Solaire : le chant du cygne du tarif d’achat ?

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Le ministère de l’Ecologie vient de publier deux projets d’arrêtés relatifs au tarif d’achat de l’énergie solaire. Objectif affiché : une baisse moins rapide du tarif pour les petites installations. Pour Arnaud Gossement (associé) et Sarah Nataf, avocats du Cabinet Gossement avocats, ces textes contribuent à la complexité d’un dispositif devenu très peu lisible. Et qui tend sans doute vers sa disparition.

Deux projets d’arrêtés portant modification des conditions tarifaires de l’achat de l’électricité produite par des installations photovoltaïques viennent d’être soumis à l’avis du Conseil supérieur de l’énergie. Ils complètent et modifient le dispositif tarifaire mis en place par l’arrêté du 4 mars 2011, actuellement en vigueur. Destinés à encourager d’une part, le recours à des panneaux solaires photovoltaïques européens, et d’autre part, à limiter la baisse des tarifs d’achat de l’électricité produite par certaines installations, ces deux projets d’arrêtés tendent à complexifier le dispositif sans améliorer la sécurité juridique des projets.

En réalité, ces texte aboutissent à créer de nouvelles procédures qui viennent se juxtaposer à celles existantes : procédure d’audit pour la bonification des panneaux européens, procédure du frein d’urgence en cas d’engorgement de la file d’attente. Fondamentalement, ces textes ne rompent pas avec un climat d’insécurité juridique.

Une bonification pour les panneaux européens

Le Conseil supérieur de l’énergie a été saisi d’un projet d’arrêté, « portant majoration des tarifs de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ». Ce projet d’arrêté met en œuvre la feuille de route pour la transition écologique, selon laquelle « Les tarifs d’achat seront assortis d’une bonification d’au plus 10% en fonction de l’origine des composants des panneaux photovoltaïques ». Le projet prévoit une majoration de 10 % des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque en silicium cristallin, si au moins deux des trois conditions suivantes sont vérifiées :

  •  toutes les étapes du processus de transformation du lingot de silicium aux plaquettes de silicium des modules photovoltaïques ont été réalisées sur un site de production installé au sein de l’Espace Economique Européen (ci-après « EEE ») ;
  •  toutes les étapes du processus de transformation des plaquettes de silicium aux cellules des modules photovoltaïques ont été réalisées sur un site de production installé au sein de l’EEE;
  • toutes les opérations de soudage des cellules, d’assemblage ou de lamination des cellules et de tests électriques des modules photovoltaïques ont été réalisées sur un site de production installé au sein de l’EEE.

Le projet d’arrêté prévoit également la même majoration pour une installation constituée de modules photovoltaïques en couche mince, si au moins les étapes de préparation des supports adéquats, de déposition des différentes couches de semi-conducteur sur lesdits supports, de constitution des cellules, de constitution des modules, et de tests électriques du module ont toutes été réalisées sur un site de production de l’EEE. Les installations éligibles à la majoration tarifaire sont celles pour lesquelles une demande complète de raccordement, telle que définie par l’arrêté du 4 mars 2011, est déposée à compter du 1er janvier 2013.

En l’état actuel du projet, il ne semble donc pas envisageable, pour les installations en cours de raccordement ou déjà mises en service, de prétendre au bénéfice de cette majoration. Pour y prétendre, le producteur devra soumettre sa demande au gestionnaire de réseau public, concomitamment à sa demande de raccordement. Il justifiera des conditions d’éligibilité à ladite bonification, par le biais d’un certificat délivré par un organisme certificateur après audit sur site, et lesquelles seront bien entendu vérifiées avant la date de mise en service de l’installation.

Une baisse limitée du tarif d’achat ?

Un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 4 mars 2011 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 a également été soumis au CSE. Ce projet d’arrêté apporte plusieurs modifications à l’arrêté du 4 mars 2011, relatives tant aux modalités d’ajustement tarifaire trimestriel, qu’aux tarifs d’achat eux-mêmes.

De première part, le projet d’arrêté prévoit un doublement des volumes cible déclenchant l’ajustement tarifaire pour les installations résidentielles éligibles à l’intégration au bâti d’une part, et pour les installations intégrées simplifiées au bâti et intégrées au bâti sur des bâtiments à usage autre que résidentiel. Cela implique donc que la baisse trimestrielle des tarifs d’achat de l’électricité produite sera moindre que celle actuellement en vigueur. A fortiori, le projet d’arrêté tend à limiter la baisse, à 20% sur l’année. Les tarifs d’achat T4 et T5 sont également modifiés. Ainsi,  les tarifs applicables aux installations intégrées simplifiées au bâti de puissance inférieure à 100 kWc sont augmentés de 5 % par rapport à la valeur du 3ème trimestre 2012, pour toute demande de raccordement effectuée à compter du 1er octobre 2012.  L’ajustement trimestriel révisé trouve à s’appliquer à ce dispositif. A l’inverse, les tarifs T5 applicables à toutes les installations de puissance inférieure à 12 MW sont diminués de 20% par rapport à la valeur du 3ème trimestre 2012, pour toute demande de raccordement effectuée à compter du 1er octobre 2012. De manière dérogatoire, le dispositif prévoit un ajustement trimestriel de 10% par an.

Force est de constater que le nouveau Gouvernement confirme la tendance à réserver le dispositif du tarif d’achat aux installations de faible puissance. Enfin, notons que le projet d’arrêté prévoit un mécanisme de frein d’urgence dès que la puissance crête cumulée des installations souhaitant bénéficier du tarif d’intégration simplifiée au bâti située sur un bâtiment à usage principal autre qu’un usage d’habitation, entrées en file d’attente lors d’un trimestre atteint les 250 MW. Ce mécanisme prévoit la diminution des tarifs d’achat desdites installations, à hauteur de 20%

Quel avenir pour le dispositif du tarif d’achat ?

A l’évidence, l’Etat ne souhaite pas pérenniser le dispositif du tarif d’achat. Par sa complexité même et ses caractéristiques depuis 2009, celui-ci évolue de manière à encourager une concentration  des acteurs du secteur dont on espère qu’ils pourront ensuite se dispenser de ce soutien tarifaire. L’instabilité du cadre juridique applicable, l’absence de prévisibilité, le risque contentieux, le risque de rétroactivité contribuent également à la crise que connaît actuellement la filière.

Fondamentalement, la fin du tarif d’achat n’est pas, en soi, critiquable. Le tarif d’achat témoigne d’une conception centralisée de la politique énergétique qui est, à long terme, peu adaptée au développement des énergies renouvelables, par essence décentralisées. Ce sont sans doute aussi les mesures prises pour tenter de contenir la hausse inéluctable du coût des énergies de stock qui reportent le moment où notre pays devra, à son tour mais avec retard, entrer dans l’ère des économies d’énergie et des renouvelables.

C’est davantage le chemin emprunté par l’Etat pour parvenir à cette fin  du tarif d’achat qui est regrettable. L’objectif véritable n’est pas clairement affiché, le droit est de médiocre qualité, certaines mesures ont été d’une particulière brutalité et la politique du « stop and go » a causé la perte de milliers d’emplois. Il est donc temps de réfléchir dès maintenant au nouveau modèle économique du solaire à l’échelle de l’Europe et des collectivités territoriales.

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