Compenser son carbone ? Les entreprises françaises freinent

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Comme en Grande-Bretagne, beaucoup d’ entreprises françaises ont brusquement gelé leurs projets de compensation de leurs émissions de carbone : les principaux vendeurs de certificats carbone volontaires, généralement liés à une poignée de projets environnementaux dans les pays émergents, ont constaté un coup d’arrêt chez tous leurs clients potentiels – des entreprises de tous secteurs — qui commençaient pourtant à se faire de plus en plus nombreux avant que n’éclate la crise l’automne dernier. Et il est possible que ce coup d’arrêt se prolonge.

Nous avons interrogé EcoAct, CO2Solidaire et Action Carbone, trois des principaux acteurs français signataires de la charte de bonne conduite des acteurs de la compensation carbone établie par l’Ademe, à laquelle ont adhéré une quinzaine d’organismes, dont les leaders britanniques (EcoSecurities, CarbonNeutral), visiblement désireux de pénétrer un marché français de la compensation carbone encore très en retard sur la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis.

C’est en tout cas la crainte d’EcoAct, le plus gros acteur français et sans doute européen. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour les projets environnementaux en Afrique ou en Asie, qui souvent mêlent environnement, social et humanitaire, et qui comptent sur la vente de tels certificats pour se financer.

Fondée en juin 2005 sous forme associative par deux anciens cadres de STMicroelectronics, EcoAct a pris le statut d’entreprise et affiche sur son site internet le volume des certificats carbone placés : il a franchi en mars la barre du million de tonnes, ce qui le place très loin devant les autres acteurs français comme Action Carbone, présidée par Yann Arthus-Bertrand (80.000 tonnes en 2008) ou CO2 Solidaire.

Ces spécialistes des certificats volontaires ne jouent pas sur le même terrain que les gros traders de certificats carbone certifiés par l’ONU, achetés par centaines de milliers de tonne sur des Bourses comme BlueNext par les groupes d’énergie ou gros émetteurs de carbone, dans le cadre des mécanismes de développement propres du protocole de Kyoto. Des certificats souvent anonymes, qui ne sont pas toujours liés à un projet identifié.

Les certificats volontaires sont en revanche proposés directement à des entreprises et liés à des projets précis et identifiables.

EcoAct vend un peu de certificats passe-partout (20.000 tonnes équivalent CO2 en 2008) mais pour l’essentiel propose aux entreprises désireuses de compenser leurs émissions des certificats liés à un projet précis (EcoAct en a choisi une quinzaine), labellisés par des agences indépendantes reconnues par l’ONU, aux normes VCS ou Gold Standard, les deux principales normes de qualité qui se sont imposées sur le marché des crédits volontaires.

Mais pour l’instant, tout tourne au ralenti : depuis quelques mois, il y a « un gros coup de frein », nous a expliqué Gérald Maradan, directeur général et cofondateur d’EcoAct.

«L’an dernier le marché était en ébullition. Nous avions beaucoup de clients en discussions très avancées. Mais tout le monde a quasiment stoppé ou repoussé de 6 mois ses projets. Les entreprises se recentrent sur leur cœur de métier et mettent le développement durable un peu de côté en attendant la fin de la crise. Il est certain que le développement durable sera au cœur de l’économie mais actuellement personne ne se précipite pour acheter des crédits carbone et clamer sa neutralité carbone”.

EcoAct vend d’abord ses certificats (commercialisés de 12 à 20 euros  la tonne environ) à un très gros client : le groupe Areva, qui a décidé d’être neutre en carbone en compensant 100% de ses émissions incompressibles, et qui lui achète « plusieurs centaines de milliers de tonnes » de certificats.

Comme l’exige la charte de l’Ademe, EcoAct recommande à ses clients de d’abord évaluer et réduire leurs émissions, et de ne compenser que l’incompressible .

« Je leur dis ceci : si vous compensez seulement, sans réduire vos émissions, d’abord vous ne respectez pas la charte de l’Ademe et aussi vous risquez les accusations de greenwashing. Ce serait  juste s’acheter une conscience… Les entreprises ont très peur de cette accusation et donc communiquent très peu sur leur  neutralité carbone. Seuls ceux qui le veulent vraiment décident de compenser », selon lui.

« Pour l’instant, les entreprises qui ont commencé à être neutres en carbone doivent continuer à acheter des certificats, sinon cela n’aurait pas de sens », dit-il. Mais pour les autres, « je pense que tout le monde est en attente. Certaines entreprises voudront se lancer, mais jusqu’à 2011-2012, le mouvement devrait être limité car personne ne connaît encore si le système actuel de certificats continuera. La crise, combinée à cet effet d’attente, ne devrait permettre un redémarrage du secteur qu’en 2011, et là il y aura des ventes massives », pronostique le cofondateur d’EcoAct.

En revanche, en attendant les entreprises font réaliser davantage de bilans carbone. EcoAct en a réalisé 64 en 2008. (Suite de l’article page 2)

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