Les usines solaires, symbole de la réindustrialisation européenne ? [Dossier]

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(c) Romain Chicheportiche

GreenUnivers publie une série de sept dossiers sur les thèmes essentiels de la rentrée. Aujourd’hui, l’industrie photovoltaïque (2/7).

Après avoir été précurseur dans le monde, l’Europe a perdu en une petite dizaine d’années le contrôle de l’industrie du solaire photovoltaïque, aujourd’hui presque entièrement dominée par la Chine. Mais plusieurs facteurs semblent rebattre les cartes : dérèglement des circuits d’approvisionnement, augmentation sensible des coûts du transport maritime, hausse massive des prix des modules solaires, redécouverte de l’importance du concept de souveraineté énergétique. Autant de paramètres qui incitent à un retour, au moins partiel, des usines photovoltaïques sur le Vieux Continent.

L’énergie solaire bénéficie en Europe d’un marché gigantesque, confirmé dans le plan RepowerEU présenté par la Commission européenne en mai dernier : 600 GWc de capacité à installer d’ici 2030. Après avoir levé les dernières barrières douanières en 2018, Bruxelles affirme vouloir accompagner cette solarisation de l’Europe par une réindustrialisation de l’industrie photovoltaïque. 

Les développeurs de centrales solaires étaient jusqu’ici réticents à acheter “Made in Europe”, rappelant la forte concurrence imposée par le système d’appels d’offres pour faire baisser les prix. Mais depuis la crise Covid, ils font face à un renchérissement des modules photovoltaïques venus d’Asie, d’une inflation des coûts du transport et de retards de livraison. Certains d’entre eux commencent à se retourner vers d’autres fournisseurs.

En France, malgré la relance du programme nucléaire, le gouvernement a fait du solaire la première énergie renouvelable qu’il souhaite développer. Après une phase d’incertitude sur ses intentions, Emmanuel Macron a confirmé dans son discours de Belfort que cela devra s’accompagner d’une réindustrialisation afin que la filière « participe à recréer des emplois en France ». De premiers soutiens concrets ont été apportés mais ils portent pour l’instant essentiellement sur des technologies de pointe, pas encore sur les fameuses gigafactories indispensables pour produire en masse les panneaux solaires.

Ces projets d’usines aux capacités de production se comptant en gigawatts existent pourtant dans l’Hexagone. Ils sont menés par des acteurs français mais aussi étrangers qui voient dans le marché tricolore un potentiel à condition de bénéficier d’un soutien public significatif. Malgré un discours politique volontariste, ces projets restent dans les cartons, d’autres sont abandonnés, enfin certains commencent à recevoir des soutiens financiers du Fonds Innovation de l’Europe.

Dans d’autres pays européens, les choses semblent aller plus vite qu’en France. D’abord en Allemagne, leader du secteur dans les années 2000 où résistent encore quelques acteurs, notamment sur la brique technologique des onduleurs. L’équipementier suisse Meyer Burger y a racheté les anciennes usines de SolarWorld et Sovello pour tenter sa chance et a décroché un gros contrat aux Etats-Unis. En Italie, c’est Enel Green Power qui a récupéré la technologie hétérojonction du CEA-Ines pour son usine sicilienne avec comme objectif d’atteindre les 3 GW en juillet 2024. En Espagne, le renommé institut allemand Fraunhofer a pris part à un projet de gigafactory dans le port franc de Séville. D’une capacité de 5 GW, il sera intégré sur l’ensemble de la chaîne de valeur : de la production du silicium en passant par les wafers et cellules.

La partie amont de la chaîne de valeur est devenue quasiment inexistante en Europe. L’entreprise allemande Wacker Chemie est la seule à produire du polysilicium sur le Vieux Continent, et la fabrication des lingots & wafers confidentielle : le français Photowatt en très petites quantités, et les deux entreprises norvégiennes Norsun et Norwegian Crystal (voir carte). Or sans ces éléments, les usines d’assemblage de modules ne pourront fonctionner. De la reprise du contrôle de l’amont de la chaîne de valeur photovoltaïque dépendra donc la réussite de la réindustrialisation du solaire en Europe.

(c) Fraunhofer

 

 

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