Retours d’expérience des cleantech en Bourse [4/5]

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Suite du compte-rendu de la conférence GreenUnivers du 14 octobre 2014Salle-5

La Bourse intéresse de nombreuses sociétés des cleantech, mais comment bien réussir son opération ? Sébastien Clerc, directeur général de Voltalia, et Paul Michalet, directeur finance et business développement de Fermentalg, reviennent sur leurs récentes expériences. Olivier Beaudouin, partner corporate finance chez Bryan Garnier & Co et Stéphane Villecroze, directeur général de Demeter Partners, livrent leurs points de vue.

  • L’importance du timing

« Une belle IPO, c’est avant tout une question de cycle », affirme Stéphane Villecroze, dont le fonds a accompagné l’introduction en Bourse de Fermentalg en avril dernier. Selon lui, la fenêtre de tir s’ouvre lorsque trois paramètres sont réunis : le stade de développement de l’entreprise, le cycle du secteur – est-il à la “mode” ? – et le cycle boursier.

“Fermentalg : reculer pour mieux se préparer”

Paul Michalet
Paul Michalet

Une analyse confirmée par l’expérience de Fermentalg, spécialiste des microalgues : “Nous nous sommes présentés à la Bourse une première fois en 2012. A l’époque, nous cherchions 20 millions d’euros, dont 12 millions dédiés à la construction d’un pilote pour démontrer notre technologie” explique Paul Michalet. “Mais deux écueils nous ont fait reculer. Premièrement, notre société était encore trop early stage, deuxièmement la crise de la dette européenne a éclaté, provoquant une fermeture du marché”.

Pendant deux ans, Fermentalg attend le moment propice : elle lève les 12 millions d’euros en equity en 2013 et achève la construction de son unité pilote. Deux ans plus tard, son dossier est nettement plus solide « Cette fois-ci notre ambition est, non plus de construire un pilote, mais une unité de démonstration industrielle », explique Paul Michalet. « Par ailleurs, nous avons officialisé six partenariats avec des acteurs industriels avant l’IPO pour de la fourniture de bio-production allant de quelques tonnes à plusieurs centaines de milliers de tonnes. Enfin, le délai d’exécution a été assez déterminant puisque nous nous sommes introduits juste avant la “pause biotech” et avant que la Bourse ne dégringole”. Au final, après une opération bouclée dans un délai record de 90 jours, Fermentalg a levé 40,4 millions d’euros auprès de 80 fonds, pour la plupart généralistes, et son offre a été largement sursouscrite.

Voltalia lève 100 M€ au mauvais moment

Sébastien Clerc
Sébastien Clerc

Le producteur et développeur d’énergies renouvelables – très axé sur l’éolien -, Voltalia a levé un peu plus de 100 millions d’euros en juillet dernier contre les 120 millions d’euros espérés. En parallèle, l’entreprise a réalisé son transfert du Marché Libre vers Eurolist (compartiment B). “Nous avions préparé cette IPO d’assez longue date mais le timing a finalement était moins propice puisque la levée a eu lieu fin juin et s’est terminée fin juillet, au début des turbulences boursières”, détaille Sébastien Clerc, directeur général de Voltalia.

“Si nous n’avions pas eu une forte souscription de notre actionnaire majoritaire, cela aurait été beaucoup plus difficile”, reconnaît-il. Creadev, le fonds de la famille Mulliez, propriétaire à 91,5% de Voltalia après l’opération (contre 92,7% avant), a en effet participé à hauteur de 90 millions d’euros, soit 76% de l’offre initiale, assurant le seuil minimum nécessaire. Il s’agissait du deuxième appel public à l’épargne pour le développeur, qui avait déjà effectué une augmentation de capital en 2012.

Interrogé sur les yieldcos, ces véhicules financiers cotés très en vogue aux Etats-Unis, Sébastien Clerc a écarté cette solution : “les yieldcos consistent à céder les centrales et donc une part de son capital. Nous voulons garder aux yeux de nos actionnaires l’image d’une société qui détient ses infrastructures et procure de la visibilité”, analyse le dirigeant.

