Complément de rémunération : le bénéficiaire devra «renoncer» aux garanties d’origine (A. Gossement)

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Arnaud Gossement (DR)

Le gouvernement vient de publier trois décrets d’application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique qui ont pour objet de réformer le régime de l’obligation d’achat d’électricité d’origine renouvelable et de créer le nouveau régime du contrat de complément de rémunération. Le décret n°2106-691 du 28 mai 2016 interdit de bénéficier d’un contrat de complément de rémunération sans renoncer au préalable au droit d’obtenir des garanties d’origine. L’analyse d’Arnaud Gossement, avocat spécialiste en droit de l’environnement et de l’énergie.

Parmi les trois décrets qui participent à cette importante réforme de l’obligation d’achat et du complément de rémunération, le décret n°2016-682 du 27 mai 2016 comporte un article 4 qui retiendra l’attention des acteurs du secteur de l’énergie. Cet article insère un article R.314-22 au sein du code de l’énergie, lequel prévoit notamment, que le demandeur d’un contrat de complément de rémunération devra préalablement renoncer au droit d’obtenir des garanties d’origine pour l’électricité verte ainsi produite : « Pour bénéficier d’un contrat de complément de rémunération, le producteur renonce au préalable au droit d’obtenir la délivrance des garanties d’origine pour la production de cette installation ».

Contrat d’obligation d’achat et garanties d’origine

Pour mémoire, une garantie d’origine « est un document électronique servant uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables ou par cogénération. » (article R.314-24 du code de l’énergie issu du décret n°2015-1823 du 30 décembre 2015)

Ce même article R.314-24 – désormais renuméroté R.314-53 – précise que le producteur ou l’acheteur d’électricité faisant l’objet d’un contrat d’obligation d’achat peut demander à bénéficier de garanties d’origine : « L’électricité produite à partir de sources renouvelables ou par cogénération par des installations de production d’électricité régulièrement déclarées ou autorisées peut bénéficier de garanties d’origine, à la demande du producteur ou d’un acheteur d’électricité, lorsque l’électricité fait l’objet d’un contrat d’achat conclu en application des articles L. 121-27, L. 311-12 et L. 314-1. »

Jusqu’à présent le droit de bénéficier  d’un contrat d’obligation d’achat et de garanties d’origine pour la même production n’était pas remis en cause. L’article L.314-14 du code de l’énergie précise à l’inverse que l’acheteur obligé, de l’électricité produite en France à partir d’énergies renouvelables ou par cogénération, faisant l’objet d’un contrat d’achat ou de complément de rémunération, « est subrogée au producteur de cette électricité dans son droit à obtenir la délivrance des garanties d’origine correspondantes ». Il prévoit également  (art L.121-24) que la valeur tirée des garanties d’origine par l’acheteur obligé soit déduite des charges de service public compensées par la CSPE.

Contrat de complément de rémunération et garanties d’origine

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique n’a pas interdit le cumul du droit à un contrat de complément de rémunération et du droit aux garanties d’origine. Son article 104, modifiant la rédaction de l’article L.314-20 du code de l’énergie prévoit uniquement que les conditions du complément de rémunération doivent « tenir compte » notamment : « Des recettes de l’installation, notamment la valorisation de l’électricité produite, la valorisation par les producteurs des garanties d’origine et la valorisation des garanties de capacités prévues à l’article L. 335-3 ».

Toutefois, le droit devrait bientôt changer pour interdire à l’acheteur d’électricité, objet d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération, de transférer ou d’utiliser des garanties d’origine. En effet, le gouvernement devrait prochainement publier un projet d’ordonnance pris en application de l’article 119 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’article 7 de ce projet d’ordonnance prévoit de rédiger ainsi l’article L. 314-6-2 du code de l’énergie : « La personne achetant l’électricité produite, en application des articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1 et L. 314-26 ne peut transférer ou utiliser de garanties d’origine pour l’électricité produite par les installations bénéficiant d’un tel contrat. »

S’agissant, spécifiquement, du contrat de complément de rémunération, le décret n°2016-682 du 27 mai 2016 va dans le sens d’une remise en cause du dispositif des garanties d’origine en imposant au producteur qui demande un contrat de complément de rémunération de « renoncer » « au préalable au droit d’obtenir la délivrance des garanties d’origine pour l’électricité produite par l’installation pendant la durée du contrat ».

L’avis défavorable de la Commission de régulation de l’énergie

La Commission de régulation de l’énergie s’était opposée à cette disposition, dans son avis émis sur le projet de décret au motif que celle-ci « soulève deux difficultés majeures » (délibération du 9 décembre  2015).

La première de ses deux difficultés tient à la légalité de cette disposition : « D’une part, sa compatibilité avec la directive 2009/28/CE du Parlement européen du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables n’est pas garantie. Celle-ci, qui instaure le régime des garanties d’origine comme outil de traçabilité, prévoit notamment à son article 15 que « les États membres font en sorte que l’origine de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables puisse être garantie comme telle ». Si la directive laisse la possibilité aux États membres de « prévoir qu’aucune aide n’est accordée à un producteur lorsqu’il reçoit une garantie d’origine pour la même production d’énergie à partir de sources renouvelables », le cas inverse ne semble pas expressément autorisé. » La deuxième difficulté soulignée par la CRE est d’ordre économique : « D’autre part, cette disposition restreint les possibilités de valorisation de l’électricité produite par ces installations. En l’absence de garanties d’origine, sa traçabilité ne peut en effet plus être assurée, et elle ne peut par conséquent pas être valorisée sur le marché de détail dans le cadre d’offres « vertes » ».

En conclusion, la CRE écrit : « La CRE est défavorable aux modalités du projet de décret interdisant l’émission de GO par les producteurs bénéficiant du complément de rémunération et recommande, à l’inverse, qu’ils soient autorisés à les émettre et à les valoriser. Cette source de revenus complémentaires devrait être prise en compte dans la formule du complément de rémunération, selon un mécanisme de régulation incitative par lequel les producteurs conserveraient une part de leur gain et rétrocéderaient la part restante. Un contrôle des GO effectivement émises par les producteurs bénéficiant du complément de rémunération devrait être mis en place à partir du registre tenu par Powernext. »

Conclusion

L’obligation pour le producteur qui demande un contrat de complément de rémunération de renoncer aux garanties d’origine pose plusieurs difficultés, comme l’a bien signalé la Commission de régulation de l’énergie. Juridiques et économiques. Cette obligation pourra rendre plus complexe la vente d’électricité verte sur le marché à la suite de la signature d’un contrat de complément de rémunération, faute de pouvoir bien tracer et identifier l’origine renouvelable de celle-ci. Par ailleurs, cette obligation peut aussi rendre plus complexe la définition d’offres vertes par les fournisseurs d’énergie qui devront pouvoir disposer d’un gisement tracé qui soit suffisant, ce qui pourrait bénéficier  aux producteurs d’hydro-électricité.

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