Macron et Le Pen : deux visions de la transition énergétique

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Avec deux programmes élyséens à regarder d’encore plus près et non plus onze, on y voit un peu plus clair après le premier tour de l’élection présidentielle. D’autant que les feuilles de route énergétiques d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’opposent sur quasiment tout, ce qui au moins facilite la comparaison.

« Par rapport à la loi de transition énergétique, En Marche ! s’inscrit dans une continuité pragmatique », constate Daniel Bour, président du syndicat Enerplan. Pour lui, Emmanuel Macron va prolonger le mouvement impulsé ces dernières années et sans doute l’accentuer. » L’impression est la même au Syndicat des énergies renouvelables, dont le délégué général Damien Mathon estime que le programme d’En Marche ! correspond en gros à ce qui est prévu dans la loi à quelques nuances près. Lesquelles ne sont quand même négligeables.

Macron, précisions ! 

Emmanuel Macron souhaite ainsi doubler la capacité solaire et éolienne d’ici la fin du prochain quinquennat et installer 26 GW de capacité supplémentaire. Ce qui, selon Damien Mathon, est un peu en deçà des objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Le SER va recontacter l’équipe du candidat pour en savoir plus là-dessus. Et aussi sur les 15 Mds€ d’investissement que le candidat prévoit pour la transition énergétique et écologique. Il est probable que cet argent soit public et s’ajoute aux investissement privés (30 Md€ prévus pour atteindre les objectifs de la PPE) mais cela gagnerait à être précisé. Ces 15 Mds€ pourraient être fléchés vers le Programme des investissements d’avenir et pas spécialement vers les énergies renouvelables, d’ailleurs.

D’autres éléments programmatiques d’En Marche ! sont moins ambigus et réjouissent les représentants des filières EnR. Primo, Emmanuel Macron s’est engagé à rendre public dès son élection le calendrier des appels d’offres sur la totalité du quinquennat. Secundole doublement du fonds chaleur, de 200 M€ à 400 M€, comme le prévoit le gouvernement actuel d’ailleurs. En Marche ne fixe toutefois pas de calendrier. Ce qui fera aussi partie des questions posées à l’équipe du candidat pendant l’entre deux tours… Tertio, le remplacement du Crédit impôt transition énergétique (CITE), perçu après la réalisation de travaux d’efficacité énergétique, par une subvention obtenue a priori – mais cette mesure n’est pas chiffréeAutre gros satisfecit, la Contribution Climat énergie, portée à 100€ en 2030, ce qui est encore une fois un copié-collé de la ligne actuelle.

Soit dit en passant, le programme énergétique d’Emmanuel Macron n’est pas forcément en ligne avec le track record de l’ancien ministre de l’Economie : entre 2014 et 2016, il a notamment soutenu la recherche sur l’exploitation des gaz de schiste, le projet de centrale nucléaire d’Hinkley Point et plusieurs autorisations d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures.

Le FN n’aime pas les éoliennes

Même s’il n’est pas du tout hostile aux énergies renouvelables, même s’il fait de « l’isolation de l’habitat une priorité budgétaire du quinquennat » (article 132), le programme du Front national suscite plus d’inquiétudes. Avec deux sources : le moratoire sur le développement éolien (article 133), considéré comme un fléau de nuisances en tous genres, et la priorité donnée au prolongement des centrales nucléaires. Marine Le Pen souhaite notamment « maintenir, moderniser et sécuriser la filière nucléaire française, engager le grand carénage, et garder le contrôle de l’État sur EDF, en lui redonnant une véritable mission de service public. Refuser la fermeture de la centrale de Fessenheim (article 134). »

En revanche, le FN souhaite « développer massivement trois filières françaises des énergies renouvelables (solaire, biogaz, bois…) grâce à un protectionnisme intelligent, au patriotisme économique, à l’investissement public et privé et aux commandes d’EDF. » S’ajoute à cela un soutien fort au secteur de l’hydrogène vert. Marine Le Pen veut ici faire d’une pierre deux coups : encourager certaines filières EnR, favoriser le “fabriqué in France”.  «  Il est hors de question d’acheter les panneaux solaires en Chine », formulait Philippe Murer, économiste au cabinet de Marine Le Pen, lors de la table-ronde politique organisée par le SER le 30 janvier dernier. « Plus il y a de matériel et de savoir-faire français dans les installations, plus cela nous va, estime de son côté Damien Mathon. Mais soumettre le développement des filières à une telle condition préalable est dangereux, il y a un risque de ralentissement considérable ».

Sur la contribution climat énergie, le FN souhaite la suppression de cette « taxe carbone », car elle pénalise les entreprises françaises face à leurs concurrents étrangers.

L’atome toujours aussi flou

Daniel Bour voit dans le programme du Front national « une démarche plus industrielle qu’énergétique et environnementale. » En revanche, il n’exclut pas que Marine Le Pen puisse « bouger sur la part du nucléaire dans la production totale d’électricité ».

Chez En Marche !, la politique nucléaire n’est pas des plus claires – cultivant ici la même ambiguïté que le ministère de l’Environnement actuel. D’un côté, le mouvement de l’ancien ministre de l’Economie réaffirme que cette part descendra à 50% en 2025, de l’autre il repousse les décisions sur les centrales à, plus tard en attendant les conclusions de l’Autorité de Sûreté nucléaire en 2018 sur la prolongation du parc au-delà de 40 ans.

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