
Pour sa 4e édition, le Prix des femmes des énergies renouvelables devient en 2021 le Prix des femmes de la transition énergétique pour suivre l’évolution des marchés. Organisé par Andera Partners et GreenUnivers, il met en avant 20 championnes des EnR mais aussi de l’hydrogène, de la rénovation énergétique ou encore de la mobilité durable, sélectionnées par le jury parmi 75 candidatures sur la base de leurs actions et accomplissements au cours de l’année écoulée. Leurs parcours attestent des carrières aux multiples facettes dans l’univers – encore très masculin – de la transition énergétique. Elles se répartissent en cinq catégories, avec pour chacune d’entre elles, une lauréate et des nominées : secteur privé, innovation, finance, associations et secteur public. Sans oublier un « coup de cœur » du jury !
Le jury : Guy Auger, Associé d’Andera Infra; Jean-Louis Bal, Président du Syndicat des énergies renouvelables; Jens Bicking, Président d’Elatos; Pascale Courcelle, Directrice du Financement immobilier énergie environnement de Bpifrance; Hélène Demaegdt, Présidente de Synergie Solaire; Patricia Laurent, Directrice de la rédaction de GreenUnivers; David Marchal, Directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes de l’Ademe; Sylvie Perrin, Avocate associée du cabinet De Gaulle Fleurance & Associés et Présidente de La Plateforme Verte; Nicolas Wolff, Président de France Energie Eolienne & Vice-Président et Directeur général Europe de Boralex.

Secteur privé
Valérie Bouillon-Delporte, Madame mobilité hydrogène

Directrice de l’écosystème hydrogène de Michelin, elle est par ailleurs 1ère vice-présidente de l’association France Hydrogène et membre du conseil d’administration de l’Avere-France. Elle préside aussi l’association Hydrogen Europe. Cette diplômée d’écoles de commerce – Kedge Business School et Essec – a débuté sa carrière dans la grande consommation et le luxe, avant de bifurquer vers l’automobile en 1997 à des postes alliant stratégie et marketing. « J’ai toujours travaillé sur des technologies dont l’objectif était d’améliorer la sécurité des véhicules ou leur impact sur l’environnement. »
Tenneco, Delphi, Inergy… Son parcours lui offrait déjà une bonne connaissance des équipementiers quand elle a rejoint Michelin en 2010. D’abord pour travailler sur le moteur-roue électrique, puis sur l’hydrogène à partir de 2013. A l’époque, Michelin envisageait d’entrer au capital du spécialiste des piles à combustible Symbio. Le dossier lui a été confié. L’investissement a eu lieu et « je suis devenue chez Michelin la sparring partner des dirigeants de Symbio », se souvient-elle. « Mon rôle était de trouver les leviers pour aider Symbio à se développer. » Elle a notamment œuvré au lancement du projet Zero emission valley (ZEV) de réseau de stations hydrogène en Auvergne-Rhône-Alpes.
Aujourd’hui, la mobilité hydrogène est très soutenue par l’Etat. Valérie Bouillon-Delporte a même reçu début 2021 la légion d’honneur sur la quote-part du ministère de l’Economie, « une superbe reconnaissance du rôle que peut jouer l’hydrogène dans l’activité économique ». Plus que jamais, elle veut animer la filière pour la faire changer d’échelle. Tout en soutenant le rôle des femmes dans cet essor. Depuis 2008, elle est en effet membre de l’association Wave qui incite les femmes à faire carrière dans l’automobile.
Thomas Blosseville

Alexandra Sombsthay
Dir. relations extérieures Europe-International
Akuo Energy

Cécile Magherini
Directrice nouvelles énergies
CNR

Ella Étienne-Denoy
Directrice générale GreenSoluce
Innovation
Florence Lambert, la scientifique devient industrielle

