Nicolas Hulot au gouvernement : bien plus qu’une “prise de guerre”

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(Crédit : Fondation Nicolas-Hulot)

L’une des expressions favorites d’Emmanuel Macron est «  en même temps ». La créativité naît, selon le nouveau Président de la République, de la tension entre deux impératifs contradictoires, que l’on essaie de surmonter. A l’évidence, la nomination surprise de Nicolas Hulot au ministère de la Transition écologique et solidaire, avec rang de ministre d’État, relève en partie de cette logique, dans un gouvernement dirigé par un Premier ministre a priori peu sensible aux questions environnementales et à l’issue d’une campagne plutôt muette sur le sujet. « Le plus grand défi de Nicolas Hulot sera, à l’intérieur du gouvernement, de réconcilier économie et écologie et de faire reconnaître que l’environnement est un facteur de croissance et de bien-être », formule ainsi Daniel Bour, président d’Enerplan et de la Générale du Solaire.

“Nous serons bien défendus”

Courtisé par à peu près tous les gouvernements depuis 2002, l’homme de caractère et d’engagement qu’est Nicolas Hulot représente plus qu’une simple « prise de guerre » réussie par Emmanuel Macron, en tous cas aux yeux des professionnels interrogés. « Le fait qu’il ait accepté d’entrer au gouvernement est très rassurant. Cela signifie qu’il pense réellement pouvoir améliorer la situation », analyse Cédric de Saint-Jouan, président du think tank France Biométhane et cofondateur du développeur–producteur Vol-V.

De ce point de vue, la passation de pouvoirs entre Ségolène Royal et Nicolas Hulot s’est inscrite sous le signe de la continuité. «  Nous avons eu des avancées fortes depuis 2014. Elles sont en grande partie dues à la très forte personnalité de Ségolène Royal. Ce sera aussi le cas avec Nicolas Hulot. Nous serons bien défendus », prévoit ainsi Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables, présent sur place et qui rappelle que la Programmation pluriannuelle de l’énergie doit être révisée dès l’année prochaine.

Ne pas être trop clivant

D’ici là, le nouvel occupant de l’hôtel de Roquelaure, dans un ministère dont le périmètre exact doit encore être précisé, se sera confronté à la question plus qu’épineuse de l’énergie nucléaire et de sa trajectoire réelle dans la production d’électricité. Une énergie à laquelle le nouveau ministre est hostile depuis 2012, lorsqu’il manifestait pour la fermeture de Fessenheim. L’année précédente, un rapport parlementaire sur les modes de financement et de gouvernance des associations environnementales avait critiqué les liens entre la fondation Nicolas-Hulot et TF1, EDF et L’Oréal : ” EDF est une entreprise de pointe dans le secteur nucléaire. Quant à L’Oréal, elle est classée parmi les groupes de cosmétiques dont les produits font l’objet de test sur les animaux, au grand désarroi des opposants à la vivisection. Dès lors, comment interpréter, par exemple, la position très mesurée de Nicolas Hulot sur l’énergie nucléaire ?”. Une ambiguïté levée donc un an plus tard.

Mais s’il veut respecter ses convictions anti-nucléaires, la tâche sera plus que périlleuse pour Nicolas Hulot.  « Nous avons besoin d’un ministre pérenne. Il ne doit donc pas se montrer trop clivant, espère un des grands développeurs de la place. Ne pas mettre d’eau dans son vin, c’est la meilleure recette pour « sauter » dans 18 mois. »

Un signal fort envoyé en Europe
“Nicolas Hulot est un personnage emblématique, que les politiques ont essayé d’attirer à eux à plusieurs reprises. Il représente un engagement sans compromis en faveur de la transition écologique, estime Raphaël Lance, directeur énergies renouvelables de Mirova. Son arrivée est un signal d’autant plus positif que l’environnement a été trop souvent oublié pendant la campagne pour l’élection présidentielle. Cette nomination laisse espérer que les ambitions manifestées depuis quelques années vont se trouver accentuées. Il me semble aussi qu’elle représente un signal fort envoyé en Europe et même au-delà.”


Un besoin de transversalité

Le secteur semble plutôt faire confiance à son nouveau ministre pour gérer dans la nuance les dossiers difficiles. Jean-Louis Bal estime ainsi que « Nicolas Hulot est un homme de dialogue, comme Emmanuel Macron. Le fait qu’il ne soit pas un professionnel de la politique peut être vu comme un défaut, mais aussi comme une qualité  ».

L’inexpérience politique de Nicolas Hulot va quand même trancher avec le profil de Ségolène Royal… Faire bouger les directions centrales, les autres ministères, se confronter à la technostructure énergétique ne s’improvise pas. Et peut susciter une énorme frustration. Xavier Barbaro, PDG de Neoen, estime que l’enjeu numéro du nouveau ministère et de son titulaire sera la transversalité. «  Nous avons besoin d’une vraie coordination gouvernementale sur le sujet des énergies renouvelables. Bercy, I’Intérieur, la Justice, l’Agriculture, les Affaires étrangères, tous ces ministères sont concernés… Une personnalité politiquement neutre comme Nicolas Hulot, adepte du travail collectif et située à un rang éminent au gouvernement, peut contribuer à faire des énergies renouvelables un sujet vraiment transverse. »

Un engagement jamais démenti

Héraut de la cause environnementale depuis qu’il a créé l’émission Ushaïa en 1987 et la fondation du même nom en 1990 – rebaptisée en 1995 Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme -, le nouveau ministre a fait une première intrusion en politique en 2012, comme candidat malheureux à la primaire écologiste pour la présidentielle. Cinq ans auparavant, il avait lancé le Pacte écologique, qu’il avait fait signer par 5 candidats à l’Elysée : Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Marie-Georges Buffet, Dominique Voynet et 740 000 citoyens.  En 2012, il a été nommé « envoyé spécial pour la protection de la planète » par François Hollande, ce qui incluait en particulier la préparation de la Cop 21 fin 2015. Il a quitté ce poste début 2016 et a refusé alors d’entrer au gouvernement de Manuel Valls.

 

 

 

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