PLTE : le gouvernement précise les règles de financement des énergies vertes

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gossementLe projet de loi de programmation pour la transition énergétique vient d’être présenté en Conseil des ministres puis à la presse par Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement et de l’énergie, fait le point sur quelques-unes des mesures importantes pour le développement des projets d’installations de production d’énergies renouvelables.

De manière générale, cette loi pour la transition énergétique est d’abord une loi de précisions juridiques. Il en va ainsi s’agissant du cadre juridique applicable au financement du soutien au développement des énergies renouvelables. De la réforme de la gouvernance de la contribution au service public de l’électricité à la précision des causes de résiliation d’un contrat d’achat, le souci de l’Etat apparaît certain de s’assurer une plus grande maîtrise encore des conditions de ce soutien financier, des comptes de l’énergie en général et d’encourager les collectivités territoriales à assurer une part grandissante de cet investissement.

L’objectif demeure ambitieux même s’il ne tient pas tout à fait compte du retard pris par la France dans la réalisation de l’objectif de développement des énergies renouvelables fixé en 2009. Ainsi, aux termes de l’article L. 100-4 4° du code de l’énergie, modifié par le projet de loi de programmation pour la transition énergétique, la politique énergétique nationale aura pour objectif de porter, en 2030, la part des énergies renouvelables à 32% de la consommation finale brute d’énergie. A l’heure où l’Union européenne hésite à se doter d’objectifs nationaux, cette précision est la bienvenue. Reste que les professionnels de l’éolien ou du solaire devront encore attendre pour connaître les objectifs par secteur, lesquels seront inscrits dans un document de programmation pluriannuelle de l’énergie.

Soutien aux financements participatifs

Le projet de loi prévoit tout d’abord d’encourager les communes ou leurs groupements à investir dans les projets d’énergies renouvelables. L.2253-2 du code général des collectivités territoriales serait complété en ces termes : « Ils [Les communes et leurs groupements] peuvent, dans les mêmes conditions, participer au capital d’une société anonyme dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables sur leur territoire ou participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire. » Cette mesure est cohérente avec le mouvement général de décentralisation écologique et énergétique de l’Etat vers les Régions, les communes et leurs groupements. On rappellera que le Parlement a inscrit dans le marbre de la loi le principe selon lequel les Régions sont les « chefs de file de la transition énergétique. Dans le même sens, les collectivités territoriales sont appelées à participer aux projets de sociétés d’économie mixte créées pour gérer les concessions d’hydroélectricité.

Autre possibilité de « financement participatif » : par les citoyens eux-mêmes. Le projet de loi prévoit notamment que « les sociétés constituées pour porter un projet de production d’énergie renouvelable sous forme de société régie par les dispositions du livre II du code de commerce ou par les articles L1521-1 et suivants du code général des collectivités territoriales doivent : lors de la constitution de leur capital, proposer une part de leur capital à des habitants résidant habituellement en proximité du projet ; en cas de souscription partielle des parts proposées au a), pour les sociétés régies par le code de commerce, proposer aux collectivités territoriales sur le territoire desquelles est implantée le projet de souscrire pour la part du capital disponible ».

Il s’agit là d’une nouveauté importante qui va contribuer à sécuriser les conditions dans lesquelles les sociétés doivent ou peuvent faire appel à ces nouvelles sources de financement de leur actions. Et ces financements participatifs n’ont pas un objet uniquement économique. Ils doivent permettre d’améliorer l’acceptabilité sociale des projets. Le sujet est toutefois d’une éminente complexité comme mon cabinet a déjà pu le constater. Car la participation financière des habitants à un projet d’énergie renouvelable peut renforcer l’adhésion de ceux qui « cotisent » mais réduire celle de ceux qui sont en dehors de l’opération. De la même manière, le report dans la temps de la promesse de retour sur investissement, en raison par exemple de recours en justice, peut créer des tensions parmi les actionnaires. Il convient donc certainement de compléter le dispositif mis en place par la loi par des mesures réglementaires qui préviennent les principales difficultés, au regard des premiers retours d’expériences.

Une réforme importante de l’obligation d’achat

Ségolène Royal (Photo : Emilie Jéhanno)
Ségolène Royal (Photo : Emilie Jéhanno)

Le projet de loi retiendra certainement l’attention des producteurs d’énergies renouvelables en ce qu’il opère une modification importante du régime de l’obligation d’achat qui « oblige » EDF ou une entreprise locale de distribution à acheter l’énergie mise en réseau. La lecture du projet de loi révèle tout d’abord la création à côté du contrat d’achat, d’un contrat de complément de rémunération. L’objet et le but exacts de ce nouveau contrat qui doit permettre de faciliter l’accès des énergies vertes aux prix de marché, sont cependant très peu définis par le projet de loi. De même, le texte n’indique pas encore à ce stade quelles installations bénéficieront d’un contrat d’achat ou d’un contrat de complément de rémunération, étant entendu que ces deux contrats ne pourront pas se cumuler.

