Rendez-vous marché du carbone avec BlueNext : Les dérivés climatiques, un marché à fort potentiel

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Les marchés actions sont en crise ? Le marché des dérivés climatiques fait office de valeur refuge. De plus en plus d’entreprises et d’assureurs américains prennent des positions sur ce marché par intérêt financier mais aussi pour se couvrir contre les aléas climatiques. Car le climat impacte 70% de l’activité économique des Etats-Unis, analyse Boubékeur Ouaglal, chef de produit senior de BlueNext SA, la bourse de l’environnement.  
 

GU : En quoi consistent les dérivés climatiques ?  

Ce sont des instruments financiers qui permettent de prendre des positions par rapport aux évolutions du climat. Ce ne sont pas des assurances climatiques, pour lesquelles une entreprise signe un contrat qui couvre un risque bien précis. Là, on achète un contrat futur : on prend une option d’achat ou de vente par rapport à l’évolution des températures dans une ville ou une région, par exemple. L’objectif étant de couvrir ce risque, qui est aujourd’hui largement sous-pondéré par rapport à d’autres comme l’évolution des changes ou des taux d’intérêt. Une entreprise peut intervenir en direct ou via un broker. 

GU : Où en est ce marché ?  

Il est surtout développé en Amérique du Nord. Il est né aux Etats-Unis dans les années 90, au moment de la dérégulation du marché de l’énergie : les énergéticiens ont commencé à intégrer l’impact de l’évolution des températures sur la demande en électricité. Ils ont débuté par des échanges entre eux, instituant un premier marché de gré à gré. En 1997, le Chicago Mercantile Exchange, le principal marché à terme américain notamment sur les matières premières, est entré sur ce marché en créant des paniers d’indices avec les températures des grandes villes américaines et canadiennes. On mesure l’écart entre les températures moyennes établies et les températures réellement affichées pour établir les cours. Le marché s’est progressivement ouvert à d’autres acteurs que les énergéticiens qui avaient intérêt à prendre des positions par rapport aux évolutions du climat.  
 

GU : Quel est l’impact du climat sur l’économie ?

On estime que 70% de l’activité économique américaine est corrélée au climat, dont 30% directement. Les fabricants de vêtements, de boissons, les agriculteurs, les transporteurs, le BTP, les stations de sport d’hiver, les salles de cinéma… On  peut multiplier les exemples des secteurs concernés. Tout le monde n’a pas encore réalisé l’importance de l’enjeu climatique, on en est au début. Le marché s’est beaucoup développé dans les années 2000, grâce notamment à Enron, qui avait une équipe dédiée au développement de l’activité. Il a atteint un pic en 2005-2006 avec 45 milliards de dollars d’encours au niveau mondial. Avant de chuter à 15 milliards de dollars sur l’exercice suivant. Actuellement, on assiste à un redémarrage : on en est à 35 milliards de dollars sur l’exercice 2007-2008, selon la weather risk management association (WRMA).

Sur le plan sectoriel, l’énergie représente 50% du marché des dérivés climatiques, et l’agriculture entre 15 et 20%. Outre les températures, de nouveaux indices apparaissent sur le nombre de jours de gel, d’enneigement, les ouragans, la pluviosité, l’ensoleillement, la vitesse du vent. Toutes les données climatiques pourraient être utilisées pour construire un indice climatique. 

GU : Comment expliquer ce retour en grâce ?

Il y a plusieurs facteurs. D’abord, les investisseurs ont actuellement besoin de diversifier leurs placements. Or le marché des dérivés climatiques est décorrélé des marchés dit « classiques » comme celui des actions ou des matières premières. Il pourrait donc faire figure de valeur refuge. L’autre moteur, c’est le réchauffement climatique. De plus en plus d’experts évoquent les risques afférents pour les entreprises. Cela a fait redémarrer le marché aux Etats-Unis : les assureurs, réassureurs, brokers prennent des positions. En Europe, nous sommes encore dans une phase d’observation. Mais on peut penser que la dérégulation en cours du marché de l’énergie conduira les grands acteurs de se secteur à s’intéresser aux dérivés climatiques, sur le modèle de ce qui s’est passé outre-atlantique.

Le problème que ce marché doit encore résoudre, c’est l’asymétrie du profil des intervenants : il faut des acteurs ayant des intérêts différents pour prendre des positions opposées afin de rendre le marché vraiment plus liquide. Si tout le monde adopte la même politique de couverture climatique, le produit sera certes demandé mais l’offre sera fortement réduite (ce qui implicitement biaise le prix du dérivé climatique et donc sa volatilité).  

Point sur le marché du carbone :

« La conjoncture confirme la pression vendeuse avec toujours une forte corrélation entre le marché du carbone et la récession désormais inévitable aux Etats-Unis et en Europe. On a atteint un plus bas niveau pour le pétrole depuis quatre ans, expliqué en grande partie par la baisse de la demande en énergie. De plus, certains acteurs vendent leurs quotas de CO2 car ils ont peur que les prix descendent encore dans les prochaines semaines. Le mouvement risque donc de continuer et de récentes études (Société Générale – Décembre 2008) annoncent même que les prix pourraient tester le seuil de 12/13€ la tonne. »

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