“Des scénarios avec 80% d’énergies renouvelables ne sont plus irréalistes”

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Fondée en janvier 2009 et installée à Abu Dhabi, l’Agence internationale des énergies renouvelables (Irena) rassemble aujourd’hui 148 pays et l’Union européenne. Sa mission : favoriser l’accès aux énergies renouvelables et faciliter la coopération entre les pays en développement et les pays industrialisés. Sa directrice, la française Hélène Pelosse, dresse pour GreenUnivers un premier bilan de son action et évoque ses priorités et les négociations internationales sur le climat.

GreenUnivers : vous avez été nommée à la tête de l’Irena en juin 2009. Où en est l’agence aujourd’hui ?

Nous sommes encore une start-up ! J’ai été la première salariée, nous sommes aujourd’hui une petite équipe de 38 personnes. La phase de mise en oeuvre n’est pas terminée : notre première assemblée aura lieu en 2011, ce qui permettra de fixer notre notre mode de gouvernance. De grands pays, comme les Etats-Unis, n’ont pas encore ratifié les statuts. Mais cela ne nous empêche pas d’avancer. Nous avons mené une première action de conseil auprès des îles Tonga, dans le Pacifique, pour les aider à réduire de 50% leurs importations de diesel en s’ouvrant aux énergies renouvelables, et notamment au solaire et à l’éolien. D’autres pays comme le Salvador ou le Swaziland nous sollicitent pour de l’expertise et du conseil.

GU : Quels sont les moyens financiers de l’Irena ?

L’Irena n’est pas une banque et nous avons de petits moyens. Un budget de 14 millions d’euros a été voté, mais nous ne fonctionnons cette année qu’avec 5,3 millions en attendant que tous les pays ratifient les statuts et versent leur contribution. Heureusement, nous bénéficions d’un budget complémentaire de la part d’Abou Dhabi. En ce qui concerne les projets, chacun doit avoir son propre financement. Nous n’apportons pas de fonds mais notre soutien peut aider à en trouver. Nous allons d’ailleurs conclure des partenariats avec des institutions financières. Au delà, je pense qu’il faudrait créer une banque dédiée au développement des énergies renouvelables, un peu sur le modèle de la Banque mondiale. Celle-ci s’est doté d’un fonds cleantech, mais il n’est pas suffisant, il faut des dizaines et des dizaines de milliards d’euros. Nous avons besoin d’une institution capable de lever des capitaux sur les marchés. Les pays du Golfe, qui préparent activement l’après-pétrole, pourraient jouer un rôle moteur dans ce domaine. En tout cas, il faudrait au moins un guichet unique : les projets dans les énergies renouvelables sont gourmands en capitaux. Aujourd’hui, réunir des bailleurs de fonds prend beaucoup de temps et d’énergie.

GU : Quelles sont vos priorités pour les prochains mois ?

Outre le conseil et l’expertise auprès des pays, nous allons développer une plate-forme de e-learning. Les besoins en formation dans ces nouveaux secteurs sont énormes. Nous voulons mettre les ressources qui existent dans les laboratoires ou les universités en réseau pour en faire profiter le plus grand nombre. Je souhaite un mode de collaboration très ouvert, un peu sur le principe de Wikipedia.  Nous voulons aussi créer une base de données scientifiques qui permettent d’établir des potentiels pour les pays et, à partir de là, d’élaborer des scénarios de développement des énergies renouvelables.

GU : Les négociations internationales sur le climat sont dans l’impasse. Est-ce que cela risque de freiner le développement des énergies renouvelables ?

Le développement des énergies renouvelables est irréversible, nous sommes en train de vivre une révolution copernicienne. Avant le sujet ne concernait que les ministres de l’Environnement : on a bien vu vu à Copenhague que de nombreux autres ministres avaient fait le déplacement, ce qui montre que le dossier a pris de l’ampleur et a un impact sur toute l’économie. Cette mutation nécessite plus d’intervenants et prendra plus de temps. C’est parfois douloureux, nous ne sommes pas prêts d’avoir des objectifs post-Kyoto, et c’est dommage car on sait déjà que nous n’irons pas assez vite pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais en même temps, ce qui est positif, c’est que le virage est pris et qu’on ne reviendra pas en arrière. Et on peut aller très loin : de grandes universités comme Stanford travaillent sur des scénarios de 80 ou 100% d’énergies renouvelables dans la production d’énergie pour certaines régions. Ce ne sont plus des objectifs irréalistes !

GU : quels sont les leviers pour avancer ?

J’en vois trois : d’abord la lutte le réchauffement climatique bien sûr. Ensuite, la nécessité économique : le green business est un formidable relais de croissance. Enfin, la sécurité énergétique : on l’a vu avec la crise du gaz en Europe, beaucoup de pays prennent conscience de l’intérêt de disposer de modes de production sur leur sol, ce qui est le cas avec les énergies renouvelables.

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