Projet de loi de modernisation agricole : quelles conséquences pour l’énergie solaire ?

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Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et la pêche, actuellement examiné par le Sénat, comporte plusieurs dispositions intéressant le droit des énergies renouvelables en général et du solaire en particulier. Le point avec Audrey Bourlon, avocate au cabinet Huglo-Lepage & Associés.

Centrales solaires et espaces agricoles : un conflit d’usage ?

Depuis plusieurs mois, la question de l’implantation des centrales solaires au sol préoccupe les autorités publiques. Il s’agit en effet d’une question extrêmement importante tant la conciliation entre d’une part, les objectifs de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable fixés par le gouvernement et d’autre part, l’objectif de préservation des terres agricoles, semble complexe.

En effet, rappelons que la France s’est fixée, au lendemain du Grenelle de l’environnement, un objectif ambitieux de production de 5400 MW d’énergie solaire en France d’ici 2020 (Arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité).

Dans le même temps, le gouvernement entend encadrer l’implantation des centrales solaires au sol. Ainsi, le 19 novembre 2009, le Gouvernement a adopté le décret n°2009-1414 qui soumet à la procédure du permis de construire les centrales solaires au sol d’une puissance supérieure à 250 kWc. En outre, le 18 décembre 2009, le Ministère de l’Ecologie a adopté une circulaire relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol qui limite les possibilités d’installer une centrale solaire au sol dans une zone agricole.

Enfin, le 13 janvier 2010, un projet de loi de modernisation de l’agriculture et la pêche a été déposé au Sénat. Ce projet de loi qui prévoit l’élaboration d’une politique publique interministérielle de l’alimentation fixe comme priorité la réduction de la consommation d’espaces agricoles.

Les dispositions du projet de loi relatives aux centrales solaires au sol

La question de l’implantation des installations photovoltaïques et de la possibilité de maintien des activités agricoles, pastorales et forestières est évoquée dès l’exposé des motifs du projet de loi. Plus précisément, l’article 12 du projet de loi prévoit plusieurs modifications à la fois du code rural et du code de l’urbanisme qui limiteraient la possibilité d’implanter des centrales solaires au sol dans les zones agricoles.

Ainsi l’article 12 du projet de loi prévoit :

  • D’élaborer un Plan de l’agriculture durable ;
  • De créer un observatoire de la consommation des espaces agricoles ;
  • De créer une commission associant des représentants des collectivités territoriales, de l’État, de la profession agricole, des propriétaires fonciers et des associations agréées de protection de l’environnement ;
  • De solliciter un avis de cette commission pour « les projets de constructions, aménagements, installations et travaux ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu’urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole » ;
  • De modifier les dispositions du code de l’urbanisme relative à la carte communale, au P.L.U. et aux règles générales d’urbanisme qui autorisent les constructions lorsqu’elles sont « nécessaires à des équipements collectifs ». Le projet de loi prévoit d’insérer la précision suivante : « dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ».

Quel avenir pour les centrales solaires ?

En l’état actuel de la réglementation, les règles générales d’urbanisme, les cartes communales ou les P.L.U. permettent d’autoriser des constructions nécessaires à des équipements collectifs. Il n’existe pas à ce jour de jurisprudence établie qui traite le point de savoir si une centrale solaire au sol constitue un équipement collectif. Toutefois, le juge administratif s’est prononcé à plusieurs reprises sur le caractère d’« installations nécessaires aux services publics » des éoliennes (CAA Nantes, 12 novembre 2008, n° 07NT02823 et CAA Nantes, 23 juin 2009, Association cadre de vie et environnement Melgven-Rosporden).

Ces décisions sont, a priori, transposables aux centrales solaires qui peuvent ainsi également être considérées comme des équipements collectifs. Cette analyse a d’ailleurs été confirmée par deux réponses ministérielles en date respectivement du 24 juin 2008 et du 7 avril 2009 (n° 17006, publiée au JO de l’Assemblée nationale du 24 juin 2008 ; en réponse à une question publiée au JO de l’Assemblée nationale du 19 février 2008 et(n° 41397, publiée au JO de l’Assemblée nationale du 10 février 2009, en réponse à une question publiée au JO de l’Assemblée nationale du 7 avril 2009, p. 3266).

Ainsi, les centrales solaires pourraient, à ce titre, être autorisées à être implantées en zones agricoles des P.L.U ou hors des parties urbanisées des communes qui ne sont pas dotées d’un PLU.

En revanche, dans l’hypothèse où l’article 12 du projet de loi serait adopté en l’état, de nombreux projets de centrales solaires au sol risqueraient de ne pas être autorisés en zone agricole au motif qu’ils seraient incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière. En effet, l’imprécision des termes du  projet de loi créé une situation d’incertitude juridique qui peut n’être pas favorable à l’implantation d’une centrale solaire au sol dans ces zones.

Toutefois, il n’est pas exclu que par le biais d’amendements, les parlementaires modifient le texte afin d’en proposer une rédaction moins contraignante pour les projets de centrales solaires au sol. En toute hypothèse, un suivi rigoureux de la discussion de ce texte important pour l’avenir des énergies renouvelables est nécessaire. De même une étude systématique de l’incidence de ces nouvelles dispositions pour les projets en cours d’élaboration est fortement recommandée.

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