L’ONU a-t-il déclaré l’éolien hors-la-loi ?

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A la demande d’un citoyen irlandais, l’ONU aurait « condamné » le droit européen des énergies renouvelables. L’éolien serait devenu hors-la-loi. Cette idée est née à la suite d’un récent communiqué de presse d’associations opposées à l’éolien (EPAW et WFCN). L’analyse d’Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement et de l’énergie.

A lire le communiqué de ces associations, tout donne à croire qu’un juge international aurait décidé que le cadre juridique fixé par l’Union européenne pour encourager et encadrer le développement des énergies renouvelables, dont l’éolien, serait contraire à la Convention d’Aarhus. Le droit européen et, par voie de conséquence, les droits nationaux seraient donc tous… illégaux. Les projets de parcs éoliens aussi, qui devraient donc être suspendus. Une campagne de presse destinée en réalité à inquiéter et à tenter d’instrumentaliser le droit de l’environnement contre une énergie respectueuse de l’environnement. Il est donc utile de remettre les choses à l’endroit et de revenir au texte même de l’avis émis par le Comité, dont le sens des recommandations a été quelque peu malmené, à dessein.

Que s’est-il passé ?

Le « Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus » également appelé « Comité de conformité » (compliance committe ») a émis, le 29 juin 2012, des recommandations (« findings and recommandations ») relatives à la conformité à la Convention d’Aarhus de plusieurs mesures prises par l’Irlande pour développer l’éolien. Il convient de souligner qu’il s’agit de recommandations et non d’une décision de justice.

Cet avis a été rendu à la suite d’une saisine de ce comité par Monsieur Pat Swords. Le 15 octobre 2010, ce citoyen irlandais a adressé une « communication » – et non un recours ou une plainte – au Comité au motif principal que l’Union européenne méconnaitrait les dispositions des articles 5 et 7 de la Convention d’Aarhus, s’agissant spécifiquement de la politique irlandaise en matière d’énergies renouvelables. Ce citoyen, proche d’une association européenne d’opposants à l’énergie éolienne (EPAW), a ainsi tenté d’opposer les dispositions de la Convention d’Aarhus aux décisions publiques prises par son pays en faveur de l’éolien, plus particulièrement celles relatives à l’achat d’électricité éolienne.

Rappelons que l’article 5 de la Convention d’Aarhus a trait au rassemblement et à la diffusion d’informations sur l’environnement et que l’article 7 est pour sa part relatif au principe de participation du public à l’élaboration des plans et programmes relatifs à l’environnement. Rappelons également que l’Irlande n’étant pas partie à la Convention d’Aarhus, M. Swords a donc tenté de démontrer, non pas un manquement de son pays à ladite Convention mais un manquement de l’Union européenne en tant que celle-ci n’aurait pas fait application de ce texte à l’égard de l’Irlande. L’Union européenne a en effet ratifié la Convention signée à Aarhus le 25 juin 1998 par une décision 2005/370/EC du 17 février 2005. Rappelons également que l’expression « Convention d’Aarhus » désigne plus précisément la « Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement », signée le 25 juin 1998 à Aarhus (Danemark). La France a ratifié cette importante convention internationale en 2002.

Qu’est ce le « compliance committee » ?

Il convient tout d’abord de préciser la nature et la fonction de l’organe – le « Compliance committee » – qui a émis l’avis ici commenté. Il convient de souligner qu’il ne s’agit nullement d’une juridiction ou d’une « quasi juridiction ». En réalité, la création de ce « comité de conformité » a été prévue par l’article 15 de la convention d’Aarhus. Aux termes de cet article, le Comité n’a nullement une fonction juridictionnelle et les avis qu’il sera appelé à émettre ne sont pas assimilables à une décision de justice. En réalité, la Convention renvoie à la Réunion des Parties le soin d’adopter des « arrangements facultatifs » qui auront pour vocation de mettre en place une procédure d’examen non contentieux des différends qui pourraient survenir à l’occasion de l’application de la Convention. Il importe donc de bien distinguer les procédures de « compliance » qui se multiplient, ce compris au sein des entreprises, des procédures contentieuses.

La première Réunion des Parties qui s’est tenue à Lucques, en Italie, du 21 au 23 octobre 2010, a permis l’adoption d’une décision I/7 portant création d’un « Comité d’examen du respect des dispositions » de la Convention d’Aarhus et fixant ses principales règles de fonctionnement. Lors des réunions des Parties suivantes, d’autres décisions ont été adoptées s’agissant de la procédure pendante devant le « Compliance committee »

Les paragraphes 18 à 24 de cette décision I/7 précisent que le Comité peut notamment être saisi par « un ou plusieurs membres du public », lesquels peuvent adresser au Comité des « communications » concernant le respect par une Partie des dispositions de la Convention. La fonction principale  du Comité n’est pas de sanctionner ou de réaliser un contrôle de légalité. Elle est d’adopter, si possible par consensus, des rapports et des recommandations qui sont soumis à la réunion des Parties. Cette dernière peut, à son tour, sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la décision I/7, agir auprès de la Partie susceptible d’avoir méconnu la Convention. Elle peut notamment adresser ses recommandations à ladite Partie. Elle peut également « Prendre toute autre mesure non conflictuelle, non judiciaire et concertée qui peut se révéler appropriée. » La logique de cette procédure est donc celle du dialogue.

