Fin des tarifs réglementés de l’électricité : une opportunité pour les renouvelables ?

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(Crédit : Flickr / Matt Walker)
(Crédit : Flickr / Matt Walker)

A partir du 1er janvier 2016, et au plus tard le 31 juin 2015, quelque 400 000 clients professionnels – 2/3 de la consommation française – seront obligés de quitter l’univers confortable mais opaque des tarifs réglementés de l’électricité pour souscrire à une offre de marché. L’occasion pour certains de passer à des offres dites « vertes ». Quel peut-être l’impact de ce changement de réglementation sur le développement des énergies renouvelables ? L’enquête de GreenUnivers.

La Poste, première à se lancer

Depuis le 1er octobre dernier, [am4show have=’g1;g2;g4′ user_error=’Please_Upgrade’ guest_error=’Please_Subscribe’]1 300 sites de la Poste – représentant les deux-tiers de la consommation électrique du groupe, soit 650 GWh – sont approvisionnés en électricité « 100% renouvelable ». Le groupe fait figure de pionnier en saisissant ainsi l’opportunité de la loi Nome (Nouvelle organisation du marché de l’électricité) pour s’engager sur la voie des renouvelables. A l’issue d’une mise en concurrence pilotée par Poste Immo, la foncière du groupe, ce sont désormais Direct Énergie et Engie qui ont été choisis comme fournisseurs d’électricité verte. Le premier a remporté deux lots correspondant aux anciens tarifs réglementés verts (sites de grosse taille) et Engie a remporté le lot des sites de moyenne taille, correspondant aux tarifs jaunes.

Une révolution invisible

Très concrètement, cette petite révolution est absolument invisible – et physiquement inexistante – puisqu’il est impossible de distinguer un électron d’un autre, encore moins de séparer les électrons verts pour les orienter vers des points de consommation précis, ceux de La Poste en l’occurrence. Dans la plupart des cas, le caractère « vert » de l’offre est donc assuré par les garanties d’origine correspondant à des mégawattheures d’électricité verte produite et injectée dans le réseau. Achetées en quantité suffisante par Engie et Direct Énergie, ces garanties d’origine devront couvrir la consommation de La Poste jusqu’au 31 décembre 2018, au moins.

Verdir les tarifs bleus

Bien lancée, la Poste travaille actuellement à « verdir » aussi l’approvisionnement de ses petits sites, sous tarifs bleus. « L’idée est de rester sous contrat avec EDF ou les ELD dans le cadre des tarifs réglementés, mais en achetant parallèlement des garanties d’origine « sèches » pour couvrir la consommation de ces sites », indique Valérie Bogard, responsable marché énergie de Poste Immo.

Les marques d’intérêt pour les renouvelables se multiplient

La dynamique impulsée par La Poste sera-t-elle massivement suivie ? S’il est trop tôt pour le savoir – seulement 13% des entreprises concernées avaient entamé des démarches pour changer de fournisseur au 15 septembre 2015 – les fournisseurs alternatifs notent clairement un intérêt pour les offres vertes. « On voit émerger une demande qui était quasi inexistante, assure Fabien Choné, directeur général de Direct Énergie. Beaucoup d’entreprises se posent la question mais aussi des collectivités locales désireuses de montrer l’exemple ». Et cet intérêt n’est pas seulement l’apanage des grands consommateurs : WattValue, qui propose des solutions d’énergie verte en achat groupé pour les PME-PMI, assure avoir déjà réuni plus de 100 sites intéressés et compte lancer les appels d’offres pour trouver un ou plusieurs fournisseurs d’ici au mois de novembre.

Chez Enercoop, qui fait l’intermédiaire depuis 10 ans entre des petits producteurs d’énergie renouvelable et des clients engagés, les appels téléphoniques de professionnels ont aussi augmenté de façon exponentielle. « En temps normal, nous recevons entre une et deux sollicitations de professionnels par jour, depuis cet été c’est plutôt entre 20 et 30 coups de fil pour connaître nos offres », explique Grégory Dissoubray, ?responsable du développement commercial de la coopérative. Un intérêt vite tempéré cependant : « 95% s’avèrent hors cible puisqu’ils s’intéressent essentiellement au prix et que nos offres sont 15% plus chères que les autres, en moyenne », poursuit Grégory Dissoubray. Pourtant La Poste avance une économie de 7% sur sa facture d’énergie, soit 3 millions d’euros par an, avec l’approvisionnement en EnR. Quel est donc le vrai prix de l’électricité verte ?

Des niveaux de prix différents

Dans le cas d’Enercoop, la coopérative justifie le surcoût par le fait qu’elle est directement liée par des contrats de gré à gré avec une centaine de petits producteurs d’énergie renouvelable – essentiellement des centrales hydrauliques –, à qui elle rachète l’électricité à un coût suffisamment élevé pour permettre de financer des investissements ultérieurs.

Dans le cas de la Poste, le contrat est en fait constitué d’électricité dite « grise », achetée sur le marché spot à des prix bien plus faibles que les tarifs réglementés. S’y ajoutent des garanties d’origines qu’Engie et Direct Énergie acquièrent auprès de Powernext, le gestionnaire du registre français des garanties d’origine, pour des prix variant de quelques centimes à quelques euros par mégawattheure. En effet, depuis 2012, une garantie d’origine peut être vendue séparément de l’électricité à laquelle elle était initialement attachée, étant entendu que, dans ce cas, l’électricité dissociée de sa garantie d’origine n’est plus considérée comme de l’électricité verte.

Garanties d’origine : un marché atone

Dans la très grande majorité des cas, les garanties d’origine proviennent de centrales hydrauliques amorties, qui ne sont plus sous contrat subventionné avec EDF. En effet, les producteurs d’énergies renouvelables ne peuvent pas cumuler vente de la garantie d’origine et tarifs d’achat. Le second étant largement plus rémunérateur, les « jeunes » énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien sont pour la plupart exclues du mécanisme des garanties d’origines. Le passage au complément de rémunération adossé aux prix de marché ne devrait pas changer la donne.

« Pour l’heure, le marché des garanties d’origine est atone, il n’envoie donc aucun signal aux producteurs d’énergie », explique Fabien Choné de Direct Energie. « Sur 20 TWh de garanties d’origine émises chaque année, seules 6 sont finalement acquises aujourd’hui », souligne Jean-Marc Dubreuil, associé de WattValue. Il faudra donc beaucoup de temps – et de demande – avant que les garanties d’origine ne créent un cercle vertueux en encourageant les producteurs d’énergie à produire toujours plus d’énergie verte.[/restrict-content]

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