Ayant passé sa vie dans les laboratoires de recherche, la docteure en électrochimie de l’université de Grenoble pourrait se sentir loin de ses bases. D’ailleurs, c’est un peu ce qu’elle souhaite. Le travail avec les ingénieurs de l’oil & gas, qui découvrent l’univers des renouvelables, n’est pas pour lui déplaire : « mes nouveaux collègues débordent de motivation », se réjouit-elle.
Mais son dépaysement n’est pas si fort. Florence Lambert cultive un esprit pratique et le goût des carrefours. « Au CEA Liten, j’ai toujours encouragé la rencontre entre la recherche et l’industrie, dans le solaire, les batteries, l’hydrogène ». Concrètement, cela se traduit par des lignes de fabrication pilotes inspirées des pratiques de la microélectronique. « A l’Ines**, l’un des départements du CEA Liten, quand nous annonçons un nouveau rendement, des milliers de cellules sont déjà sorties pour le prouver », illustre-t-elle.
Ce réalisme a un revers : le regret de constater que malgré tout, aucune grande usine photovoltaïque ou de batteries n’est sortie des travaux des chercheurs français. Pas encore veut croire cette fonceuse, à la manœuvre en 2020 pour pousser l’usine mosellane de l’industriel photovoltaïque REC et valoriser les découvertes du CEA dans l’hétérojonction. « J’espère que la traversée du désert des années 2010 est finie. L’automatisation et les nouvelles technologies obligent le monde entier, Asie comprise, à refaire ses usines. Le haut rendement solaire redonne sa chance à l’Europe ».
Une autre occasion en or serait à saisir dans l’hydrogène. Le CEA Liten a mis au point une prometteuse technologie d’électrolyse à vapeur, réversible, avec quarante brevets au compteur. Genvia en est la réponse industrielle. Dans ce rôle de chef d’entreprise, Florence Lambert va devoir apprendre à mener vite et de concert les réglages techniques, le cadencement industriel et le marketing. La militante de la reconquête industrielle doit maintenant la faire advenir.
Jean-Philippe Pié
*Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles
*Institut national de l’énergie solaire

Marion Arles
Manager Innovation & Nouveaux Services
Gireve

Csilla Kohalmi-Monfils
Directrice de l’innovation
Engie Fab
Csilla Kohalmi-Monfils est diplômée de l’Université polytechnique et économique de Budapest et de l’Insead de Fontainebleau. Elle fait ses armes dans plusieurs entreprises du secteur de l’énergie en Hongrie, où elle occupe des postes à responsabilités. En 2011, elle intègre Engie en tant que directrice des projets stratégiques à Budapest, puis vice-présidente de la direction de la stratégie, des nouvelles entreprises et du numérique (pôle Asie-Pacifique) avant de prendre la tête des écosystèmes d’innovation d’Engie. Ce nouveau rôle sur mesure, créé il y a une vingtaine de mois, fait se rencontrer les écosystèmes d’innovation internes et externes du groupe au niveau mondial.

Mélissa Kaestler
Directrice générale
A+ energies
Finance
Anne Guérin, la banquière s’engage pour le climat

Anne Guérin veille aujourd’hui à sa bonne exécution par les 1 200 collaborateurs du réseau. Une étape stratégique comme les apprécie cette dirigeante pragmatique qui a commencé sa carrière en 1991, à sa sortie de l’ESCP Europe, comme chargée d’affaires à la Banque du développement des PME. « Nos équipes s’emparent de ce sujet avec enthousiasme, il y a un vrai engouement », se réjouit-elle.
Pour convaincre les dirigeants de PME de faire leur transition, Bpifrance a concocté une palette d’outils, de diagnostics aux prêts verts en passant par la création d’une communauté d’entrepreneurs engagés pour le climat et symbolisée par un coq vert. « Nous avons démarré en juillet dernier, nous en sommes aujourd’hui à 300 dont 50 éclaireurs qui prennent la parole devant leurs pairs, témoignent de leurs actions, de leurs difficultés », poursuit Anne Guérin.
Et pour promouvoir la valeur de l’exemple, elle prépare une journée de restitution, le 6 avril, pour présenter en version phygitale l’offre de solutions et faire témoigner les dirigeants déjà en transition. « En trois mois, 200 sociétés ont engagé leur transition à nos côtés, nous voulons rapidement passer à 1 000. Nous portons une vision inclusive, nous allons les chercher pour les faire évoluer. Les chefs d’entreprise ont de multiples dossiers à gérer, l’environnement n’est pas toujours perçu comme une priorité ».
Portée par la cause climatique sur le plan professionnel, Anne Guérin a réfléchi sur sa propre empreinte carbone et affirme être devenue plus attentive aux gestes du quotidien. Si elle prenait déjà le métro pour rejoindre son bureau, elle privilégie désormais le train pour les visites sur le terrain. « Il faut œuvrer maintenant pour les générations futures », insiste celle qui promeut aussi la mixité dans ses équipes pour favoriser l’intelligence collective et cognitive.
Patricia Laurent

