
Les premiers contrats d’agrégation pour la vente sur le marché de l’électricité sous complément de rémunération sont signés et le mouvement est lancé. Mais certaines pièces du dispositif manquent encore, à commencer par le filet de sécurité que représente l’acheteur de dernier recours. C’est pourtant une préoccupation forte chez les financeurs, du fait des risques attachés à la vente en gros sur les marchés. L’analyse de Gaïa Witz, avocat chez De Gaulle Fleurance & Associés.
Le mécanisme de l’acheteur de dernier recours, à l’instar du mécanisme d’acheteur obligé ou d’« offtaker of last resort » instauré par nos voisins anglais et allemands, a pour objet de garantir l’achat de l’électricité issue des installations d’énergie renouvelable, ne trouvant pas de débouchés sur le marché, soit parce le producteur a été dans l’impossibilité de contractualiser avec un agrégateur, soit parce que l’agrégateur avec lequel il avait conclu un contrat s’avère défaillant.
80% du tarif de référence
Introduit par la Loi de transition énergétique et désormais inscrit à l’article L. 314-26 du Code de l’énergie, ce mécanisme était apparu, au moment de son adoption, comme le mécanisme assurantiel adapté pour rassurer les financeurs de projets EnR, le temps que le marché des agrégateurs, inexistant sur le territoire français, émerge. La Commission de régulation de l’énergie elle-même, en décembre 2015, s’était montrée favorable à ce mécanisme*.
Afin de ne pas être trop incitatif au détriment du passage au complément de rémunération et du respect des lignes directrices européennes, le texte de loi finalement adopté devait retenir que la durée du contrat d’achat conclu avec l’acheteur de dernier recours ne peut excéder trois mois et que le tarif d’achat de l’électricité ainsi vendue ne peut excéder 80% du TE (tarif de référence) défini pour la filière considérée.
Mais depuis la parution du décret n°2016-682 qui a permis l’inscription, dans le Code de l’énergie, des modalités permettant la sélection de l’acheteur de dernier recours, force est de constater qu’aucun avis d’appel public à la concurrence pour le choix d’un lauréat n’a été publié. Il incombe au ministre chargé de l’Energie d’initier cette procédure de mise en concurrence qui permettrait de le désigner.
Repère EnR : En route vers l’agrégation – Décembre 2016 |
En l’absence d’une telle procédure de mise en concurrence, le mécanisme de l’acheteur de dernier recours demeure inapplicable. Serait-ce parce que le financement des missions de l’acheteur de derniers recours, qui relèvent des missions de service public, n’est pas encore assuré que le gouvernement hésite à prendre les mesures nécessaires à sa désignation ? Ou tout simplement le gouvernement considère-t-il qu’il existe, à ce jour, suffisamment d’offres d’agrégateurs et d’opérateurs solvables pour répondre à la demande ?
Rassurer la filière
A ce jour et à notre connaissance, l’absence de désignation d’un acheteur de dernier recours n’a pas paru faire obstacle au financement de projets sous complément de rémunération et concernés par le recours à un agrégateur. Néanmoins, à l’avenir et avec la multiplication du nombre d’installations concernées, cela pourrait devenir une difficulté. Aussi, nul doute que la publication d’un avis d’appel public à la concurrence relatif au mécanisme de l’acheteur de dernier recours serait de nature à rassurer la filière, en garantissant l’émergence de nouveaux projets, permettant ainsi l’atteinte des objectifs de production d’électricité d’origine renouvelable énoncés à travers la programmation pluriannuelle de l’énergie 2016-2023.
*Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 9 décembre 2015 portant avis sur le projet de décret relatif au complément de rémunération mentionné à l’article L. 314-18 du Code de l’énergie