Crowdfunding : 185 M€ pour la transition énergétique

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[Exclusif Baromètre 2021] GreenUnivers publie aujourd’hui la 6ème édition de son Baromètre du financement participatif de la transition énergétique, réalisé en partenariat avec l’association professionnelle Financement Participatif France. Année après année, le rythme du financement citoyen s’accélère avec pas moins de 185 M€ collectés en 2021 pour la transition énergétique, contre seulement 11 M€ en 2016. Les énergies renouvelables constituent encore la grande majorité des projets financés, même si certains secteurs émergent comme l’efficacité énergétique ou la mobilité, qui commencent à représenter des sommes non négligeables. La professionnalisation des plateformes de financement participatif se traduit également par une évolution des produits financiers qu’elles proposent à leurs clients, avec pour conséquence d’élargir leur rôle au-delà du simple crowdfunding.

Un nouveau record

Après avoir franchi la barre symbolique des 100 M€ l’année dernière, les plateformes de financement participatif réalisent une belle performance avec plus de 185 M€ collectés sur la seule année 2021. Il convient également d’ajouter les 2,2 M€ collectés en 2021 par le mouvement citoyen Energie Partagée. Cela représente une augmentation de plus de 82% des montants collectés par rapport à l’exercice précédent. Un montant qui recouvre les collectes sur les infrastructures (via les SPV), mais aussi les financements corporate dans les projets et dans les start-up du secteur.  Certaines opérations réalisées par les citoyens les années passées sont arrivées à échéance. Les citoyens-investisseurs ont ainsi pu récolter les fruits de leurs investissements : 44 opérations ont atteint leur terme, cumulant 34 M€ de capital remboursé et 6 M€ d’intérêts versés en 2021. GreenUnivers n’a comptabilisé pour cette édition aucun défaut de la part des plateformes de crowdfunding sur notre périmètre (énergies renouvelables, efficacité énergétique, mobilité).

Les plateformes ont permis de financer plus de 350 projets concourant à la transition énergétique en 2021, logiquement en nette hausse par rapport à 2020. Une fois mis en service, ces projets apporteront 2 601 MW supplémentaires de capacité de production d’énergies renouvelables. Comme les précédentes éditions, ce baromètre confirme le statut privilégié de l’énergie solaire, qui représente à elle seule 80% des projets et 70% des montants collectés. Les projets photovoltaïques se répartissent à parts égales entre les centrales sur toitures et au sol, mais ces dernières apportent bien davantage de puissance à installer (1 344 MWc Vs 258 MWc). A noter également le financement participatif de 3 petits projets de centrales solaires flottantes cumulant 30 MWc.

L’éolien terrestre reprend des couleurs

Après un véritable trou d’air en 2020, l’éolien a fait l’objet d’une quarantaine d’opérations de crowdfunding, pour un total de 11,4 M€ collectés, contre seulement 3 M€ l’année précédente. Parmi elles, notons une collecte de 750 K€ réalisée pour le parc éolien en mer de Fécamp. Une opération qui gonfle d’un coup mécaniquement les capacités financées par les citoyens (près de 1 GW pour l’éolien). Pour autant, rappelons que les projets éoliens étant très capitalistiques, particulièrement en offshore, la part moyenne du crowdfunding dans le financement des projets éoliens excède rarement les 3%, contre 5 à 11% dans le solaire en fonction des segments de marché.

Malgré de meilleurs résultats, l’éolien ne se place qu’en 4e place en matière de montants collectés. Il est devancé par l’efficacité énergétique (12,6 M€) et le biogaz (15,7 M€). Les projets d’efficacité énergétique sont encore peu nombreux (2 en 2021) mais lève de plus en plus d’argent à l’instar de ces deux collectes (>3,3 M€) réalisées par Enerfip pour financer un contrat de performance énergétique d’une usine en Roumanie. Ce sont des dossiers plus complexes à analyser pour les plateformes, plus difficiles à expliquer aux investisseurs-citoyens, mais qui bénéficient de l’envolée des prix de l’énergie, qui les rend un peu plus rentables chaque année.