Céline Lauverjat
Dir. adjointe des fonds transition énergétique
Mirova

Sylvie Chaussin
Directrice
Crédit Mutuel Capital Privé
Cette diplômée de l’EM Lyon est une « pro » du financement des infrastructures, un secteur qui la passionne « pour sa résilience et sa capacité d’innovation ». Après avoir débuté à la Société Générale, elle rejoint l’équipe financement de projets du CIC en 2006. Des EnR aux transports en passant par les écoles, elle intervient sur de multiples financements structurés. Fin 2019, elle est nommée directrice au sein de la société de gestion Crédit Mutuel Capital Privé dont elle lance le premier fonds equity dédié aux infras, Siloe Infrastructures, doté de 500 M€ pour investir notamment dans des projets de transition énergétique dans les territoires.

Maud Minoustchin
Directrice de participations
IDIA Capital Investissement
Associations
Marie-Noëlle Reboulet, la solidarité à toute épreuve

« Affronter les difficultés fait partie du métier », relativise à 61 ans celle qui préside le Geres depuis 2017, mais qui travaille dans la solidarité internationale depuis une quarantaine d’années, tantôt comme bénévole, tantôt comme salariée. En ce début 2021, l’actualité rattrape à nouveau l’activité du Geres. L’ONG est présente au Myanmar (ex-Birmanie), frappée par la contestation populaire après la reprise en main du pouvoir par les militaires. Le Geres mène aussi des projets au Mali et en Afghanistan. « On parle beaucoup du Covid-19, mais les difficultés tiennent souvent à des questions de sécurité. D’où l’importance de s’appuyer sur des équipes locales fortes. » A l’écouter, ce qui ferait trembler nombre d’Occidentaux appartient presque, pour elle, à la banalité du quotidien.
Marie-Noëlle Reboulet a débuté sa carrière dans un bureau d’études – Espace Éolien Développement – qui participait notamment à un programme éolien en Afrique. Elle a aussi participé à la création et piloté la fondation d’entreprise de l’ex-Poweo, dont l’objectif était de favoriser l’accès à l’énergie. Toujours motivée par le besoin de solidarité, elle a vu la situation s’améliorer au fil des années, quoique de façon variable d’un continent à l’autre. Mais l’enjeu reste d’ampleur. « Le changement climatique nous fait clairement sentir que tous les humains sont sur le même bateau. Ce qui est basique pour les uns devrait l’être pour tous », clame celle qui, par exemple, s’étrangle de voir des femmes s’abîmer la santé en cuisinant avec des moyens rudimentaires ou en transportant de l’eau sur la tête.
Thomas Blosseville

Valérie Anne Lencznar
Déléguée générale
Think Smartgrids

Alexandra Battle
Coordinatrice
Sol Solidaire
Secteur public
Marie-Guite Dufay joint le geste à la parole

Elue depuis 2008, Marie-Guite Dufay y pilote une politique volontariste en faveur de l’environnement : « en dix ans, la consommation d’énergies renouvelables est passée de 10% à 22% » se réjouit-elle, insistant aussi sur l’éco conditionnalité des mesures en faveur des bâtiments, les efforts de rénovation thermique et la participation à l’émergence d’une “vraie filière dans l’hydrogène renouvelable”. D’ailleurs, le 5 mars, la présidente a signé une commande de trois trains à hydrogène auprès d’Alstom, pour 51,9 M€. Les premiers essais sont annoncés en 2023 entre les gares d’Auxerre et de Laroche-Migennes (Yonne). Une première !
Cet investissement s’inscrit dans le plan de relance de l’économie régionale décidé en 2020 et tout aussi inédit. Sa particularité ? Sur 435 M€ de financements 100% régionaux, 237 M€ sont fléchés vers l’écologie. Plus de la moitié. La région prévoit par exemple d’augmenter la participation au capital des sociétés d’économie mixtes EnR locales, de créer un fonds régional pour la transition énergétique et d’investir 22 M€ dans le solaire. Mais les moyens les plus lourds sont affectés au verdissement des transports (80 M€), en particulier en soutenant le ferroviaire régional et à la rénovation énergétique des bâtiments, pour 69 M€. « Cela traduit une belle ambition, commente Marie-Guite Dufay, mais implique aussi une grande responsabilité ».
Jean-Philippe Pié

