Sarkozy veut sauver Photowatt : EDF chargé de déposer une offre de reprise

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Photowatt, Bourgoin-Jallieu (Isère)

Il était moins une pour le fabricant de panneaux solaires Photowatt (440 salariés), en dépôt de bilan depuis début novembre : Nicolas Sarkozy, au cours d’un discours à la centrale nucléaire de Fessenheim en Alsace, où il venait défendre le nucléaire et la centrale alsacienne, a annoncé au passage qu’EDF allait déposer “une offre de reprise des activités” de Photowatt. Ce qu’EDF a confirmé peu après, sans plus de détail.

L’annonce lapidaire du président de la République, qui bizarrement succédait à une longue tirade contre le coût des énergies renouvelables (voir extrait vidéo ici), montre combien le gouvernement affiche sa volonté d’aider l’industrie française à trois mois des élections. Et ce, quel que soit le secteur : de ce photovoltaïque trop coûteux jusqu’au textile. Car l’envoi d’un chevalier blanc pour sauver Photowatt rappelle le sauvetage in extremis de Lejaby par un fournisseur de LVMH la semaine dernière, annoncé par le ministre de l’Enseignement supérieur Laurent Wauquiez. Et après tout, Photowatt emploie quatre fois plus de personnel que Lejaby.

Devant la mobilisation des salariés et leur collectif “SuperWatt”, début janvier, la ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet avait déjà dit que l’Etat était “prêt à aider” Photowatt.

Il reste cependant paradoxal que le même gouvernement qui a brutalement réduit les aides au solaire l’an dernier, contribuant à couler Photowatt, décide maintenant de secourir ce symbole de la filière française du photovoltaïque.

Sauver une industrie solaire jugée trop coûteuse ?

Le président de la République était pourtant venu d’abord assurer aux salariés de la centrale qu’il n’avait aucunement l’intention de fermer Fessenheim (“ce serait une erreur magistrale”, a-t-il lancé), sauf problème de sécurité, en soulignant qu’il faudrait sinon la remplacer par “2500 éoliennes en Alsace” pour 700 millions d’euros par an, ou “importer du gaz à hauteur de 500 millions d’euros par an”. Et de marteler combien les énergies renouvelables sont chères et augmentent la facture d’électricité des Français — le surcoût payé par EDF pour l’électricité d’origine renouvelable est en effet répercuté sur les factures EDF, et en représente près de 10%.

Comme si Nicolas Sarkozy voulait opposer les deux, en se posant en pro-nucléaire nécessairement anti-ENR, le reflet inverse de François Hollande. Et d’ainsi ajouter: “chaque fois qu’on fait un effort pour les énergies renouvelables, on accroît le coût de l’électricité, car l’éolien, le photovoltaïque, l’ensemble des ENR, c’est plus cher que le nucléaire”.

Et pourtant sans transition, il a enchaîné : “d’ailleurs, j’aurai l’occasion la semaine prochaine de me rendre avec les ministres chez Photowatt, parce que grâce à EDF, nous présenterons pour les salariés de Photowatt une formule de reprise industrielle”. C’est mardi 14 qu’est prévu le déplacement présidentiel en Isère.

24h avant le Jour J

Il est vrai que Nicolas Sarkozy ne pouvait attendre son déplacement mardi s’il voulait avoir la primeur de l’annonce du sauvetage par EDF : la date-butoir pour déposer une offre de reprise de Photowatt est fixée au 10 février minuit. Le tribunal de commerce doit se prononcer le 21 février sur les offres en présence.

Peut-être que le gouvernement aurait pu se passer d’intervenir, car d’autres industriels s’intéressent à Photowatt : à peine parti d’EDF EN, son fondateur et ancien président Pâris Mouratoglou serait sur les rangs, selon les Echos. Pâris Mouratoglou est déjà actionnaire d’un fabricant de cellules solaires à couches minces, Nexcis, implanté à Rousset (Bouches du Rhône). Toujours selon Les Echos, le groupe franco-italien ST Microelectronics, qui produit des panneaux solaires en Italie avec Sharp et Enel, aurait également signé un accord de confidentialité. Plusieurs PME seraient également intéressées, dont Solarezo et l’équipementier ECM Technologies.

Pas vraiment dans la stratégie d’EDF

Pour EDF, Photowatt, basée à Bourgoin-Jallieu (Isère) et créée en 1979, pionnier des panneaux solaires “made in France” avec une production de 90 MW, risque d’être un cadeau peu apprécié : le groupe isérois souffre de coûts beaucoup plus élevés que la concurrence asiatique et d’un outil industriel moins compétitif. Pour preuve, son propriétaire actuel, le canadien ATS (Automation Tooling Systems), essaie de le vendre en vain depuis plus d’un an, et, malgré la suppression d’une centaine d’emplois début 2011, avait jeté l’éponge en octobre dernier faute de trouver preneur.

EDF EN nous avait expliqué tout récemment que le marché solaire français n’était pas sa priorité, pour cause de règlementation peu favorable et d’un prix du solaire trop loin de concurrencer le nucléaire : disposer d’un outil de production français ne semblait pas du tout être à l’ordre du jour. Pour son marché en France, EDF s’approvisionne majoritairement chez l’américain First Solar, mais aussi pour 10% chez le chinois Suntech, ainsi que chez d’autres fournisseurs étrangers comme Nanosolar, et seulement accessoirement chez quelques producteurs français, dont Photowatt et Saint-Gobain. Mais il paraissait avoir renoncé à l’idée de produire lui-même des panneaux depuis l’abandon de son projet d’usine conjointe avec First Solar dans la région bordelaise.

Tous les fabricants français ont été durement éprouvés par la baisse brutale des subventions au solaire l’an dernier, après trois mois de suspension début 2011, et l’arrêt complet des aides pour les grandes installations. Ces dernières pourraient cependant repartir un peu avec les appels d’offres pour 450 MW sur 2 ans qui remplacent le système du tarif d’achat garanti. D’ailleurs une montagne de dossiers de candidatures s’accumulent sur les bureaux de la CRE : près de 4 GW, selon une estimation du SER, dix fois fois plus que la puissance à attribuer.

Quelques industriels veulent même commencer à assembler des panneaux photovoltaïques en France, comme Bosch, qui construit une usine de panneaux de 150 MW à Vénissieux. (Pour le tableau complet des producteurs solaires français, téléchargez gratuitement notre Panorama des cleantech France 2012, et lisez le dossier solaire, page 29).

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