Comment aider les start-up des cleantech à grandir ?

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De gauche à droite : Pierre Nougué, Sébastien Quach, Grégoire Aladjidi et François-Xavier Roussel

Marchés parfois plus lents à démarrer que prévu, besoins de financement très importants, business models encore à valider… Pour les jeunes entreprises des cleantech, grandir n’est pas toujours facile. Elles ont besoin à la fois du soutien des investisseurs, des grands groupes et de l’Etat. Un vrai défi ! Pour en débattre, GreenUnivers a organisé une table ronde le 27 novembre dans le cadre du Clean Green Event 2013.

François-Xavier Roussel, directeur « performance et innovation » de EDF Recherche & Développement, Grégoire Aladjidi, directeur du fonds d’amorçage Demeter 3, Sébastien Quach, business development manager de G2Mobility, et Pierre Nougué, cofondateur du cabinet Ecosys, ont partagé leurs points de vue et leurs expériences.

Identifier les bons sujets avant les autres

Demeter 3, le fonds d’amorçage créé par Demeter et financé par quatre grands groupes industriels (Suez Environnement, GDF Suez, Air Liquide et l’IFP EN), a réalisé son premier investissement en novembre 2012. Depuis, cinq deals ont été bouclés, et trois autres devraient encore l’être d’ici à la fin de l’année. « Ces huit opérations proviennent du traitement de 500 dossiers d’amorçage (soit un quart des dossiers examinés dans l’année par Demeter), a précisé Grégoire Aladjidi. Ce sont notamment nos échanges avec nos partenaires industriels (Veolia et Total étaient présents respectivement dans Demeter 1 et Demeter 2) qui nous aident à nous positionner sur les bons sujets, un peu en avance sur les autres… »

Chez EDF, le dispositif « Open innovation » existe depuis 3 ans. Au sein du département « Recherche & Développement », une équipe de 20 personnes (sur 160.000 salariés dont 2000 chercheurs) emmenées par François-Xavier Roussel a pour mission d’identifier les start-up proposant des solutions innovantes, de faire évaluer ces technologies par la R&D maison puis de les proposer aux métiers. « Notre rôle est de construire des ponts entre les start-up et nos métiers », résume François-Xavier Roussel. Il s’agit tout à la fois de développer l’innovation au sein de la R&D, et sur un plan plus « culturel », d’accoutumer le service à un développement rapide.

Start-up et grands groupes : une collaboration pas toujours facile

« C’est compliqué pour les deux parties de travailler ensemble », reconnaît François-Xavier Roussel. Côté start-up, la première difficulté consiste à identifier le bon contact au sein des grands groupes. Quant à l’équipe, il a fallu la stabiliser face à un délai de réaction des métiers jugé trop lent.  « L’enjeu est autant d’intéresser les métiers que d’identifier l’innovation », reconnaît François-Xavier Roussel. Après trois ans, il tire quelques enseignements : faire travailler ensemble grands groupes et start-up n’est pas facile et avoir une équipe dédiée est essentiel. Mais surtout, il se félicite de cette expérience, qui a permis une nette amélioration des relations avec les start-up. « Aujourd’hui, beaucoup de nos métiers se montrent enthousiastes et nous voyons apparaître des relais internes ». Tout en reconnaissant que les start-up doivent pouvoir se développer de leur côté, il souligne que celles qui choisissent de travailler avec des grands groupes doivent être prêtes à partager. « Notre objectif, c’est de faire grandir EDF avec la start-up en trouvant un alignement d’intérêts, pas de faire grandir la start-up », conclut-il.

Dans le rôle de la start-up, Sébastien Quach, business development manager de G2Mobility (bornes de recharge intelligentes pour véhicules électriques), travaille depuis sa création avec des grands groupes, que ce soit avec Veolia dans le cadre de l’appel d’offres Autolib’, ou avec La Poste et ERDF dans le cadre d’Infini Drive. « Les grands groupes sont pour nous des partenaires industriels, technologiques, ou simplement appartiennent à notre éco-système », précise-t-il. Ce sont ainsi parfois des clients, comme le logisticien Geodis, qui possède la plus grande flotte de véhicules 3,5 tonnes d’Europe. « C’est nous qui sommes allés les chercher, insiste-t-il. Et c’est aussi à nous de créer le lien avec les métiers des groupes dont nous sommes partenaires. »

Trop jeune pour être crédible ?

La levée de fonds réalisée par G2Mobility auprès du fonds Innovacom, via son véhicule d’amorçage Technocom2, ainsi que CDC Climat (filiale de la Caisse des Dépôts) est de nature à rassurer sur la fiabilité de la start-up. Ce qui n’est pas anodin, car regrette Sébastien Quach, les groupes ont tendance à se méfier des sociétés encore jeunes et à ne pas les retenir sur certains marchés. « Ce qui est frustrant quand on se sait au moins aussi performants que des entreprises plus installées qui l’emportent. »

Pierre Nougué, cofondateur du cabinet Ecosys et créateur de plusieurs start-up, insiste sur la nécessité d’améliorer la qualité des « infrastructures » qui soutiennent les start-up dans le monde, de trouver « de nouveaux tuyaux », via les systèmes d’information, l’iPad, les bases de données… Il ne suffit pas d’avoir de bons contenus, encore faut-il les trier, ce qui est d’autant plus complexe qu’il faut opérer au niveau mondial, garder en tête le « time to market », et prendre en compte l’interopérabilité des solutions sur les sujets énergie, transports, eau ou déchets… Autrement dit, il faut être bons sur la technologie, le business model et l’infrastructure. Dans ce contexte, les bases de données media ont aussi un rôle à jouer, à côté des réseaux professionnels ou des fonds. Pour Pierre Nougué, « les start-up des cleantech sont aujourd’hui confrontées à plusieurs défis : un enjeu de structuration, d’industrialisation, de commercialisation et d’internationalisation. »

Jouer la carte des PME

Au nom du réseau de business angels DDIDF, Etienne de Rocquigny fait le bilan de sept ans d’investissement dans des start-up des cleantech, des métiers « particulièrement capitalistiques », rappelle-t-il. De son point de vue, l’enjeu numéro 1 pour ces jeunes pousses n’est pas de décrocher des subventions ou des investisseurs, mais des clients. Il regrette par ailleurs que l’on s’intéresse surtout aux relations des start-up avec les grands groupes alors qu’il existe un « réservoir de business » entre les start-up et les PME, avec qui il est d’autant plus facile d’aller vite que la direction et l’actionnaire sont le plus souvent alignés.

Face aux procès en frilosité dont les grands groupes et les fonds d’amorçage sont parfois la cible, François-Xavier Roussel insiste : « on prend tous des risques, ne serait-ce que parce qu’il n’existe pas une seule activité industrielle sans risque. Mais il faut rester dans le cadre du risque maîtrisé et parvenir à trouver au sein du groupe ceux qui y ont intérêt. »

Des intérêts bien compris…

De son côté Grégoire Alidjidi, pour le fonds Demeter 3, rappelle que les gestionnaires de fonds sont tenus d’investir à titre personnel 1 % du montant des fonds. En outre, de Solairedirect (dès 2006) aux flotteurs d’éoliennes d’Ideol en passant par les volants d’inertie de Levisys, Demeter 3 à fait la preuve qu’il n’hésite pas à miser sur des marchés qui n’existent pas encore, selon lui.

Les participants s’accordent sur un point : l’évolution positive et rapide dans les liens entre start-up et grands groupes au cours des toutes dernières années, deux mondes qui s’apprivoisent autour d’intérêts communs bien compris.

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