Quel est le sens de l’avis du Comité ?

L’avis émis ce 29 juin 2012 par le Comité comporte des constats puis des recommandations. Ainsi, trois “constats” sont opérés par le Comité. En premier lieu, l’Union européenne n’a pas pris les mesures suffisantes pour assurer le respect de l’article 7 de la Convention d’Aarhus et du principe de participation du public lors de l’élaboration des plans et programmes et ce, lors de l’élaboration des Plans d’action nationaux pour les énergies renouvelables (NREAPs), adoptés sur le fondement de la directive 2009/28/CE. En second lieu, l’Union européenne a méconnu l’article 7 de la Convention en ne contrôlant pas le respect par l’Irlande dudit article 7 et donc du principe de participation, lors de l’élaboration de son Plan national d’action pour les énergies renouvelables. En troisième lieu, l’Union européenne a également méconnu l’article 3§1 de la Convention d’Aarhus. Cet article impose aux Parties signataires de prendre les mesures nécessaires au sein de leurs droits pour assurer l’application des dispositions de la Convention. Il convient de bien souligner, contrairement à ce qui a été allégué, que ce n’est pas l’ensemble du cadre juridique européen relative aux énergies renouvelables qui est concerné par cet avis du Comité. Ce ne sont pas les conditions d’élaboration de la directive 2009/28/CE ni les modalités des procédures d’autorisation administratives qui auraient été critiquées. C’est très exactement la procédure de production par les Etats des plans nationaux d’action sur les énergies renouvelables qui doit être améliorée pour mieux tenir compte de l’exigence de participation définie par la Convention d’Aarhus.

Quelle est la portée de l’avis émis par le Comité ?

Comme cela a été précisé, le Comité n’est pas une juridiction, il n’est pas saisi sur recours et ces avis ne sont pas des décisions de justice contraignantes. Le Comité a d’abord pour objet de rechercher par la voie du consensus et au moyen de recommandations une évolution des législations des Parties – dont l’Union européenne – de manière à faire progresser le respect de la Convention d’Aarhus.

Ce 29 juin 2012, le comité n’a nullement « annulé » le plan national irlandais d’action pour les énergies renouvelables ni même aucun autre plan du même type. Il n’a pas davantage remis en cause rétroactivement le droit européen des énergies renouvelables ni «annulé » les mesures prises par l’Irlande pour assurer l’achat d’électricité éolienne. Très précisément, le Comité a recommandé à l’Union européenne d’adapter la procédure d’élaboration des plans nationaux d’action pour les énergies renouvelables et de contrôler à cet endroit le respect du droit à l’information et du principe de participation du public.

Cet avis du Comité ne revient pas davantage à alourdir les procédures d’autorisation propres aux projets de parcs éoliens et à accroître la place de la participation du public. Rappelons tout d’abord que la communication de M. Pat Swords était fondée sur les dispositions des articles 5 – relatif au droit d’accès à l’information – et 7 – relatif à la participation du public en ce qui concerne les plans, programmes et politiques relatifs à l’environnement. Cette communication n’était pas fondée sur les dispositions de l’article 6 de la Convention, lequel a justement trait au principe de participation et est intitulé « Participation du public aux décisions relatives à des activités particulières ».

Il convient donc de bien distinguer le principe de participation du public lors de l’élaboration des plans et programmes visé par l’article 7 de la Convention d’Aarhus et par la communication de M. Swords ; du principe de participation du public lors de l’élaboration de décisions particulières, comme un permis d’exploiter un parc éolien (article 6 de la Convention). Le principe de participation visé à l’article 7 suppose une intervention des autorités publiques, qu’il s’agisse des Etats ou de l’Union européenne. Il suppose une participation du public très en amont, bien avant qu’un opérateur privé ne dépose une demande d’autorisation. Il exige que le public soit informé puis consulté lors de l’élaboration ou de l’évolution d’un « plan » ou d’un « programme » c’est-à-dire de tout document qui assure la planification du développement d’un secteur ou d’une activité, par exemple celle de production d’énergies renouvelables. Nul besoin de rappeler que plus la participation du public aura été correctement assurée en amont, plus l’acceptabilité des projets conçus en aval sera bonne. D’où l’utilité de développer la planification et l’évaluation stratégiques en Europe pour sortir des conflits projet par projet.

En définitive, la présente et courte présentation de l’avis du Comité de conformité de la Convention d’Aarhus a pour seul objet de souligner qu’il convient de se garder des interprétations rapides et orientées de textes, de décisions ou d’avis, a fortiori lorsque ceux-ci sont nuancés ou complexes. L’avis du Comité n’a ni pour effet ni pour but de démolir l’édifice juridique européen des énergies renouvelables.

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