« Pour les cleantech françaises, la Cop21 est déjà un succès »

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Entretien avec Claire Tutenuit, déléguée générale d’Entreprises Pour l’Environnement (EpE) –

EPE/Havas©Julien_Cresp
EpE/Havas©Julien_Cresp

Alors que les négociateurs ont débuté dès hier leurs travaux sur le site de Paris-Le Bourget, quelque 150 chefs d’États et de gouvernement sont autour de François Hollande ce lundi pour le lancement officiel de la Cop21. S’en suivront deux semaines de mobilisation pour le climat avec plus de 300 événements en France. Que représente la Cop21 pour les entreprises françaises, petites et grandes, impliquées ou non dans le green business ? GreenUnivers fait le point avec Claire Tutenuit, déléguée générale d’Entreprises Pour l’Environnement (EpE).

GreenUnivers : Selon vous, quels sont les critères qui détermineront le succès, ou non, de la Cop21 ? 

Claire Tutenuit : Les paramètres sont assez nombreux. Je citerai les plus importants. Le premier, évidemment, est l’atteinte d’un accord engageant les États à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et ainsi à contenir la hausse moyenne des températures en dessous de 2°C d’ici à 2100. A ce propos, la publication par plus de 150 pays de leur INDC (Intended Nationally Determined Contribution) en amont de la Cop est un vrai succès. Reste à convertir ces intentions en feuilles de route nationales. Une décision sur les procédures de suivi, notification et vérification (Monitoring, Reporting, Verification ou MRV) actuellement appliquées me semble également importante. Le fait d’avoir une grille de lecture commune est créateur de confiance et permettra à tous de mieux se positionner par rapport aux objectifs fixés nationalement.

Un autre critère important est celui du financement avec, notamment, le Fonds vert pour le climat, qui doit permettre de canaliser les financements des pays industrialisés vers des projets d’adaptation et d’atténuation du changement climatique dans les pays émergents. C’est encore un sujet difficile à l’heure actuelle.

Enfin, la mobilisation des acteurs non étatiques est également un facteur important de réussite. Et en ce sens on peut dire qu’il y a depuis environ deux ans un momentum inédit. Les villes, les autorités morales, religieuses et bien évidemment les entreprises proposent des solutions, appellent à la mobilisation, etc. Alors que les engagements de nombreux Etats reposent presque exclusivement sur la décarbonation de la production d’électricité, les entreprises proposent aussi des solutions complémentaires ayant trait au bâtiment, au transport…

GreenUnivers : Vous parlez de la mobilisation des entreprises. Comment la jugez-vous ?

Claire Tutenuit : On constate aujourd’hui une mobilisation massive des entreprises françaises, comme en témoigne le « Manifeste pour le climat » signé par 39 grands groupes français la semaine dernière, prévoyant d’investir 170 milliards d’euros dans des « actions concrètes pour lutter contre le changement climatique » entre 2016 et 2020. Aujourd’hui, on peut dire que les industriels réfléchissent tous à la société post-carbone et ce depuis plusieurs années. Ce qui est plus nouveau encore, c’est la mobilisation de la communauté financière, qui s’est traduite par les récents engagements des principales banques françaises et de la Caisse des Dépôts. Cela ne relève bien sûr par de la seule prise de conscience écologique mais bien de l’identification de risques financiers liés au changement climatique. Il y a les risques liés aux catastrophes naturelles mais aussi celui dit de stranded assets ou dévalorisation de certains actifs (charbon, pétrole) par la mise en place de politiques climatiques. Enfin, le risque juridique, s’il est émergent, est bel et bien présent : comme pour le tabac, on peut envisager à l’avenir des poursuites pour mauvaise gestion du « risque climat ».

GreenUnivers : Quelle est la place des entreprises dans la Cop21 ?

Claire Tutenuit : Certaines d’entre elles seront présentes à l’intérieur de la Cop dans le cadre du programme Lima Paris Action Agenda (LPAA) et c’est une première. En effet, lors de l’Assemblée générale de l’Onu en septembre 2014, le secrétaire général Ban Ki-Moon a appelé les entreprises à se mobiliser pour le climat. La suite de cela, c’est que les délégations écouteront des entreprises et auront un dialogue avec elles au moment de la Cop. Des réunions sectorielles, organisées du 1er au 8 décembre, permettront de discuter d’aspects qui ne seront pas dans l’accord international car ayant trait à la souveraineté nationale des Etats, comme la fixation d’un prix du carbone par exemple. Les entreprises sélectionnées pour s’exprimer sont de grands groupes – Schneider, ABB, Philips, Michelin… – mais elles ont le poids nécessaire pour représenter un secteur. Tout le monde est très attentif à ce qui sortira de ces réunions et espère que cela donnera lieu à des voies d’actions particulières.

GreenUnivers : Et les PME ? Elles ne participent pas au programme LPAA et certains estiment qu’elles sont oubliées des négociations onusiennes sur le climat… Quel est l’impact de la cop21 sur elles ?

Claire Tutenuit : Beaucoup seront représentées dans la Galerie des solutions du Bourget, à la Breaktrough Night au Grand Palais le 4 décembre et dans les autres événements organisés en France. Mais pour elles, en France, on peut dire que l’impact principal de la Cop21 c’est la loi de transition énergétique, qui a été votée cet été et qui va changer leur paysage. De façon indirecte, il se peut aussi que la Cop21 facilite l’acceptabilité sociale sur de nombreux sujets en rapport avec le climat et permette donc l’adoption de réglementations plus ambitieuses. Dans le bâtiment, par exemple, l’État, qui privilégie jusqu’à aujourd’hui les mesures incitatives sur les mesures contraignantes, pourrait revoir un peu ce schéma.

Quand elles voient la mobilisation des grandes entreprises sur ces sujets, certaines start-up se sentent éloignées voire exclues du dialogue avec les autorités internationales, mais il faut comprendre que lorsqu’une grande entreprise s’engage sur un sujet, elle entraîne avec elle toute une chaîne de valeur en amont et en aval. Prenons l’exemple de Schneider Electric, ce sont quelque 40 000 partenaires qui seront directement impactés par les décisions stratégiques du groupe. En outre, les grandes entreprises peuvent faciliter l’émergence de marchés jusqu’alors limités. Il faut aussi y voir des opportunités pour les PME dans des marchés et des coopérations nouvelles.

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