La révolution du télétravail à marche forcée

Print Friendly, PDF & Email
(c) Pixabay

[Accès gratuit – Dossier Recrutements et salaires 3/3]

Dans un contexte déjà difficile en matière de recrutement, les Directions des Ressources Humaines sont occupées par un autre grand dossier : le télétravail. Son recours massif imposé par la crise sanitaire a constitué en quelque sorte une expérimentation à grande échelle et sur un temps long. Le retour à la situation pré-pandémique n’est pas envisagé par l’immense majorité des entreprises, d’autant que les incertitudes persistent sur l’évolution de la situation sanitaire. Des accords sur une nouvelle organisation du travail sont en cours d’élaboration dans toutes les entreprises interrogées, avec des exigences nouvelles exprimées par leurs collaborateurs.

Un avant, un après

« Cette crise a démontré la formidable mobilisation de nos équipes qui se sont adaptées pour assurer la continuité de nos missions de service public. Cela nous a fait changer de regard sur le télétravail. Il y a clairement un avant et un après Covid », estime Olivier Duhagon, directeur des ressources humaines, de la transformation, de la santé et de la sécurité d’Enedis. Malgré la levée des contraintes en matière de présentiel par le gouvernement en cette rentrée, les entreprises restent pour la plupart sur un mode mixte car il y a une demande des employés pour continuer sur le format hybride télétravail/présentiel. « Il ne faut pas perdre de vue que nous ne sommes pas encore sortis de la crise. Nous allons continuer à gérer nos équipes de manière responsable malgré les annonces du gouvernement. Cela correspond aussi à une forte demande de nos salariés de conserver un modèle hybride », confirme Clara Phelippeau, DRH d’Arkolia Energies.

La plupart des compagnies du secteur avaient déjà mis en place un accord de télétravail : « Le télétravail était déjà une pratique en vigueur dans l’entreprise sur une journée par semaine avant la Covid. L’incertitude sanitaire qui plane encore en cette rentrée nous conforte dans notre volonté de développer cette pratique pour ceux qui le souhaitent. Nous avons parallèlement mis en place un concept de Flex Office (plus de bureau attitré) qui permet d’adapter nos locaux aux nouvelles pratiques de travail. Cela a demandé un peu d’organisation, notamment l’utilisation d’un logiciel de réservation, mais nos collaborateurs se sont saisis facilement de cet outil », ajoute Margot Toulze, responsable recrutement chez Valeco.

L’appétence pour le télétravail se constate également lors des entretiens d’embauche : « Cette question revient systématiquement. Nous nous montrons très ouvert d’esprit jusque dans une certaine limite. J’ai eu des candidats me proposant d’être à 100% en télétravail, même sur des postes élevés qui comprennent un volet de management d’équipe, et qui ne comprenaient pas notre refus », s’étonne Sabine Parisis, DRH d’Effy qui voit de plus en plus de CV sans adresse postale. Pour rappel, il est illégal pour un recruteur de demander cette information à un candidat… Des phénomènes qui traduisent aussi la tension sur le marché du travail dans le secteur où les salariés sont en position de force.

Trouver l’équilibre

Adapter une organisation du travail plus flexible n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît. Il ne suffit pas d’ajouter un ou deux jours de télétravail par semaine. Les implications pour l’entreprise sont multiples car tous les postes ne se prêtent pas de manière égale au télétravail et une approche différenciée implique nécessairement de maintenir une certaine équité dans le traitement des salariés. Tout en veillant à maintenir la productivité et la cohésion des équipes. Pour résoudre cette équation, toutes les entreprises interrogées par la rédaction ont indiqué se trouver dans un stade plus ou moins avancé de consultation des représentants des personnels. Des groupes de travail ont ainsi été formés chez RES, Effy, Valeco et Arkolia Energies en interne mêlant collaborateurs, managers, et responsable RH, tous volontaires, pour faire remonter les demandes et les obstacles éventuels dans la mise en œuvre.

Un travail déjà réalisé par Enedis qui a officialisé son nouveau protocole de travail à distance le 1er septembre dernier. « Les groupes de travail réunissant salariés, managers, syndicats et RH ont phosphoré entre décembre 2020 et février 2021. « Ce travail a été riche en enseignements. Le premier a été que la recherche de l’équilibre ne se trouvait pas sur rythme hebdomadaire mais mensuel. Nous avons opté pour 10 jours maximum de télétravail par mois, avec deux jours de présence sur site par semaine, évidemment sur volontariat du salarié. Ceci est le cadre global dans lequel les équipes devront élaborer elles-mêmes leur organisation dans un dialogue tripartite : salariés/managers/équipe », décrit Olivier Duhagon. L’objectif assumé est que le débat sur l’opportunité et surtout la mise en œuvre de cette nouvelle organisation du travail s’organise à petite échelle pour coller aux réalités du terrain : « Ce dialogue a déjà abouti dans certaines équipes, commence dans d’autres. C’est une belle preuve de confiance qu’Enedis montre à ses collaborateurs. Nous leur laissons environ 4 mois pour installer sereinement l’accord », poursuit-il. Une approche innovante mais qui impliquera presque autant de conventions de télétravail que d’équipes, donc une certaine complexification pour le service des Ressources Humaines du gestionnaire de réseau.

Nomadisme

Au-delà du temps, le lieu de télétravail est également un sujet de réflexion pour les entreprises car avec les confinements, certains salariés se sont déplacés vers leur résidence secondaire et aimeraient avoir encore cette possibilité. Une tendance désignée sous le terme « nomadisme » qui va au-delà des simples lieux de résidence. « Les attentes de nos collaborateurs ont beaucoup évolué avec la crise sanitaire. Sur le télétravail bien sûr mais aussi sur le nomadisme. Pour certains, les confinements ont été un révélateur d’une envie de s’éloigner des centres-villes pour vivre dans des logements plus grands avec du terrain. Pour répondre à ces nouvelles attentes, nous avons créé en interne plusieurs groupes de travail pour en étudier la faisabilité en fonction des postes et des départements. L’initiative a été lancée par les Ressources Humaines et tous les participants sont bien sûr volontaires. L’objectif est de formuler des propositions concrètes d’ici la fin de l’année », indique Margot Toulze.

Les espaces de coworking sont envisagés par Enedis, qui ouvre également ses 900 sites en France à ses collaborateurs désireux d’y travailler en accord avec l’équipe. Un concept que le gestionnaire de réseau de distribution a proposé à ses « cols bleus », la moitié de ses effectifs, dont les fonctions sont par nature moins adaptées au travail à distance. « Pour nos salariés sur le terrain, nous pouvons les dispenser de passer chaque matin par la base opérationnelle pour aller directement sur site », explique Olivier Duhagon. Une souplesse des horaires (+/- 30 min) a également été instaurée.

Article précédentLa tension sur les salaires dans les EnR ne retombe pas
Article suivantUn projet solaire et éolien envisagé au Maroc pour le Royaume-Uni