Les capitaux-risqueurs américains croient plus que jamais aux cleantech

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wwwheesen1Le secteur des cleantech va devenir le premier secteur d’investissement pour le capital-risque : c’est le pronostic de Mark Heesen, président de l’Association américaine des fonds de capital-risque (NVCA), dans une interview à l’agence Reuters. En voici la retranscription :

Quels sont les perspectives pour les cleantech ?

M. Heesen: Le capital-risque (Venture capital, ou VC) dans ce secteur a atteint 4,09 milliards de dollars en 2008 (sur un total d’investissements des VC américains de 28 milliards de dollars) contre 1,44 milliard en 2006. Le premier trimestre 2009 a marqué un recul mais les cleantech devraient devenir leur tout premier centre d’intérêt, éclipsant le secteur médical ou high-tech, leurs traditionnels domaines de prédilection, grâce aussi au plan de relance américain qui prévoit des milliards pour le solaire, l’éolien, les biocarburants, etc.

Il y a 5 ans, environ 2% des investissements des VC allaient dans les cleantech, aujourd’hui 15%. Je crois sincèrement que dans un futur peu éloigné, ce secteur sera le plus important pour les VC. C’est un secteur en ébullition, cela ne fait aucun doute. Il y aura beaucoup d’argent perdu, mais à long terme, c’est la quintessence du capital-risque : un secteur porteur de changements fondamentaux, avec des technologies de rupture, qui vont révolutionner les structure existantes.

Quels secteurs recouvrent les cleantech ?

M. Heesen : Les cleantech sont une convergence de nombreuses technologies : sciences de la terre, informatique, communications, tous ces secteurs fondus en un seul. L’énergie est celui qui nous intéresse le plus. Les cleantech recouvrent aussi tout ce qui rend les secteurs actuels de la consommation (de ressources) plus efficaces. S’il faut creuser un puits, nous en tirerons 100% du pétrole, pas 82%. Si nous brûlons du charbon, nous voulons un moyen plus efficace et plus propre de le faire. Le secteur des cleantech tente de révolutionner le statu quo en matière d’énergie et de consommation. Autre erreur, croire que ce secteur ne concerne que des projets géants comme les parcs éoliens et solaires. Car il s’agit aussi choses très simples : construire avec de meilleurs matériaux, de meilleurs éclairages, de meilleurs revêtements des sols, de meilleures peintures… Toutes ces éléments accessoires qui, au bout du compte, peuvent nous permettre d’économiser beaucoup d’argent. La purification de l’eau est un autre sujet de ce type. Tous ces projets ne sont pas grandioses, mas ils font partie intégrante des changements en cours dans le système.

Comment s’inscrivent-elles dans les tendances plus globales ?

M. Heesen : Beaucoup de gouvernements, dont les Etats-Unis, comprennent l’importance de ce secteur  au point de vue énergétique, économique, et pour une sécurité des approvisionnements. Ils sont prêts à apporter des subventions publiques. Les consommateurs, en particulier en Europe, sont prêts à payer un peu plus car ils comprennent les dangers du réchauffement climatique. Je pense que dans 5 ans, ce sera le plus grand secteur d’investissement pour les VC.

Comment s’y préparent les VC ?

M. Heesen : Ils recrutent des experts du secteur, et le comprennent de mieux en mieux. Ils comprennent que c’est un bénéfice pour la société mais qui peut aussi leur faire gagner de l’argent. Nos investisseurs, par exemple les fonds de pension des universités, veulent que les VC investissent dans ce secteur. Cela aussi marque un tournant. Ils hésitaient beaucoup il y a quelques années, maintenant ils voient que ce secteur est mûr pour y investir.

Comment les bouleversements du secteur auto aident-ils les cleantech ?

M. Heesen : Dans des endroits comme Detroit ou le Midwest, on constate pour les cleantech une démocratisation des investissements, ce n’est pas seulement l’apanage des régions côtières (des Etats-Unis). Partout dans le pays nous voyons émerger des experts dans des domaines spécifiques, par exemple pour les batteries, beaucoup des nouveaux acteurs viennent de l’industrie automobile. Dans l’ouest, on voit les meilleures écoles d’ingénieurs ou minières, le sud-ouest est parfait pour le solaire, les techniques de charbon propres se retrouvent dans plusieurs coins du pays. On va voir se constituer des fiefs régionaux spécialisés, où viendront les investisseurs.

Pensez vous qu’il y aura davantage de VC qui vont se développer dans ce secteur également ?