Sabine François
Dir. Transition Energétique, Ecologique et Environnement
Région Grand-Est
Passionnée d’océan, Sabine François s’est tournée vers le développement durable dès le début de sa carrière. Elle rejoint d’abord la mairie de Montigny-les-Metz (Moselle) au poste d’adjointe au développement durable, où elle lance l’Agenda 21, dont les 57 actions appliquent le développement durable à plusieurs domaines. Elle prend ensuite les rênes de l’Ademe Lorraine, puis Grand-Est, avant d’atterrir à la Région Grand-Est en tant que directrice de la transition énergétique, écologique et de l’environnement. Désormais, Sabine François s’attache à investiguer les sujets liés à la biodiversité et à l’eau pour faire face aux conséquences du réchauffement climatique.

Nathalie Loch
Cheffe de projet Hydrogène
AER Bourgogne-Franche-Comté
Développer l’hydrogène est un engagement personnel pour la nouvelle déléguée régionale France Hydrogène de Bourgogne-Franche-Comté. Docteure-ingénieure ENSMM, Nathalie Loch promeut cette énergie aux investisseurs potentiels, aux partenaires et aux entreprises de la région depuis ses débuts à l’Agence économique régionale de Bourgogne-Franche-Comté ; son travail sur la filière automobile s’élargit aux nouvelles solutions de mobilité et à l’hydrogène dès 2008. Une ambition concrétisée par le vote, en 2019, d’une feuille de route votée à la quasi-unanimité par la Région pour accompagner les projets de développement de l’hydrogène.

Laurence Maillard-Méhaignerie
Députée LREM
Ille-et-Vilaine
Coup de cœur du jury
Anne-Lise Deloron-Rocard, la rénovation énergétique à 360°

Après une décennie au Plan Bâtiment durable, Anne-Lise Deloron-Rocard est nommée à l’été 2019 coordinatrice interministérielle en charge de la rénovation énergétique des bâtiments. Un poste clé créé pour mieux articuler la politique publique en la matière, à l’occasion d’un remaniement qui place Emmanuelle Wargon comme l’unique référente gouvernementale, alors qu’elle partageait auparavant le domaine avec Julien de Normandie, ancien ministre du logement. Un double-portage politique qui constituait un frein avec deux administrations qui pouvaient se neutraliser, voire se percuter.
La mission d’Anne-Lise Deloron-Rocard ? Réconcilier les différentes agences et administrations qui traitent des questions de rénovation énergétique. Un défi immense car les parties-prenantes sont nombreuses et les projets complexes, mais qui lui donne une vision à 360° de la rénovation énergétique en France. Pas un ministère n’échappe à sa thématique, et la coordinatrice se démène pour apporter de la clarté sur les mécanismes de soutien et de financement. Son rôle consiste aussi à unifier le récit de la rénovation énergétique voulue par les pouvoirs publics. A l’instar de son récent tour de France des Dreal et DDT pour expliquer, mais aussi faire remonter les retours pratiques du terrain et ne pas s’arrêter à la rédaction des décrets. Se confronter aux parcours utilisateurs pour assurer ce qu’elle appelle le « dernier kilomètre ».
Elle salue le travail de la Convention citoyenne pour le climat qui a permis de faire davantage parler de l’enjeu de la rénovation, malgré la note sévère (3,4/10 sur la partie « Se Loger ») attribuée par les citoyens tirés au sort au gouvernement en clôture des travaux. Anne-Lise Deloron-Rocard préfère voir le verre à moitié-plein : les 192 000 dossiers déposés en 2020 pour MaPrimeRénov’, la fixation d’un seuil énergétique pour les logements indécents ou encore l’interdiction de mise à la location des passoires thermiques en 2028.
Romain Chicheportiche