Nouveau contrat d’achat éolien : la réforme de fond est engagée

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L’analyse de Fabrice Cassin, avocat associé au cabinet CGR Legal – 

La ministre de l’énergie, Ségolène Royal, a approuvé, mercredi 30 juillet 2014, un nouveau modèle de contrat d’achat de l’électricité d’origine éolienne (terrestre) en remplacement du précèdent modèle approuvé le 29 mars 2013. Cet acte, le dernier acte du contentieux tarifaire, est aussi le tout premier de la réforme de l’obligation d’achat.

C’est en à peine deux mois que la ministre a tiré les conséquences de l’annulation par le juge administratif, le 28 mai dernier, de l’arrêté du 17 novembre 2008. Le Conseil d’Etat ayant refusé une modulation des effets de sa décision dans le temps, s’agissant de l’application d’une aide d’Etat illégale, aucun contrat d’achat ne pouvait plus être signé depuis le 28 mai dernier et la filière était en panne.

La publication du nouvel arrêté tarifaire éolien en date du 17 juin 2014 est intervenue avec le Journal officiel du 1er juillet. Afin d’assurer la continuité du dispositif de soutien à la suite de l’annulation, ses dispositions rétablissent des conditions similaires pour les contrats conclus en application de l’arrêté censuré.

Il restait alors à la ministre de l’Energie à approuver le nouveau modèle de contrat d’achat, ce qui a finalement été fait le 30 juillet.

Le modèle « E14 V0 » présente des dispositions substantiellement identiques au précédent. Le contexte de discussions imposé par les évolutions communautaires et relayées par le régulateur a cependant pesé dans les modifications finalement entérinées.

Un contexte de réforme de l‘obligation d’achat

La discussion sur le nouveau modèle s’inscrit dans un contexte de réforme du système de l’obligation d’achat impulsé par les nouvelles recommandations communautaires en matière d’aide d’Etat mais aussi par le débat national sur la transition énergétique.

Repère : Tarifs d’achat EnR : Bruxelles siffle la fin de la partie – Avril 2014

 

  •  Les Lignes directrices de la Commission européenne

Les Lignes directrices n°2014/C 200/01 concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 ont été publiées au Journal officiel de l’Union le 28 juin dernier. Elles sont applicables depuis le 1er juillet. Afin d’encourager l’intégration dans le marché de l’électricité d’origine renouvelable, les nouvelles lignes affirment que les bénéficiaires d’une aide doivent vendre leur électricité directement sur le marché et être soumis aux obligations du marché (art. 3.3.2.1).

En conséquence, de nouvelles conditions à l’octroi des aides s’appliqueront à tous les nouveaux régimes et à toutes les nouvelles mesures, à partir du 1er janvier 2016. Les lignes prévoient en particulier que l’aide soit octroyée sous la forme d’une prime s’ajoutant au prix du marché. Est également posé en condition le fait que les bénéficiaires soient soumis à des responsabilités standard en matière d’équilibrage et qu’ils ne soient pas incités à produire de l’électricité à des prix négatifs.

 

  • Préparer la sortie de l’obligation d’achat

La réforme des mécanismes de soutien, et donc de l’obligation d’achat, est en cours. Dans ce contexte, la CRE a engagé la ministre à préparer la sortie de l’obligation d’achat. Elle a d’ores et déjà indiqué dans sa consultation de février 2014 que les imperfections des dispositifs de soutien actuels devaient être corrigées. Elle recommande ainsi, d’une part, que la durée du soutien corresponde à la durée de vie des installations et, d’autre part, que les modalités de contrôle des installations bénéficiant du soutien public soient organisées et qu’elles donnent lieu à des sanctions en cas de non-conformité.

La CRE a relevé notamment qu’il n’existe pas, pour l’heure, de procédure de contrôle systématique de la conformité des installations bénéficiant de l’obligation d’achat alors que des possibilités de fraude ont été identifiées. Elle considère indispensable de renforcer les contrôles, notamment sur site. Par ailleurs, la procédure de sanction à l’encontre des producteurs pour lesquels une fraude a été mise en évidence n’est jamais appliquée, selon la CRE, alors que son effet dissuasif est indispensable. L’autorité pointait ainsi les corrections à apporter aux dispositifs.

Le projet de loi pour la transition énergétique présenté en Conseil des ministres, le 30 juillet, engage la réforme des modes de financement des énergies renouvelables et vise, à son tour, à mieux intégrer ces énergies dans le marché électrique. Il prévoit notamment, dans un futur article L. 311-18 du Code de l’énergie, la mise en place d’un nouveau contrat d’achat avec complément de rémunération au coté du contrat actuel.

