Les certificats carbone volontaires, victimes de la crise

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Les projets écologiques dans les pays en développement financés par la vente de certificats volontaires de compensation carbone ont été laminés par la récession début 2009. (Pour comprendre ces crédits carbone volontaires, voir notre article: “Acheter des crédits carbone : oui mais lesquels ?“)

En Grande-Bretagne, les ventes de ces certificats, coqueluche jusqu’à récemment des entreprises britanniques qui cherchaient ainsi à “compenser” leurs émissions polluantes, ont chuté de 70% au cours des deux premiers mois de 2009, par rapport aux deux premiers mois de 2008, selon l’institut spécialisé New Energy Finance. Et en outre, le prix de ces certificats volontaires a diminué de 30%, indique une enquête du journal britannique TimesOnline.

« Tout n’est pas abandonné, mais la crise a quelque peu cassé l’élan qui démarrait en 2008 », a commenté pour GreenUnivers l’un des responsables de l’organisme français sans but lucratif Action Carbone, l’un des principaux organismes français de vente de ces certificats. Mais parmi les entreprises françaises, cette démarche volontaire reste beaucoup moins utilisée que chez les entreprises anglo-saxonnes, a-t-il rappelé

En Grande-Bretagne en tout cas, c’est une cassure nette. “Tout projet de développement reposant sur la vente de certificats volontaires va avoir du mal à aboutir en ce moment”, selon Jon Williams, de Price Waterhouse Coopers.

Ce sont surtout les projets à petite échelle dans des petites communautés des pays émergents qui sont les plus menacés, par exemple la pose de panneaux solaires dans des villages dépourvus d’électricité.

Les entreprises britanniques étaient jusqu’à l’an dernier désireuses d’investir dans des projets humanitaires, dans une démarche socialement responsable, mais avec la crise elles se concentrent sur les projets ayant le plus grand impact environnemental et délaissent ces petits projets.

“La demande porte surtout actuellement sur les grands projets éoliens ou hydrauliques, où le coût par tonne de CO2 évité est moindre”, selon Neil Braun, de la société de vente de crédits carbone Carbon Neutral Company, l’un des principaux intermédiaires mondiaux du secteur.

En outre, l’impact financier de l’engagement volontaire de la Grande Bretagne “Carbon Reduction Commitment”, qui doit s’appliquer à partir d’avril 2010, pénalise ce marché des « petits » certificats  volontaires, car il prévoit déjà que  20.000 entreprises britanniques devront acheter des certificats. Le gouvernement britannique espère ainsi éviter 4 millions de tonnes de CO2 par an d’ici 2020.

“Les entreprises estiment qu’il vaut mieux investir de l’argent pour réduire leur consommation d’énergie”, estime Paul Dickinson, PDG du Carbon Disclosure Project (CDP). Un rapport que le CDP publiera en mai montre que les investissements des entreprises dans les techniques d’efficacité énergétique ont augmenté pendant la crise et que les entreprises recherchent des réductions d’émission de CO2 qu’elles peuvent mesurer concrètement.

Les bénéfices retirés de la compensation carbone ne sont pas directs, explique Neil Sachdev, directeur commercial du groupe de distribution britannique Sainsbury. “Cela ne fait que transférer le problème à un tiers. Cela fait plus sens de s’occuper directement de la réduction de la consommation d’énergie, ce qui offre des gains économiques et environnementaux clairs”. Sainsbury a compensé les émissions liées à la construction d’un nouveau bâtiment il y a deux ans. “Cela n’a fait que renforcer notre conviction que la réduction de la consommation d’énergie est le moyen le plus efficace de dépenser notre argent”, explique M. Sachdev.

Même sentiment chez le géant des boissons Diageo (Johnnie Walker, Baileys…) : “les certificats de compensation ne seront envisagés, en dernier ressort, que pour les émissions que nous ne pouvons réduire par aucun autre moyen  et nous pensons que ces cas seront rares”, a indiqué au Times un porte-parole du groupe.

Les entreprises qui achètent encore des certificats de compensation carbone exigent maintenant qu’ils portent sur des projets prouvant une réduction directe des émissions de CO2. Plusieurs normes labelisent de tels projets,  les plus cotés étant les labels Gold Standard et VCS.

Jasmine Hyman, de Gold Standard, une organisation sans but lucratif dont le label accordé à un projet fait monter de 20% le prix des certificats qui y sont liés, estime que désormais les entreprises veulent qu’une partie de leurs certificats de compensation soient labellisés Gold Standard.

Le marché des certificats volontaires de compensation carbone est complètement libre, sans aucune régulation. Ce qui a provoqué de nombreuses polémiques sur la fiabilité ou l’utilité des projets présentés. Les ONG de défense de l’environnement sont d’ailleurs souvent sceptiques sur la compensation carbone, qui n’est pour elles qu’un pis aller, voire une façon pour les entreprises de continuer à polluer tout en ayant bonne conscience

Ed Matthew, des Amis de la Terre UK, voit d’ailleurs la chute du marché des certificats comme un avantage : selon lui, davantage d’entreprises comprennent qu’il vaut mieux rendre leurs bâtiments moins gourmands en énergie plutôt que de choisir la « fausse solution » de la compensation.

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