M. Heesen: notre secteur se réduit, en fait. Et je pense qu’il va continuer à diminuer dans les deux années qui viennent, mais après nous devrions voir une remontée. Vous verrez de très grandes sociétés de capital risque ouvertes à tous les secteurs, toutes les étapes de développement des sociétés, toutes les régions. Et aussi beaucoup de plus petits fonds comme OCA (basé à Chicago) plus centrés sur une région.

Quel est le sentiment de vos membres sur ces investissements ?

M. Heesen: Ils sont bien plus optimistes qu’il y a quelques mois. Beaucoup sont intéressés par des deals au tout premier stade de développement. Les entrepreneurs qui sont encore là sont de vrais entrepreneurs. Des personnes solides qui comprennent qu’ils ne vont pas faire fortune en une nuit. Des individus de talent qui ont connus des crises dans le passé, qui comprennent les VC. Ce qui est crucial pour les VC maintenant, c’est un marché de sortie, qui manque encore. Il y a peu de fusions-acquisitions. Jusqu’à ce que nous puissions rendre de l’argent à nos investisseurs, ces derniers resteront très prudents. C’est le principal problème que nous devons résoudre.

Pourquoi le secteur américain de l’éthanol a-t-il échoué ? Comment va-t-il évoluer ?

M. Heesen: C’est un secteur où ce ne doit pas être le gouvernement qui choisit la technologie. Bien sûr, beaucoup de sénateurs des Etats gros producteur de maïs y ont vu des avantages pour leur fief, mais ce n’est pas dans l’intérêt de l’économie dans son ensemble. La chute du pétrole n’a pas aidé. Il y a encore certainement une place pour l’éthanol, mais lequel : cellulosique ? A base de maïs ? A base de sucre, comme au Brésil ? Beaucoup de solutions sont possibles. Mais nous préfèrerions voir le marché faire le tri, pour s’assurer de choix à long terme et non dictés par le calendrier électoral.

Les Etats-Unis sont-ils bien placés dans les cleantech ?

M. Heesen: Côté high-tech, coté biotechs, nous sommes non seulement leaders mais précurseurs. Mais pas dans les cleantech. Nous sommes suiveurs. Les Allemands et les Espagnols sont bien plus avancés que nous, notamment dans le solaire. Idem pour les Brésiliens et l’éthanol. Pour ce qui est de l’adhésion des consommateurs aux carburants alternatifs, là aussi les Etats-Unis sont en retard. Tout cela change mais nous ne sommes pas en pointe. Le secteur des cleantech  nous montre que nous ne pouvons tenir pour acquis que les Etats-Unis seront en tête de la prochaine vague de progrès technologique.

Pensez-vous qu’il y aura davantage de coopération entre VC et gouvernement ?

M. Heesen: les cleantech illustrent l’importance du rôle du gouvernement. Les VC comprennent que les liens avec le gouvernement dans ce secteur sont essentiels. La R&D de base est assurée par les laboratoires du gouvernement et les universités. Ces petites sociétés doivent être subventionnées, sinon elles ne pourront concurrencer les Exxon Mobil. Cela va à l’encontre des principes de base de la plupart des VC. Mais beaucoup comprennent que dans ce secteur spécifique, les entreprises ne survivront pas sans l’aide du gouvernement, qui pousse ces technologies sur le marché. Nous n’avons jamais vu autant de VC venir à Washington. Les décideurs politiques veulent les voir car ils comprennent que ce sont eux les moteurs de l’innovation et ils veulent savoir ce qu’ils font.

En quoi les start-up des cleantech sont-elles différentes ?

M. Heesen: ce ne sont plus des passionnés d’informatique de 22 ans qui créent une entreprise de plus. Ce sont des gens avec de l’expérience dans un secteur bien précis, qui apportent leur expertise technique. Nous avons aussi besoin de spécialistes du business. La difficulté sera de trouver des gens qui connaissent les deux. Il faut ici une autre sorte d’entrepreneur. Les étudiants sont plus nombreux à s’orienter vers les filières technologiques à cause des cleantech. Ils veulent trouver des solutions dans ce secteur. Nous devons avoir des gens qui imaginent des solutions hors des sentiers battus, pour inventer des technologies de rupture. Et au bout du compte, les Exxon Mobil et autres géants énergétiques aboutiront tous à la même conclusion : que ces petites sociétés sont des cibles d’acquisitions extrêmement intéressantes.

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