P. Joubert (Alstom) : “La Chine risque de rattraper l’Europe sur le captage du CO2”

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« L’Union européenne avait pris de l’avance en matière de captage et stockage du CO2, mais aujourd’hui elle avance à tous petits pas faute de pouvoir de décision. Elle risque de se faire rattraper et doubler par la Chine d’ici deux à trois ans », lance Philippe Joubert, directeur général délégué d’Alstom.

Le groupe français, qui vise le leadership mondial sur ce marché, vient de trouver un partenaire en Chine : il a signé en septembre un accord avec le groupe public Datang pour développer deux projets démonstrateurs de captage et stockage du CO2 (CSC) de grande envergure. Le premier concerne une future centrale à charbon d’une puissance de 350 MW à Daqing, dans le nord-est du pays, et le second une centrale de 1 000 MW à Dongying, à quelque 400 kilomètres à l’est de Pékin. Des études vont d’abord être menées dans les six prochains mois avant de donner le feu vert aux deux chantiers.

Un besoin de démonstrateurs de grande taille

Alstom est présent sur trois technologies de captage de CO2 : le captage en oxy-combustion, le captage en post-combustion avec ammoniaque réfrigéré et en post-combustion avec amines avancés. Le groupe est déjà engagé sur 16 projets démonstrateurs dans le monde, notamment en Pologne, au Canada et aux Etats-Unis, mais de plus petite taille que les projets chinois.

«  Nous savons que nos technologies fonctionnent sur des centrales de 30 MW, l’objectif aujourd’hui c’est de les valider sur des installations beaucoup plus puissantes pour commencer à travailler la décroissance des coûts », poursuit Philippe Joubert. Mais c’est bien là que le bât blesse tant en Europe qu’aux Etats-Unis où les restrictions budgétaires sont à l’ordre du jour, sachant que l’investissement pour une centrale de 1 000 MW est de l’ordre du milliard d’euros. Outre la crise de la dette et son impact sur les finances publiques, l’absence d’un prix incitatif pour le CO2 (il s’échange actuellement à un peu plus de 10 € la tonne sur BlueNext) ne permet pas non plus de soutenir le marché. Et le risque de récession – ou en tout cas de ralentissement de la production – qui diminuerait automatiquement les émissions de CO2 de l’industrie incite encore moins à agir.

Seule la Chine est prête à investir

« Seule la Chine semble prête à investir massivement. L’Europe n’avance pas et les Etats-Unis misent désormais davantage sur le gaz et l’éolien que sur le captage du CO2 », regrette Philippe Joubert qui estime pourtant que le CSC n’est pas plus cher que l’éolien terrestre : « l’énergie éolienne est intermittente, difficilement prévisible et elle pose des problèmes d’intégration au réseau. Et même si on développe l’éolien, il faudra bien traiter la base installée des centrales à charbon pour réduire les émissions de CO2. C’est le véritable enjeu aujourd’hui ».

La question est particulièrement cruciale en Chine, pays qui dépend à près de 70% du charbon pour sa consommation énergétique et qui construit entre 40 et 60 GW de centrales à charbon par an. Outre le CSC, Alstom est d’ailleurs ambitieux sur le marché de la construction de nouvelles centrales dans le pays : il a  signé au printemps dernier une lettre d’intention avec le groupe Shanghai Electric pour créer une joint-venture spécialisée dans la fabrication de chaudières pour les centrales électriques au  charbon. 

La recherche d’Alstom sur le CSC se fait pour l’instant en Europe. « Mais si les grands démonstrateurs se construisent en Chine, il sera difficile de garder nos programmes de R&D ici », prévient Philippe Joubert.

 

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