L’article 25 entend poser de nouvelles conditions à l’octroi et au maintien des aides financières. Il permet notamment d’étendre les sanctions de suspension ou de retrait des contrats d’achat aux installations qui ne respecteraient pas les clauses de ces contrats ou en cas d’infractions graves à une réglementation en vigueur. Le remboursement de tout ou partie des sommes versées en application du contrat en cas de résiliation est également aménagé.

Le gouvernement se propose d’avancer ensuite par voie d’ordonnances et c’est bien un mouvement de fond qui est engagé pour réformer l’obligation d’achat et au premier chef, les modèles de contrat d’achat, dont, en particulier, le modèle éolien car il présente un certain nombre de dérogations liées au ralentissement de la puissance installée depuis deux ans.

 

L’insertion programmée de nouvelles dispositions contraignantes

La nécessité d’approuver un nouveau modèle de contrat d’achat ne devait conduire qu’à l’intégration des nouveaux tarifs de base. L’analyse du nouveau modèle révèle pourtant que certaines des évolutions annoncées ont été actées.

 

  • Un statu quo transitoire

Toutes les évolutions annoncées n’ont pas été reprises dans le nouveau modèle « E14 V0 » : afin de permettre la relance de la filière et notamment la reprise des investissements et des financements, les exceptions propres à la filière ont été maintenues.

En particulier, le contrat peut toujours être signé par anticipation avec l’acheteur public, au titre de l’article XII-1, à condition que le producteur fournisse un extrait de la PTF signée ou, comme cela était déjà possible depuis l’adoption du modèle éolien du 29 mars 2013, qu’il fournisse un extrait de la convention de raccordement au réseau de l’installation signée avec le gestionnaire de réseau. La signature à la PTF est donc désormais une condition de facilitation du financement par la sécurisation du tarif.

Par ailleurs, la mise en service de l’installation doit toujours avoir lieu dans un délai maximal de 3 ans à compter de la date de dépôt d’une demande complète de contrat. En cas de dépassement de ce délai, la durée du contrat est réduite à due concurrence. La disposition ne change pas alors que les délais de raccordement et de développement s’allongent.

 

  • Des évolutions amorcées

L’article XIII-4 du nouveau modèle de contrat d’achat prévoit et précise les conditions de la suspension du contrat à l’initiative de l’autorité administrative. La suspension est ainsi sans effet sur la date d’échéance du contrat d’achat, interrompt l’achat de l’électricité produite et impose à l’installation une sortie du périmètre d’équilibre. Le Préfet fixe la date à laquelle la suspension prend fin.

Les pouvoirs de sanctions demeurent donc entre les mains de l’autorité administrative via l’autorisation d’exploiter et le CODOA sur le fondement de l’article L. 311-14 du Code de l’énergie.

En revanche, si le producteur s’engage comme auparavant, au titre de l’article IV, à ne pas injecter sur le réseau une puissance excédant la puissance maximale indiquée dans les conditions particulières et dans son CODOA, l’article VI prévoit désormais le contrôle de la CRE sur la conformité de l’installation vis-à-vis des éléments déclarés par le producteur et notamment la puissance installée.

S’esquisse dès lors – par l’intervention de la CRE – le renforcement programmé du contrôle de l’adéquation entre la puissance réelle des installations et leur puissance déclarée par le producteur.

Une modification non moindre est apportée par l’article XIII « Modification, suspension et résiliation du contrat » qui fixe une indemnité de résiliation à la charge du producteur en cas de rupture anticipée du contrat d’achat, qu’il ait pris l’initiative de la résiliation ou que cette dernière résulte d’une décision de l’acheteur ou de l’autorité administrative. Le montant de cette indemnité, défini à l’article XIII-6, correspond au montant du remboursement des charges assumées par le service public de l’électricité depuis la prise d’effet du contrat en cas de fraude ou de résiliation par le producteur. Cette indemnité présente ainsi un caractère dissuasif.

On ne peut que voir dans cette évolution du modèle du contrat d’achat, une volonté d’éviter les effets d’aubaine. La CRE a souligné dans son rapport d’avril 2014 sur les coûts et la rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine et encore dans sa délibération du 28 mai 2014 portant avis sur le projet d’arrêté fixant les conditions d’achat de l’électricité éolienne, que le tarif issu de l’arrêté du 17 novembre 2008 pouvait induire une rentabilité excessive, en particulier pour les parcs bénéficiant des meilleures conditions de vent.

La ministre a pris en compte ce risque et a fait usage des pouvoirs qui étaient prévus par le décret précité du 10 mai 2001, lequel dispose que le contrat d’achat peut préciser les modalités relatives aux indemnités dues en cas de résiliation du contrat par le producteur avant le terme prévu.

La réforme est engagée.

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