 projets en cours sur cinq continents.

Hydrotube Energie, société bordelaise créé en 2008 par Franck Jouanny, a installé son hydrolienne flottante H3 dans la Garonne l’été dernier. Son projet Hyfloelfu pour le développement d’un nouveau concept d’hydrolienne fluviale flottante a été lauréat de l’appel à projets « Instituts pour la Transition Énergétique » qui a alloué 4 millions d’euros à 10 projets innovants. A plus long terme, Hydrotude Energie vise principalement l’Afrique.

Bertin Technologies a développé en seulement deux ans un prototype d’hydrolienne flottante avec le soutien des ingéniéristes Energie de la lune et ICnergie, le spécialiste des bateaux UFO Boat, K-Epsilon pour les applications marines et les laboratoires EPOC à Bordeaux et M2P2 en PACA. Le projet collaboratif, soutenu financièrement par l’Etat, les régions Aquitaine et PACA et des structures territoriales locales de chacune des deux régions, a abouti à l’immersion en novembre 2015 d’une première hydrolienne de 18 kW (2 x 9kW) sur l’Adour où elle est restée jusqu’à fin mars 2016 pour des tests de qualification et de cohabitation avec les activités de pêche professionnelle et de navigation. Une nouvelle version optimisée ira ensuite au Seeneoh poursuivre les tests sous la supervision du bureau Veritas, dès 2017. Parallèlement, Bertin Technologie développe un logiciel de modélisation du potentiel hydrocinétique mondial intégrant l’ensemble des paramètres techniques et économiques, baptisé Uramapan.

Guinard Energie, fondée en 2008 à Brest, travaille sur une hydrolienne accélératrice de courant (jusqu’à 30%, grâce à l’utilisation d’une tuyère) : la MegaWattBlue, déclinée en version posée pour les milieux estuariens, et flottante pour le fluvial pour des puissance de 4 kW à 1 MW et une circonférence de 50 cm à 8 mètres. L’entreprise espère installer un premier prototype en Ria d’Etel (Bretagne Sud) cet hiver. Le projet est financé à 45% par la Région Bretagne à travers une dotation du Feder. Deux campagnes de test de six mois chacune sont ensuite prévues pour travailler à l’optimisation de la machine.
Parallèlement, Guinard Energie propose des prestations de caractérisation du potentiel d’énergie hydroliennes pour le compte de collectivités ou d’industriels. C’est cette activité qui génère aujourd’hui la majorité de son chiffre d’affaires.

1EDF EN.

2Wave and Tidal Energy in the UK Conquering Challenges, Generating Growth, RenewableUK, février 2013.

3Sur la zone du raz Blanchard, divisée en six zones, sept consortiums se sont positionnés : EDF-DCNS, Alstom-GDF Suez, Alstom-Akuo Marine, Hydrowatt-Siemens, Tidalys-JP Energie Environnement-Strukton, HydroQuest-CMN-Valorem et Blue Shark Atlantique.

4Hydrokinetic and Ocean Energy, Pike Research, février 2012

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