Biomasse : les promesses de la filière bois

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pgattetLe marché de la biomasse devrait croître de 40 à 50% entre 2008 et 2020 en France, selon Philippe Gattet, spécialiste de l’énergie au sein du cabinet d’études Xerfi et auteur de l’étude « Le marché de la biomasse en France ». La filière bois est la plus prometteuse et la plus ouverte à de nouveaux acteurs, même si elle est très capitalistique avec un approvisionnement complexe à organiser.

GU : quel sera le développement de la biomasse en France dans les prochaines années ?

La production d’énergie à partir de biomasse reste un marché émergent même si elle représente aujourd’hui plus de la moitié de la production d’énergie primaire d’origine renouvelable, devant l’hydraulique, les agro-carburants et l’éolien. Les pouvoirs publics ont mis en place un cadre réglementaire incitatif et des aides financières ces dernières années. Trois appels d’offre ont déjà été lancés par la Commission de régulation de l’énergie et un fonds chaleur a été constitué qui sera doté de 1 milliard d’euros d’ici 2013. Et le gouvernement a annoncé le doublement ou le triplement du tarif d’achat pour les centrales de cogénération fonctionnant au bois.

Grâce à tous ces éléments, la biomasse est appelée à connaître une forte croissance. Elle doit d’ailleurs représenter la moitié de l’effort pour atteindre 23% d’énergie consommée d’origine renouvelable en 2020 en France. L’objectif consiste à atteindre 15 millions de TEP en 2020 (contre 8,8 millions en 2006) en production de chaleur et 1,4 million en production d’électricité (0,2 million en 2006), selon le dernier programme des infrastructures énergétiques du gouvernement. Mais selon notre analyse, ce seuil sera difficile à atteindre malgré tous les dispositifs : il nécessiterait une croissance de 73% entre 2008 et 2020, or nous anticipons une croissance comprise entre 40 et 50% sur cette période.

GU : pourquoi ce décalage ?

Nous avons recensé quatre raisons principales. D’abord, la crise financière. Les gros projets émanent le plus souvent d’appels d’offre des énergéticiens et des collectivités locales. Or, ces acteurs réduisent leurs ambitions ou reportent leurs décisions d’investissement.  Veolia Environnement vient par exemple d’annoncer une réduction de 1,6 milliard d’euros de ses investissements dans le monde cette année : ils seront de 2 milliards, au lieu de 3,6 milliards prévus initialement. Deuxième frein, la contrainte géographique. Il est facile de raccorder au réseau des unités de production d’électricité, beaucoup moins des unités de production de chaleur. Les sites de production doivent être proches des lieux de consommation, ce qui n’est pas toujours évident. Troisième obstacle : l’approvisionnement en bois. La filière bois n’est pas très organisée, très atomisée, il faut assurer les approvisionnements et cela nécessite une chaîne logistique complexe. Enfin, quatrième frein, l’incinération, qui représente la 2e filière de la bioénergie après le bois, est menacée à moyen terme. Les conclusions du Grenelle de l’environnement prévoient une réduction de 15% d’ici 2012 des déchets incinérés et enfouis. Ceci signifie que la production d’énergie à partir des incinérateurs ou à partir du biogaz valorisé dans les décharges risque de se replier légèrement.

GU : quelles sont les filières les plus dynamiques ?

La biomasse recouvre deux grandes filières, le bois et les déchets. La première est la plus prometteuse et la plus ouverte, malgré son atomicité. Les forêts couvrent 85% du territoire national. Et on prélève chaque année 60% de la croissance naturelle de la forêt, notamment pour la papeterie et l’ameublement, ce qui laisse des marges de manœuvre. Cette filière compte de nombreux acteurs avec des profils variés, même si les énergéticiens comme EDF, GDF Suez, Poweo ou Séchilienne Sidec, qui produit de l’énergie à partir de bagasse dans les DOM-TOM, dominent le marché. Il y a aussi les deux grands exploitants de réseaux de chaleur, Dalkia (filiale de Veolia et d’EDF) et Cofely (filiale de GDF-Suez) qui peuvent équiper en chaudière bois leurs réseaux de chauffage urbains. L’activité est très capitalistique, ce qui complique l’arrivée de nouveaux entrants. On a toutefois vu arriver de nouveaux acteurs des énergies renouvelables ces dernières années, tels Voltalia, EBV ou Evergreen BioFuels. On trouve aussi quelques industriels spécialisés dans la transformation du bois, comme Tembec.

GU : et les déchets ?

La filière est plus fermée, avec une position très dominante des deux grands groupes que sont Veolia Propreté et Sita (Suez Environnement). Avec leur activité de collecte des déchets, ils maîtrisent le gisement. Cela ne laisse pas beaucoup d’opportunités à de nouveaux entrants sur le marché de la valorisation des déchets municipaux par biogaz ou incinération. On trouve cependant quelques opérateurs locaux et, par exemple, la filiale française du leader espagnol de la gestion des déchets Urbaser a su profiter de la volonté de certaines collectivités de ne plus travailler avec les deux ténors pour se frayer une place sur le marché. Là où on trouve le plus d’opportunités, c’est dans la valorisation des déchets agricoles : on commence à voir des exploitants développer de petits unités de production et elles devraient se multiplier dans les prochaines années. C’est le segment qui devrait connaître la plus forte croissance, avec des possibilités intéressantes pour de plus petites sociétés.

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