Solaire : changement en douceur ou révolution avec François Hollande ?

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De notre envoyé spécial à Marseille, Alexandre Simonnet

Le photovoltaïque sera probablement l’un des premiers chantiers dans les cleantech du nouveau Président François Hollande. En pleine tourmente après des arbitrages politiques douloureux, la filière solaire a un peu plus le sourire même si les entreprises, prudentes, ne sautent pas pour autant au plafond, espérant surtout une sortie de crise. À quels changements s’attendre sur le plan réglementaire ? Révolution profonde ou simple évolution du schéma actuel ?

Face à ce “Président normal”, la filière souhaite surtout avoir une “énergie solaire normale”. Rencontres avec des dirigeants à l’occasion de la 5e édition des Journées européennes du solaire, organisées par le syndicat professionnel Enerplan à Marseille, où était présenté le MS Tûranor de PlanetSolar, le catamaran propulsé par 120 kW de modules photovoltaïques SunPower (groupe Total) qui vient de boucler le premier tour du monde à l’énergie solaire.

La fin de la traversée du désert ?

“Pendant que ce bateau solaire engageait une traversée des océans, la filière photovoltaïque française a fait la traversée du désert”, dénonce Thierry Mueth, président d’Enerplan, qui souhaite un redémarrage rapide du marché solaire. Mais la filière veut éviter le faux départ politique, et pousse quelques mesures simples.

L’espoir est de mise : “Je peux vous dire que nous n’attendrons pas l’été 2013 pour réinstaurer un cadre réglementaire stable, visible et incitatif pour l’ensemble des filières (photovoltaïque, éolienne, etc.). Tous les acteurs le réclament. Il y a énormément d’emplois en jeu. Mais il ne s’agit pas de grever les finances de l’Etat”, a déclaré Marie-Hélène Aubert, à la tête du pôle “Environnement, développement durable et énergie” dans l’équipe de campagne de François Hollande, dans le quotidien Le Monde du 8 mai.

Pas de révolution espérée

Mais la filière ne semble pas s’attendre à une grande révolution : «Il y a des contraintes légitimes au niveau macroéconomique, donc il n’y aura probablement pas de changements en profondeur de la réglementation. Plutôt une amélioration du schéma existant», estime Jean–Marc Auffret, directeur des ventes de Bosch Solar France.

Même constant chez TCE solar, une PME du bâtiment spécialiste du solaire. Mais son dirigeant Germain Gouranton s’alarme : «Le temps politique et le temps économique sont très différents, attention ! Si nous devons nous engager dans un cadre renouvelé, c’est maintenant.” Une mise en garde qui sonne comme une référence au slogan de campagne du candidat socialiste (Le changement, c’est maintenant). “Je crains que le monde politique ne prenne pas la mesure de l’urgence de la préservation des emplois de la filière, et des qualités techniques de ces emplois. Une PME ne peut pas attendre. Les entreprises de taille intermédiaire de demain se jouent maintenant”, poursuit-il.

Des règles de bon sens…

Faute de rupture attendue, quels sont les changements envisageables ? Les “Etats Généraux du solaire” de l’automne dernier, auxquels a participé Enerplan, ont montré les pistes possibles, notamment sur le soutien financier au marché (via la CSPE – la contribution au service public de l’électricité).

Les besoins de la filière tiennent souvent au bon sens : une indispensable stabilité juridique et une simplification des règles administratives. “Le coût administratif d’un projet est exorbitant en France. La question du raccordement est à repenser, pour plus de souplesse et de rapidité. Il faut, par exemple, une période butoir de 12 mois entre le dépôt de la Proposition Technique et Financière – PTF – et le raccordement d’une installation”, explique Jean-Marc Auffret. Un point appuyé par Germain Gouranton : “Le tarif d’achat accordé doit être celui où la PTF est payée, et non celui où elle est demandée”.

Le système actuel est en effet plutôt aberrant : des acteurs raccordent aujourd’hui des panneaux achetés au prix relativement bas du marché, pour des installations qui ont obtenu depuis plusieurs mois un tarif d’achat relativement haut.

…et de la cohérence

La remise en cause de l’appel d’offres pour les centrales de 100 à 250 kW est aussi souhaitée, un dispositif sélectionnant des projets sur la base de tarifs d’achat proposés par les entreprises. Une fois encore, la filière met en avant la cohérence des règles du jeu. Aujourd’hui, les tarifs d’achat réglementés pour les projets de 36 à 100 kW sont inférieurs à ceux octroyés sur l’appel d’offres des centrales de 100 à 250 kW. Autrement dit, des petits projets plus coûteux proportionnellement que des grands bénéficient pourtant de tarifs plus bas.

Les réflexions portent également sur la stimulation du solaire installé sur le parc bâti existant, à l’heure de la rénovation thermique des bâtiments et des constructions à énergie positive. Enerplan (re)évoque aussi la question de la régionalisation des tarifs d’achat, pour piloter habilement les retours sur investissement, différents entre un projet dans le nord et le sud de la France,.

Revoir la trajectoire cible

SMA France, le producteur d’onduleurs et d’autres systèmes solaires, ne s’attend pas non plus à une rupture réglementaire. Mais l’heure du changement doit sonner : “Nous n’avons plus aucune vision sur le marché français depuis plusieurs mois. Une situation accentuée par le processus électoral”, note Pierre Genin, le président. Pour lui, l’un des éléments bloquants reste la question des volumes, et notamment de la trajectoire cible de 500 MW pas an. Le dirigeant donne d’ailleurs des gages au monde politique : “Nous avons un plan de réduction des coûts des onduleurs de 50% d’ici à 2015”.

“Nous avons observé une division par trois du coût d’investissement au MW en moins de cinq ans”, rappelle Thierry Mueth. Et le président d’Enerplan de rappeler qu’en 2017, à la fin de la mandature de François Hollande, le photovoltaïque sera compétitif en France par rapport aux énergies fossiles, avec l’arrivée de la parité réseau.

Du côté du projet Planetsolar et de l’équipage du catamaran solaire MS Tûranor, l’avenir est limpide : “Nous avons démontré avec cette extraordinaire démonstration le potentiel de l’énergie solaire. La route est ouverte en ce début du XXIe siècle. Nous ne sommes pas des rêveurs, mais des visionnaires…”

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(*) PlanetSolar a bénéficié d’un investissement de plus de 20 M€. Il est supporté, entre autres, par l’homme d’affaires allemand Immo Stroeher (ImmoSolar Energy Management) et Candino Swiss Watch. 

 

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