Etats généraux du solaire : le nouveau lobby du photovoltaïque sera-t-il plus efficace ?

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L’idée avait germé au sein de la filière solaire en début d’année, en réaction au moratoire photovoltaïque et à la nouvelle réglementation. Elle prend forme aujourd’hui : douze associations et organisations françaises respectées* ont présenté les “Etats généraux du solaire” (EGS-PV), dernier lobbying en date d’une filière aux abois, impuissante à se faire entendre après deux ans de bras de fer avec l’Etat.

Et d’annoncer une revendication choc : l’installation de 20 GW de panneaux en France d’ici 2020. Soit 15 GW de plus que l’objectif du gouvernement, pour un coût que la filière promet supportable pour les finances publiques, les entreprises et les ménages. C’est une nouvelle surenchère par rapport aux 10 à 15 GW que réclamait la filière début 2011.

L’enjeu est autant politique – faire passer le message auprès du gouvernement et des candidats à la présidentielle – qu’économique : sauver des emplois et des entreprises dans une filière d’avenir, aujourd’hui en dépression. En mettant en avant deux élément-clés : la parité réseau attendue en France vers 2016 et la généralisation des bâtiments neufs à énergie positive (Bepos) à partir de 2018.

20 GW pour pas cher ?

La charge annuelle actuelle du solaire pour la collectivité serait de 1,2 milliard d’euros, pendant 20 ans, pour une puissance installée de 2,5 GW (montant lié à la contribution au service public de l’électricité, ou CSPE), explique la filière. Elle propose de rajouter à ce montant une enveloppe de 800 millions d’euros par an, au maximum, pour installer 18 GW supplémentaires d’ici à 2020. Soit, en résumé, 20 GW de photovoltaïque à cet horizon, pour une charge maximum de 2 milliards d’euros par an, pendant 20 ans. Un coût présenté comme un investissement prenant en compte les contraintes budgétaires.

Voici les propositions synthétiques tirées des EGS-PV :

  • Instaurer un cadre réglementaire simple, stable et pérenne, loin de l’usine à gaz actuelle.
  • Restaurer la confiance dans le solaire, favorisant les investissements industriels, et le soutien du grand public.
  • Relever à 20 GW l’objectif de solaire en 2020 inscrit dans la Programmation Pluriannuelle des Investissements (contre 5,4 actuellement).
  • Instaurer un mécanisme unique de soutien au marché, reposant sur les tarifs d’achat. C’est à dire supprimer les dispositifs d’appels d’offres.
  • Adapter les tarifs d’achat de façon dynamique pour assurer une rentabilité correcte et non excessive des projets, tout en donnant de la visibilité à la filière.
  • Régionaliser les tarifs d’achat pour piloter finement la rentabilité des projets du nord au sud de la France.
  • Intégrer un mécanisme de bonification de l’autoconsommation au niveau des tarifs d’achat, pour préparer l’avènement de la parité réseau et alléger la charge de CSPE.
  • Encourager l’offre européenne et française et mettre en œuvre un dispositif de déclaration d’origine des composants et équipements.
  • Mettre en place une garantie de financement OSEO pour les projets réalisés avec des modules fabriqués en France.
  • Mettre en place une stratégie collective à l’export.

Voici les risques présentés pour l’économie française du solaire si rien ne change  :

  • Perdre encore des emplois en 2012, après avoir déjà vu la suppression de 10.000 postes en 2011, sur les 25.000 créés ces dernières années.
  • Ne pas créer 100.000 emplois cumulés d’ici à 2020, dont 12.000 industriels.
  • Passer à côté d’un secteur à fort potentiel exportateur à moyen terme. Le marché mondial annuel est annoncé entre 50 et 80 milliards d’euros en 2015 (24 à 44 GW) et 79 à 129 milliards de dollars en 2020 (59 à 135 GW).
  • Avoir un déficit structurel de la balance commerciale française d’environ 1,5 milliard d’euros / an, à l’heure de la parité réseau et du Bepos.
  • Louper un leadership national dans la compétition solaire mondiale
  • Ne pas développer une énergie renouvelable, propre pour la planète
Le solaire : un malaise français ? 

Cela fait des mois que la filière photovoltaïque est mobilisée pour défendre ses intérêts et faire passer une vision énergétique synonyme de retombées économique, sociale et environnementale. Dans l’Hexagone, le solaire est la seule énergie renouvelable a avoir été autant malmenée. Même l’éolien terrestre, très bousculé par ailleurs, ne suscite pas autant de polémiques. L’éolien en mer, de son côté, est poussé par Paris, qui a mis en place une vraie stratégie industrielle. Le biogaz et la biomasse ne déchaînent pas non plus les passions. Les énergies marines ou la géothermie suscitent l’espoir…

Le problème du solaire est politique depuis 2009. Initialement, les raisons du recul de l’Etat sur cette énergie étaient expliquées par la bulle photovoltaïque, les sociétés opportunistes et la surcharge de la CSPE. Mais trois ans plus tard, la bulle a éclaté, les sociétés opportunistes sont sorties du marché et l’équation de la CSPE peut être repensée. Pourtant, le conflit est toujours en cours, révélateur de positions dogmatiques sur l’énergie en France.

Une révolution qui dérange ?

Ces Etats généraux du solaire photovoltaïque sont là pour bousculer la politique du gouvernement en place, mais aussi pour peser sur les débats énergétiques de l’élection présidentielle de 2012. Les espoirs de changements réglementaires rapides persistent. Mais si la filière veut positiver, en coulisse, les prévisions sont sombres pour 2012. Et certains n’entrevoient pas de lumière avant début 2013.

Pourquoi le solaire fait-il peur en France ? Dans les couloirs des Etats généraux du solaire sont évoqués quelques pistes. Une énergie décentralisée et bon marché dérange. Plus que l’éolien, plus que la biomasse-énergie, plus que le biogaz ou les énergies marines, le solaire est synonyme de révolution. Derrière les propositions concrètes faites par les Etats généraux du solaire, c’est donc un changement de principes qui est clairement posé. Mais quoi qu’il arrive, l’essor du solaire dans le monde n’attendra pas les tergiversations françaises.

Télécharger la synthèse des États généraux du solaire photovoltaïque – Octobre 2011 (PDF)

Pour aller plus loin, GreenUnivers vous invite à prendre connaissance de son enquête sur l’industrie solaire en France :

Enquête solaire (1) : Comment l’industrie française résiste à la crise ?

Enquête solaire (2) : Une industrie aveugle, en quête d’un changement politique en 2012

Enquête solaire (3) : Quelle vision pour l’industrie française à moyen terme ?

Alexandre Simonnet

*AIPF, Apesi, Capeb, Cler, Enerplan, Epia, FNCCR, Think-Tank FTS, Gimelec, GMPV-FFB, Serce, SER-Soler

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