  • Task force et roadshow : la préparation de l’IPO 

RégieMotiver ses équipes, composer une task force avant d’aller conquérir les marchés : l’IPO nécessite une préparation bien dosée. Bien avant le kick-off meeting, les banques introductrices, le listing sponsor et les avocats épluchent les fondamentaux de l’entreprise et auditent le projet. Une phase qui se complexifie avec le temps, selon Paul Michalet, qui avec Fermentalg menait sa troisième IPO : “aujourd’hui, on travaille avec au moins deux banques introductrices, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Il faut faire en sorte que les deux travaillent ensemble et pas l’une contre l’autre, sinon c’est destructeur pour l’entreprise”. Pour motiver tout le monde, Fermentalg a choisi, notamment, de s’engager à verser un bonus à tous ces partenaires à l’issue de l’IPO. Le coût de l’opération s’est élevée à 6,5% du montant levé.

Depuis l’éclatement de la bulle des cleantech à la fin des années 2000, les investisseurs sont très méfiants vis-à-vis du secteur. Le roadshow doit donc être mené avec pédagogie. “Après la bulle, je craignais le pire”, avoue Sébastien Clerc de Voltalia. “Certains investisseurs n’avaient pas fait suffisamment le tri entre les différentes typologies de sociétés d’EnR. Lorsque je les ai rencontrés, je leur ai expliqué les différences de modèles économiques. Pour certains, l’exercice de compréhension du secteur s’est bien passé, d’autres sont restés traumatisés par la déroute des marchés”.

  • Après l’IPO : le marketing du titre

Discussions-4Une fois cotée, l’entreprise doit faire vivre son titre, communiquer pour en assurer la liquidité. “Dès que l’on est est dans le marché, les investisseurs ont besoin de savoir de manière très régulière comment les choses vont évoluer, insiste Olivier Beaudouin. Il faut donc consacré un ou deux jours dans le mois à la visite des investisseurs institutionnels pour leur montrer que les promesses sont tenues. Dès la préparation de l’IPO, on doit aussi organiser une roadmap des annonces, il faut en faire en amont et en garder pour après”. Pour Paul Michalet, la période post-IPO présente un important travail de « marketing du titre » pour conserver sa liquidité. “Il faut que les gens vous connaissent, il faut qu’ils vous fassent confiance”, assure-t-il.

La partie communication prend une tournure toute particulière lorsque le cours de Bourse flanche. Ce qui a été le cas pour Fermentalg, lorsque l’accord signé avec Sofiprotéol a évolué, entraînant un désengagement partiel de l’industriel de leur co-entreprise Proléalg. “Le marché a mal réagi et c’était prévisible, poursuit Paul Michalet, mais nous n’avons pas voulu concéder l’exclusivité de nos produits à Sofiprotéol de même que nous n’avons pas voulu satisfaire le marché à court terme. On a mûrement réfléchit la décision. Par la suite, nous avons bien expliqué que le plus important pour nous, c’est de privilégier les choix fondamentaux de l’entreprise à long terme ».

  • La double-cotation, apanage des grands ?

“Nous y avons pensé très tôt”, explique Sébastien Clerc de Voltalia. La société est très implantée au Brésil où elle réalisera, dès la fin de l’année, la nette majorité de son chiffre d’affaires grâce à l’installation de 291 MW d’éolien, financés par l’argent levé en Bourse. Mais la société a renoncé à s’introduire sur le marché brésilien pour l’instant : “l’inconvénient majeur lorsqu’on se cote à l’étranger, en particulier au Brésil, c’est que les investisseurs s’intéressent prioritairement aux sociétés nationales”, détaille-t-il.

Olivier Beaudouin
Olivier Beaudouin

“Certains marchés sont plus porteurs que d’autres sur les cleantech, ajoute Olivier Beaudouin, de Bryan Garnier. En Allemagne, par exemple, le marché est fermé pour les jeunes sociétés innovantes. Lorsque j’ai accompagné l’introduction en Bourse de McPhy, j’ai cherché des investisseurs outre-Rhin mais je n’en ai pas trouvé. Ils sont très prudents à cause des déboires qu’ils ont essuyés dans les années 2000. Jugé très porteur, le marché des cleantech n’a pas donné les résultats escomptés”. Les marchés britannique, scandinave ou suisse sont plus ouverts, selon lui. Quant aux Etats-Unis, “on y retourne plutôt après l’IPO car sur les market caps de moins de 100 millions d’euros, on a vraiment du mal à convaincre les investisseurs”. De manière générale, les petites capitalisations attirent une base d’investisseurs essentiellement française et n’intéressent pas les étrangers.

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