Les projets d’efficacité énergétique et de mobilité sont certes plus complexes mais aussi plus rémunérateurs : 5,8% en moyenne pondérée, contre moins de 5% pour les technologies éprouvées que sont le solaire, l’éolien et les réseaux de chaleur. La géothermie clôt le classement avec un petit taux d’intérêt de 1,9%, mais ce chiffre est en trompe-l’œil et ne signifie pas que la géothermie soit moins rémunératrice. En l’espèce, en 2021, les deux projets utilisant la chaleur naturelle de la terre ont été financés par Kiwaï, plateforme qui garantit les sommes déposées par citoyens. Un positionnement unique qui se traduit logiquement par des taux d’intérêt plus bas que ceux pratiqués par la concurrence, sans rapport avec la technologie financée.

21 start-up financées

Les Français désireux de prendre davantage de risques peuvent se tourner vers le financement des start-up du secteur. Wiseed, pionnier en la matière, commence à être rejoint par d’autres plateformes de financement participatif. Les caractéristiques en termes de risques et d’horizons temporels différant sensiblement du financement des infrastructures, GreenUnivers a décidé de traiter séparément ces collectes. Ainsi, 21 start-up de la transition écologique ont fait appel aux citoyens pour se financer en 2021, récoltant plus de 11 M€, dont 7 M€ en fonds propres et 4 M€ en dette. Conformément au profil de risques, ces investissements sont mieux rémunérés : 6,7% en moyenne pondérée. Pour ces entreprises, le crowdfunding offre une passerelle intermédiaire entre les investissements en « family seed » et les premiers tours de table en série A.

Historiquement, les collectes de crowdfunding étaient portées par les projets lauréats des appels d’offres organisés par les Pouvoirs publics, qui octroyaient des bonus aux développeurs optant pour un financement ou un investissement participatif. Ainsi l’année dernière, 76% des sociétés entraient dans cette catégorie, et la majorité des montants collectés correspondaient à des obligations. Les financements hors AO et en corporate restaient ainsi minoritaires, mais avec un certain dynamisme : 15 opérations de financement corporate sur des sociétés holding totalisant 22 M€ en 2020.

Plus d’opérations hors appels d’offres

La tendance se confirme cette année avec 22 opérations cumulant 26,4 M€. Les financements en dette hors AO ont aussi considérablement augmenté (85,4 M€), ce qui explique pourquoi pour la première fois les collectes éligibles aux appels d’offres sont inférieures en montant à celles hors AO. Et pour la première fois, sur ce segment, l’equity domine la dette. Une nouveauté qui s’explique notamment par l’évolution du cahier des charges CRE4 : les développeurs étaient encouragés à la gouvernance partagée avec un bonus de 3 €/MWh, contre 1 €/MWh pour un simple financement participatif sous forme d’obligations.

Cette tendance des plateformes à sortir de leur zone de confort des appels d’offres confirme leur volonté affichée de dépasser leur cadre d’intervention, afin d’étendre leurs offres commerciales et donc leur rôle dans le financement de la transition énergétique. Cette ambition s’est accompagnée d’un rapprochement de plusieurs d’entre elles avec des acteurs traditionnels du secteur financier (Enerfip/Caisse d’Epargne de Midi-Pyrénées & Crédit Agricole, Lendosphère/123 IM, Lendopolis/La Banque Postale). Des mariages jugés indispensables pour répondre aux besoins de financement de plus en plus importants des développeurs EnR, auxquels la seule épargne des citoyens en direct ne saurait faire face.

Un point sur la méthodologie

Cette étude a été réalisée durant le mois d’avril 2022 sur la base des informations fournies librement par les plateformes de financement participatif. Sur 18 plateformes interrogées, 10 ont financé un projet ou une entreprise en lien avec la transition énergétique : Akuocoop, Enerfip, Gwenneg, Kiwaï, Lendopolis, Lendosphère, Lumo, Solylend, Tudigo et Wiseed (par ordre alphabétique).

Baromètre réalisé par Romain Chicheportiche avec Dounia Boukrim

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