A l’inverse, le projet de loi est précis sur les causes possibles de suspension ou de résiliation des contrats d’achat ou de complément de rémunération. L’objectif du Gouvernement est clairement ici de sécuriser les précisions déjà inscrites dans la plupart des conditions générale des contrats d’achat. Plus encore le code de l’énergie devrait clairement préciser une « possibilité » de remboursement des sommes indûment perçues par l’exploitant : « La résiliation du contrat peut entraîner le remboursement par l’exploitant de tout ou partie des sommes perçues en application de ce contrat, dans la limite des surcoûts mentionnés au 1° de l’article L. 121-7 en résultant si le contrat est conclu en application des dispositions des articles L. 314-1 et suivants ».

Et le remboursement n’est pas la seule conséquence possible d’une violation des règles qui s’attachent à la conclusion et à l’exécution d’un contrat d’achat. Ainsi, le projet de loi prévoit d’insérer cette nouvelle disposition dans le code de l’énergie de manière à créer une sanction pécuniaire allant jusqu’à 100 000 euros par mégawatt : « Art. L. 311-20. – Sans préjudice de la suspension ou de la résiliation du contrat prévues à l’article L. 311-14, les manquements mentionnés à ce même article peuvent faire l’objet d’une sanction pécuniaire déterminée en fonction de la puissance électrique maximale installée de l’installation et qui ne peut excéder un plafond de 100 000 € par mégawatt. Cette sanction peut être prononcée dès que le manquement est établi, dans le respect de la procédure prévue à l’article L. 142-33. » S’agissant des appels d’offre, le projet de loi ne prévoit pas leur généralisation. Il ne précise pas non plus quelles sont les installations qui seront concernées. Sur ce point le code de l’énergie est précisé pour permettre, au terme d’un appel d’offres, d’octroyer, soit un contrat d’achat, soit un contrat de complément de rémunération dont on ignore encore les caractéristiques financières.

Des mesures de simplification peu nombreuses

Le texte s’avère décevant sur le volet simplification. Il faut espérer sur ce point que le projet de loi aille plus loin. Il suffit de lire les textes créant les schémas régionaux de raccordement aux réseaux des énergies renouvelables pour se convaincre que du chemin reste à faire. Le dispositif relatif aux appels d’offres aurait mérité lui aussi d’être simplifié de manière à ne plus contraindre autant la Commission de régulation de l’énergie à répondre aux nombreuses questions des candidats sur les cahiers des charges qui sont autant de sources de droit nouvelles. En premier lieu, le projet de loi prévoit de larges habilitations du Gouvernement à compléter le droit de l’énergie par voie d’ordonnances. Le flot des textes ne devrait donc pas tarir. En deuxième lieu, outre une clarification bienvenue sur la question de la consultation des communes hors (anciennes) zones de développement de l’éolien, c’est surtout la limitation des recours contre les projets d’énergies marines qui retiendra l’attention.

Pour les installations de production d’électricité renouvelables en mer et leurs ouvrages connexes réalisés, soit « au terme d’un appel d’offres lancé en application du L311-10 du code de l’énergie », soit « au terme d’un appel à manifestation d’intérêt lancé par l’Ademe au titre du Programme d’Investissements d’Avenir », soit « au terme d’un appel à projets européen NER 300 », seul le Conseil d’Etat pourra être saisi d’un recours contre l’une des autorisations administratives nécessaires à la réalisation du projet : autorisation d’exploiter, autorisation d’occupation et concessions d’utilisation du domaine public maritime etc… Certains projets d’énergies renouvelables bénéficieront ainsi d’un régime fortement dérogatoire aux règles de compétence habituelles des juridictions administratives.

En conclusion, ces quelques exemples démontrent que le projet de loi ne modifie pas fondamentalement le cadre juridique existant, à l’exception peut-être de la création du contrat de complément de rémunération. Il faut espérer que les débats parlementaires permettent, par voie d’amendements, d’ajouter de nouvelles mesures de simplification et pas trop de nouvelles mesures de planification. Il faut également espérer que le document de programmation pluriannuelle de l’énergie soit très rapidement publié pour offrir une vision précise du le marché à venir, notamment aux professionnels du solaire.

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