Electricité verte : la réforme de la procédure d’appel d’offres engagée

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Le Gouvernement vient d’adresser au Conseil supérieur de l’énergie un projet de texte très attendu, notamment par les acteurs de la filière solaire photovoltaïque. Le point avec Maître Arnaud Gossement et Maître Sarah Nataf, avocats au Cabinet Huglo Lepage.

Il convient de rappeler qu’à l’issue de la période de « moratoire » prévu par le décret n°2010-1510 du 9 décembre 2010, le Gouvernement avait adopté un décret et deux arrêtés, en date du 4 mars 2011 relatifs aux conditions d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques. Pour le segment des installations de plus de 100 kW, la mise en place d’une procédure « d’appel d’offres » applicable aux centrales solaires au sol et sur « grandes toitures » avait été annoncée, par le biais d’un communiqué de presse et d’une note annexe, dont la valeur juridique était incertaine.

C’est dans ce contexte que vient d’être diffusé un projet de décret portant modification du décret n°2002-1434 du 4 décembre 2002 relatif à la procédure d’appel d’offres pour les installations de production d’électricité. Ce texte vient clarifier le régime désormais applicables aux installations photovoltaïques soumises à « appels d’offres ». Il appartient désormais aux professionnels de procéder à son étude attentive pour anticiper le cadre juridique qui sera prochainement mis en place.

De nouvelles conditions d’appel d’offres

En premier lieu, aux termes de ce projet de décret, la procédure d’appel d’offres est ouverte et définie par le ministre chargé de l’Energie, sur la base d’un cahier des charges détaillé qu’il élabore. La commission de régulation de l’énergie (ci-après « CRE ») est chargée de mettre en œuvre cette procédure.

Il convient donc de souligner que le ministre chargé de l’Energie a la responsabilité de définir les conditions de l’appel d’offres. Celles-ci étaient initialement cantonnées aux caractéristiques énergétiques et techniques de l’installation, aux conditions économiques, financières et d’exploitation de l’installation ainsi qu’à la région d’implantation.

Le projet de décret portant modification du décret précité introduit la possibilité pour le ministre chargé de l’énergie de faire porter l’appel d’offres sur des conditions socioéconomiques (en prenant en compte, par exemple, les conflits d’usage) et sur l’environnement. La protection de l’environnement et des territoires qui avait déjà intégré le dispositif de tarifs d’achat au moyen du décret du 4 mars 2011 continue donc de progresser de manière à devenir un levier de régulation primordial. Ces nouvelles conditions pourront donc désormais donner lieu à des critères de sélection. Plus particulièrement, la sélection sera opérée sur des critères directement issus du prix d’achat de l’électricité demandé par le candidat.

Désormais également, le projet de décret introduit la possibilité de fixer des conditions de toute nature, permettant notamment un contrôle de l’exécution des projets à cycle long, en vue de la prise de sanctions éventuelles. Ainsi, de nouvelles obligations pèsent sur le candidat retenu à l’appel d’offres, lesquelles s’appliquent tant avant la mise en service de l’installation, que pendant l’exploitation, le démantèlement et la remise en état du site d’implantation de l’installation. Ces obligations peuvent s’accompagner d’une obligation de constitution de garanties financières, lesquelles pourront être recouvrées notamment si le candidat retenu méconnaît les obligations auxquelles il est astreint.

En deuxième lieu, le projet de décret portant modification du décret du 4 décembre 2002 prévoit une réduction des délais relatifs tant à la rédaction du cahier des charges qu’à l’instruction des candidatures, permettant d’accélérer la procédure et de réduire les délais globaux. Enfin, le projet de décret présente la nouveauté de soumettre les appels d’offres à deux procédures distinctes, dont le choix est laissé à l’appréciation du ministre en charge de l’Energie, en fonction des caractéristiques de l’appel d’offres et notamment de la nature des critères de notation et du nombre d’offres attendues.

Procédure ordinaire et procédure simplifiée

La première procédure, dite « ordinaire », est quasi-strictement calquée sur la procédure définie en l’état actuel du droit par le décret du 4 décembre 2002. Les délais d’instruction sont cependant réduits, et désormais fixés par le cahier des charges défini en amont. Les candidats à l’appel d’offres déposent, conformément aux modalités définies par le cahier des charges leur candidature auprès de la CRE.

Après avoir recueilli l’avis motivé de la CRE, le ministre chargé de l’énergie désigne le ou les candidats retenus à la suite d’un appel d’offres. Il leur délivre les autorisations nécessaires. Il a également la faculté de ne pas donner suite à l’appel d’offres.

La seconde procédure dite « accélérée » constitue une véritable nouveauté, en ce que l’ensemble de la procédure se déroule par voie électronique, permettant un traitement rapide d’un grand nombre d’offres lorsque les critères de notation sont simples. Un site de candidature en ligne sera désormais mis à disposition par la CRE.

Les candidats pourront adresser, par ce biais, leurs questions à la CRE, dont les réponses seront publiées en ligne. Le délai d’instruction des candidatures par la CRE sera limité à deux mois. Le classement des candidats par la CRE sera désormais adressé au ministre chargé de l’énergie, lequel désignera le candidat retenu, dont l’identité sera publiée sur le site de candidature.

Il convient de noter que l’exposé des motifs de ce projet de décret précise que l’appel d’offres simplifié par voie électronique a vocation à être lancé avant « l’été 2011 afin de pouvoir désigner les lauréats tout au long de la fin de l’année 2011 et du premier semestre 2012.

Un bon outil de régulation ?

En matière de production d’énergie renouvelable, le Gouvernement a clairement marqué son intérêt pour la procédure de l’appel d’offres. Qu’il s’agisse d’éolien offshore ou de solaire photovoltaïque, l’appel d’offres est appelé à contribuer à la régulation des filières. Les professionnels ne peuvent faire l’économie d’une étude attentive des conditions nouvellement définies et des critères de sélection fixés, de manière à préparer leurs dossiers de candidatures. Reste que tous ne pourront sans doute pas développer dans le seul but de participer à un appel d’offres et sans garantie, en amont, de pouvoir en fin de compte bénéficier d’un tarif d’achat.

Bien entendu, la mise en place de telles procédures créé à son tour un risque contentieux, tel qu’il existe déjà en matière d’appels à projets d’installations photovoltaïques (cf pour exemple TA Nîmes Ord., 4 octobre 2010, n°1002266). Plus particulièrement, des problématiques relatives tant aux conditions de l’appel d’offres, qu’à la procédure choisie par le ministre ou encore des problématiques ayant traits au respect de l’égalité entre les candidats vont nécessairement être soulevées.

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