Quelle légalité pour la rétroactivité de l’arrêté tarifaire sur le solaire ?

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FourmonAprès plusieurs mois d’attente, les nouveaux tarifs et conditions d’achat de l’électricité photovoltaïque et thermodynamique ont été publiés le semaine dernière. Cette nouvelle a créée un certain mécontentement de la part de développeurs qui voient la rentabilité de leurs projets diminuée. Mais la légalité de l’arrêté pourrait faire l’objet de recours administratifs. L’analyse d’Adrien Fourmon, avocat au cabinet Huglo Lepage & Associés.

Le nouvel arrêté tarifaire (Arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret no 2000-1196 du 6 décembre 2000) a été publié le 14 janvier dernier (JORF n°0011 du 14 janvier 2010 page 733).

Ce texte est donc désormais pleinement applicable avec une entrée en vigueur au 15 janvier 2010 (soit en vertu du code civil le lendemain de la publication du texte, date par défaut en l’absence de dispositions spéciales).

L’ancien dispositif a été abrogé. Cependant, il subsiste pour les contrats en cours qui bénéficient de l’ancien tarif. A ce titre, il est précisé : “Sans préjudice de son application aux contrats d’achat en cours à la date de publication du présent arrêté, l’arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n°2000-1196 du 6 décembre 2000 susvisé est abrogé“.

Le nouveau dispositif tarifaire a en principe vocation à conforter et pérenniser le soutien financier à l’énergie solaire voulu par le gouvernement. Ces tarifs seront maintenus inchangés jusqu’en 2012, afin de donner une visibilité de long terme à la filière.

Un précédent jurisprudentiel intéressant dans l’éolien

Par analogie, il convient de revenir brièvement sur l’arrêté du 10 juillet 2006 pour la filière éolienne (terrestre). Le Conseil d’Etat a en effet annulé cet arrêté par un arrêt en date du 6 août 2008 pour vice de forme.

Le nouvel arrêté du 17 novembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent (publié au JO du 13 décembre 2008), reprend sur le fond les termes de l’arrêté du 10 juillet 2006.

A ce titre, l’Arrêt du Conseil d’Etat (CE, Section du contentieux, 9éme et 10ème sous-section réunies du 6 août 2008, n°297723 DP, ASSOCIATION VENT DE COLERE, FEDERATION NATIONALE et autres) avait annulé l’arrêté tarifaire car le gouvernement n’avait pas consulté Conseil supérieur de l’énergie sur celui-ci : «  Sur la légalité de l’arrêté attaqué : (…)

Considérant que (…)  cet arrêté, quand bien même il a fait l’objet d’un avis du Conseil supérieur de l’électricité et du gaz en date du 30 mai 2006, est entaché d’irrégularité ; »

Les fondements éventuels d’une illégalité devant les tribunaux

Une telle irrégularité peut être invoquée par toute personne recevable à demander l’annulation de cet arrêté devant le juge de l’excès de pouvoir.

Il existe, en effet, une possibilité pour tout acte administratif de faire objet d’un recours en excès de pouvoir ; il s’agit d’un principe général de droit français (CE, Ass, 17 février 1950, Ministre de l’agriculture c. Dame Lamotte, Leb. p. 110, GAJA n° 67

Les délais applicables en la matière, sont les délais de droit commun, à savoir 2 mois à compter de la publication de l’arrêté, soit le 15 mars 2010.

L’interprétation du ministère de l’Ecologie

Il existe par ailleurs une certaine incertitude sur la question de savoir si le pouvoir réglementaire a porté par la même atteinte rétroactivement à une situation juridique déjà constituée au sens de la jurisprudence administrative (1).

Sur ce point de la légalité des nouveaux tarifs moins favorables, il convient de souligner que dans un communiqué de presse du 13 janvier 2010, le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer a précisé : « une bulle spéculative s’étant développée depuis le mois de novembre 2009, le Gouvernement a décidé que les projets pour lesquels la demande d’achat de l’électricité a été formulée à compter du 1er novembre 2009 et n’ayant pas fait l’objet d’une demande complète de raccordement au réseau public le 11 janvier 2010 devront faire l’objet d’une nouvelle demande d’achat de l’électricité aux nouvelles conditions tarifaires. »

La date de demande complète de contrat d’achat par le producteur détermine les tarifs applicables à une installation, comme énoncé à l’article 3 de l’arrêté du 12 janvier 2010 (2). La question se pose dès lors de l’interprétation de la notion de « demande complète de raccordement au réseau ” (3).

Cette demande est en principe considérée comme étant complète lorsqu’elle comporte « les éléments définis à l’article 2 ainsi que les éléments précisés dans la documentation technique de référence du gestionnaire de réseau public auquel l’installation est raccordée ».

Dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier, le préfet délivre, s’il y a lieu, un certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat d’électricité (CODOA).

Si la DRIRE ne statue pas sur une demande de CODOA de l’électricité produite dans les délais impartis, l’absence de réponse dans les délais impartis équivaut à un refus implicite.

Par ailleurs, comme tout retrait d’un acte administratif, l’administration ne peut en principe procéder au retrait d’un CODOA illégal dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle il a été délivré.

Il conviendra donc d’être particulièrement vigilants sur les différents délais applicables en la matière.

A ma connaissance et à ce jour, la question de la légalité du nouvel arrêté tarifaire du tarif de rachat de l’énergie solaire n’a pas encore été posée devant le juge administratif…

(1) (cf. sur ce point, le principe général de droit de non-rétroactivité des actes administratifs, CE Ass. 25 juin 1948, Société du journal l’Aurore – Rec. Lebon p. 289 , GAJA n° 64 ; et la consécration récente du principe de sécurité juridique dans, CE, ass., 24 mars 2006, n° 288460, Sté KPMG et a. : Rec. CE 2006, p. 154 ; AJDA 2006, p. 1028, chron. C. Landais et F. Lenica ; JCP A 2006, 1120, comm. J.-M. Belorgey.). En effet, l’arrêt “Société KPMG et autres” précité précise qu’« il incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, une réglementation nouvelle ».

(2) L’article 3 de l’Arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 prévoyait que : « La date de demande complète de contrat d’achat par le producteur détermine les tarifs applicables à une installation. Cette demande est considérée comme étant complète lorsqu’elle comporte la copie de la lettre de notification mentionnée à l’article R. 421-12 du code de l’urbanisme, lorsqu’un permis de construire est nécessaire, ainsi que les éléments définis à l’article 2 du présent arrêté.

Si la demande complète de contrat d’achat est effectuée en 2006, les tarifs applicables sont ceux de l’annexe du présent arrêté.

Si la demande complète de contrat d’achat est effectuée après le 31 décembre 2006, les tarifs mentionnés à l’annexe du présent arrêté sont indexés au 1er janvier de l’année de la demande par application du coefficient K (…) »

(3) On reproduira les termes de l’article 3 de l’arrêté du 12 janvier 2010 : « La date de demande complète de raccordement au réseau public par le producteur détermine les tarifs applicables à une installation. La demande complète doit comporter les éléments définis à l’article 2 ainsi que les éléments précisés dans la documentation technique de référence du gestionnaire de réseau public auquel l’installation est raccordée (…) ».

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