La tension sur les salaires dans les EnR ne retombe pas

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(c) Pixabay

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Le marché de l’emploi dans les secteurs de la transition énergétique se caractérise depuis maintenant plusieurs années par une demande de main d’œuvre qualifiée supérieure à l’offre. Une situation qui se traduit logiquement par une tension à la hausse sur les salaires, et un turn-over important dans les entreprises, surtout chez les juniors qui voient rapidement des occasions de faire grimper leurs rémunérations après quelques années seulement d’expérience. L’année 2020, si particulière en raison de la crise sanitaire, n’a pas fait exception à la règle.

Des candidats en position de force

La montée en puissance des énergies renouvelables en France se traduit mécaniquement par des besoins de main d’œuvre accrus. Les services recrutement des spécialistes du secteur sont ainsi tous confrontés à la même problématique : trouver des profils compétents et des prétentions salariales raisonnables. Une équation difficile à résoudre car en face, les postulants ont l’avantage : « Le secteur des énergies renouvelables attire énormément. Nous recevons beaucoup de CV mais force est de constater que peu sont pertinents », se désole Alicia Tudela, chargée des Ressources Humaines chez RES. Cette dernière a le sentiment que les candidats sont en position de force avec des impacts très concrets sur les négociations salariales.

Les profils expérimentés étant les plus recherchés, ils ont des exigences élevées. La tendance s’observe également dans le secteur de l’efficacité énergétique, en pleine croissance grâce aux politiques publiques mises en place. « La difficulté à trouver des employés qualifiés se traduit par des prétentions fortes des candidats en termes de salaire et plus de négociation que dans d’autres secteurs », estime ainsi Sabine Parisis, DRH d’Effy. Les directeurs de services RH anticipent par ailleurs une vague de demandes d’augmentation en raison du retour de l’inflation.

+20% dans les grands groupes

La tension sur le marché de l’emploi profite aussi aux profils plus juniors : « Sur des postes de chef de développement, après seulement 2 ou 3 ans d’expérience, certains candidats se positionnent entre 40 et 45 k€ bruts par an, parfois même 48 k€ », constate Clara Phelippeau DRH d’Arkolia. Des niveaux de rémunération jugés très élevés au regard de l’expérience acquise mais que certains grands groupes seraient prêts à accorder pour grandir vite. Selon nos informations, ces derniers offriraient des salaires bruts 20% plus élevés que la moyenne du secteur.

Des tendances confirmées par les derniers recrutements réalisés par Elatos sur les 24 derniers mois, notamment sur les profils commerciaux. Ainsi, un chargé d’affaires très expérimenté dans l’énergie solaire (>10 ans) négociera un salaire à peine plus élevé (47 k€) qu’un autre chargé d’affaires bénéficiant de moins d’expérience (46 k€). La différence de rémunération entre un responsable commercial expérimenté (59 k€) et peu expérimenté (56 k€) ressort également assez faible selon le cabinet de recrutement spécialisé.

Ces niveaux de salaires interrogent et certains services RH ont commandé des études auprès de prestataires spécialisés pour déterminer si leurs grilles indicatives de salaires étaient encore pertinentes dans cet environnement haussier où l’évolution des rémunérations se fait de manière moins progressive qu’auparavant. A noter pour autant que certains postes très recherchés conservent une prime à l’expérience à l’instar des chefs de projets. Dans l’éolien, le chef de projet junior pourra prétendre à 30 k€/an, l’expérimenté (40 k€) et le très expérimenté (>10 ans) près de 49 k€ hors variable.  Dans le solaire, un responsable construction très expérimenté pourra viser près de 58 k€ contre 41 k€ pour un profil identique avec moins d’expérience, selon Elatos. Son PDG, Jens Bicking note par ailleurs un développement des mécanismes d’intéressement et des « management packages » qui prennent souvent la forme de bons de souscriptions en actions (BSA). « Ces outils peuvent s’avérer financièrement très intéressants pour les collaborateurs en raison de la valorisation élevée des sociétés du secteur. Pour les employeurs, cela peut être un bon moyen de motiver et fidéliser leurs salariés », estime-t-il.

La pandémie n’a pas freiné le turn-over

Dans ce contexte particulier, les professionnels des EnR sont logiquement très sollicités et beaucoup intéressés à changer d’entreprise pour donner un coup d’accélérateur à leur carrière. Et visiblement, la pandémie n’a pas freiné les ambitions au contraire : « 2020 a été une année de chaises musicales, l’année 2021 marque une certaine stabilisation », estime Clara Phelippeau. Arkolia n’est pas le seul développeur à être confronté à la forte mobilité de ses collaborateurs, la plupart des entreprises du secteur sont confrontées à ce phénomène. C’est aussi le cas de RES : « Il y a eu une forte mobilité des collaborateurs en 2020 et selon les premières indications, 2021 devrait être dans la continuité », confirme Alicia Tudela.

Même son de cloche dans l’efficacité énergétique. Sabine Parisis, DRH d’Effy l’observe aussi mais n’en est pas surprise : « Le turn-over chez les jeunes est quelque chose que j’ai toujours observé, je ne pense pas que cela soit propre au secteur de la transition énergétique », estime-t-elle.

Face à ce turn-over et des salaires relativement élevés, les entreprises cherchent du sang neuf. Cela tombe bien, le secteur attire les candidats : « Nous recrutons des profils de chefs de projets expérimentés dans d’autres secteurs comme l’automobile, la distribution ou encore dans les collectivités. Ce qui nous intéresse, c’est leur capacité à gérer des équipes et à tenir des calendriers. Ils sont généralement désireux de donner davantage de sens à leur métier et sont très motivés de participer à la transition énergétique », explique Valeco. Idem chez Technique Solaire : « Nous cherchons toujours à recruter hors du secteur. Certains de ces candidats ont des compétences très utiles et se montrent moins exigeants sur la rémunération que d’autres venant du secteur », constate Thomas de Moussac, co-fondateur du développeur-producteur EnR.

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