Le transport maritime ne doit plus sentir le soufre

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Lancé en 2013, le Viking Grace de la compagnie finlandaise Viking Line navigue au gaz naturel liquéfié, exempt de soufre à 100%.

Le gouvernement français s’attaque aux émissions de soufre des navires. Le ministère de l’Ecologie (MEDDE) a présenté une ordonnance en ce sens (lire ci-dessous) le 24 décembre 2015 : « les navires naviguant dans les eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction française doivent (…) lorsqu’ils naviguent dans les zones de contrôle des émissions de soufre, utiliser des combustibles dont la teneur en soufre est inférieure ou égale à 0,10% en masse. » En-dehors des zones de contrôle, la teneur en soufre autorisée est inférieure ou égale à 3,50% en masse jusqu’au 31 décembre 2019, puis inférieure ou égale à 0,50% en masse à compter du 1er janvier 2020.

Transposition tardive d’une directive européenne

Cette mesure est prise en application de l’article 59 de la loi relative à la transition énergétique (LTE) mais correspond surtout à la transposition de la directive dite « soufre » de l’Union européenne (directive 2012/33/UE du 21 novembre 2012). Ce texte prévoit que depuis le 1er janvier 2015, les navires de fret circulant en Manche, Mer du Nord et Mer Baltique ne peuvent plus utiliser de carburant dont le contenu en soufre excède 0,1%. Ces mers sont classées Seca (sulphur emissions control area), comme deux autres zones maritimes dans le monde – les côtes Est et Ouest de l’Amérique du Nord. Partout ailleurs, y compris en Méditerranée, les taux sont peu régulés et peuvent atteindre 4% du poids du fuel.

Pour se conformer à la réglementation européenne et maintenant française, les navires disposent de trois options, encore rares ou onéreuses en pratique à l’heure actuelle : filtrer les gaz à l’échappement avec un épurateur, brûler un gazole désoufré (plus cher que le fuel  lourd habituel) ou utiliser du gaz. Mais l’ordonnance française prévoit que les contrevenants, en l’occurrence les capitaines des bateaux, s’exposent à un an d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende ; ce qui peut modifier les calculs économiques des armateurs, à condition que les contrôles soient effectifs.

Embarquer l’efficacité énergétique

Cette disposition est une bonne nouvelle pour les fabricants d’épurateurs maritimes comme les suédois Wärtsila ou Alfa Laval qui ont commencé à commercialiser leurs filtres depuis 2010-2012. Plus généralement, les réglementations française, européenne mais aussi américaine et canadienne, incitent les armateurs et constructeurs navals à s’intéresser à l’efficacité énergétique de leurs navires. L’Europe soutient aussi le projet de R&D LEANShips de récupération de chaleur embarquée dans les bateaux. Pour les entreprises spécialisées dans la récupération d’énergie industrielle et maritime, comme le français Enertime ou l’américain Climeon Ocean, cette contrainte peut représenter une source d’affaires supplémentaire.

Selon l’ONG Transport & Environment, le fuel maritime est 2 700 fois plus « sale » que le carburant utilisé par le transport routier. Elle estime que d’ici 2020, les émissions de soufre du transport maritime mondial, en plein boom, dépasseront en valeur absolue l’ensemble des sources à terre, centrales thermiques incluses.

Ordonnance n° 2015-1736 du 24 décembre 2015 sur la teneur en soufre des combustibles marins
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