[Exclusif] Plus de 150 MW de projets « repêchés » à l’issue de l’appel d’offres CRE3

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SolaireDirect sisteronMis à jour le 13 janvier 2016 – 

L’appel d’offres photovoltaïque CRE3 de 2015 restera dans les annales pour deux raisons. D’une part, parce que son objectif a été doublé in extremis, en août dernier, passant de 400 MW à 800 MW, l’annonce étant faite par le président de la République en personne. De l’autre, parce que la présentation par le ministère de l’Ecologie des 212 projets retenus, dévoilés le 4 décembre dernier, ne correspond pas à la réalité. La liste des projets lauréats est plus longue que la liste officielle et la puissance totale qu’ils représentent excède largement 800 MW.

Le motif ? Lors de l’instruction des dossiers par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et leur sélection par la Direction Générale Energie Climat (DGEC), de nombreux projets de développeurs français importants ont été écartés, car estimés non conformes au cahier des charges. En cause, le plus souvent, le permis de construire, selon nos informations. Les projets candidats mis de côté ne fournissaient qu’un récépissé de demande de permis, et non l’autorisation d’urbanisme. C’est ce qu’exige l’article 5.3.2 du règlement, mais avec une dérogation pour les installations au sol : dans ce cas, “le candidat fournit dans son dossier de candidature la copie de la demande de la déclaration préalable de travaux ou du permis de construire”.

Conséquence : plusieurs développeurs de centrales au sol se sont aperçus qu’ils n’avaient remporté que peu de projets, avec un important manque à gagner compte-tenu des coûts déjà engagés. De fait, le classement des sociétés lauréates, établi au lendemain de la publication des résultats officiels par deux cabinets de conseil spécialisés, Adenfi et Finergreen, faisait ressortir, dans le « Top 5 »,  des développeurs de taille moyenne, comme Langa Solar ou Luxel et désignait comme grand gagnant la société Photosol, titulaire de près de 90 MW de capacité à installer, soit 40% de plus que le deuxième du classement, Fonroche, à 55 MW.

Un acte de bonne volonté

En réalité, les grands « oubliés » de la sélection avaient déjà réagi auprès de la DGEC et obtenu que leurs projets écartés soient réexaminés, en mettant en avant un fort impact sur leur activité. Selon l’un des bénéficiaires du “repêchage”, la décision du ministère de l’Ecologie correspond à un acte de bonne volonté, une prise en compte de l’effet économique de la mise à l’écart de projets qui, pour la plupart, étaient constitués de centrales au sol de plusieurs mégawatts : « la DGEC aurait pu nous demander d’effectuer un recours. Elle a préféré réétudier en urgence plusieurs dizaines de dossiers. Ce comportement manifeste une bonne compréhension des enjeux ».

Une session de rattrapage a de fait été rapidement tenue, en quelques jours, par les services du ministère de l’Ecologie. Les développeurs lauréats de la sélection initiale ayant déjà été prévenus, le ministère a préféré rajouter de la capacité à installer plutôt que reprendre certains projets attribués. Il y a donc eu un round 1 et un round 2 dans la sélection des projets CRE3 et c’est ce qui explique le décalage entre la liste initiale des projets retenus et la communication des développeurs titulaires de projets « sauvés», dans les jours qui ont suivi.

Deux exemples parmi d’autres : Urbasolar, titulaire « officiellement » de 17 MW, a publié un communiqué pour annoncer le gain de 80 MW, une capacité apportée par 15 projets sélectionnés. Fonroche, bénéficiaire de 55 MW selon les classements récapitulatifs de Finergreen et Adenfi, a annoncé avoir remporté en fait 88 MW. Le développeur a précisé à cette occasion les effets positifs de ce succès : « Avec le gain de ces 88 MWc de projets et la continuité de nos projets à l’international, nous prévoyons dès à présent la création de 25 emplois chez Fonroche et 200 emplois chez nos sous-traitants et partenaires pour la construction de ces nouvelles centrales », expliquait Yann Maus, président, dans le communiqué du groupe, le 8 décembre dernier.

La sélection définitive reste inconnue

La liste définitive des projets, après repêchage, n’a pas été publiée par la DGEC. Il est donc difficile d’établir un bilan actualisé de l’appel d’offres CRE3, en particulier de connaître le volume de capacité de production réellement attribué. Selon les développeurs interrogés par GreenUnivers, les projets réintroduits dans la sélection totaliseraient entre 150 et 200 MW de capacité, ce qui porterait le volume global de l’appel d’offres à environ 1 000 MW. Ce qui représente a priori une excellente nouvelle pour l’industrie photovoltaïque en France.

Le processus en deux temps observé par le ministère, la discrétion observée à cette occasion par la DGEC et l’absence de liste définitive des projets lauréats inquiètent néanmoins plusieurs représentants de la profession. Pour deux motifs. Le principal ? Le risque de recours de la part des développeurs dont les projets n’ont été sélectionnés ni au premier ni au second examen. « Est-ce que la procédure de l’appel d’offres se trouve désormais contestable ? Ce serait une catastrophe pour notre secteur, qui se retrouverait en panne de projets », s’interroge un professionnel. Deuxième risque : que les appels d’offres à venir proposent une faible capacité à installer, tenant ainsi compte de l’excès inattendu de projets retenus lors de CRE3.

Clarifier les règles

Plus généralement, les développeurs interrogés pointent la nécessité d’affirmer des règles intangibles dans le cahier des charges des appels d’offres photovoltaïques publics, en particulier dans les dispositions relatives aux autorisations d’urbanisme. Comme le martèle l’un d’entre eux , « les porteurs de projets ont besoin de règles communes. Si le dossier de candidature prévoit de fournir la copie du permis de construire – une donnée clé dans un projet -, alors un simple récépissé de demande ne peut suffire à être éligible ».

Lancé en novembre 2014, l’appel d’offres portant sur les installations solaires d’une puissance supérieure à 250 kW visait 400 MW installés (répartis en cinq sous-familles). Il a remporté un franc succès : la CRE a reçu près de 600 dossiers représentant une puissance installée potentielle de plus de 2 400 MW. Lors de la clôture en juin 2015, 574 dossiers avaient été déclarés complets, pour une puissance de 2 291 MW, soit près de 6 fois la puissance recherchée. Deux mois plus tard, son volume est passé de 400 à 800 MW, conformément à une annonce du Président de la République le 20 août 2015. La tranche supplémentaire a été allouée aux centrales au sol, la catégorie qui a attiré le plus de dossiers.

 

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