Bâtiment vert : les 10 challenges de la rénovation BBC

Print Friendly, PDF & Email

La France dispose d’un parc de 30 millions de logements, soit quasiment autant de bâtiments à rénover pour améliorer leurs performances énergétiques et environnementales. Le marché de la réhabilitation est énorme à moyen-long terme, mais il fait face à de nombreux challenges. A côté des freins techniques, voire économiques, il y a d’autres obstacles à dépasser pour relever les objectifs réglementaires fixés par le Grenelle de l’environnement en 2020 (diminution de 38% des consommations énergétiques des bâtiments) et l’horizon 2050 (division par 4 des consommations énergétiques et/ou émissions de CO2).

La rénovation BBC est encore à un stade expérimental, avec quelques centaines d’initiatives en France. Alors qu’elle publie son deuxième guide sur le bâtiment basse consommation (BBC), l’association Effinergie veut pousser un peu plus son label BBC-Effinergie Rénovation, dont l’objectif est de devenir un outil de référence du secteur. L’occasion pour GreenUnivers de revenir sur les dix enjeux-clés pour le marché.

1/ Cinq catégories d’acteurs à sensibiliser

Le marché doit être mis en mouvement, et vite. Cinq familles d’acteurs sont concernées par la rénovation BBC : les particuliers, les maîtres d’ouvrages, les bailleurs sociaux, les collectivités territoriales et les professionnels. Ce sont autant de parties prenantes à mobiliser. Difficulté : les leviers d’actions et de sensibilisation sont différents pour chaque catégorie.

2/ Approche globale ou par étapes ?

Certaines opérations de rénovation ne peuvent pas atteindre le niveau BBC ou BBC-Effinergie en une seule fois. Il faut donc que la réhabilitation se fasse par étapes. L’enjeu est de prendre en compte le niveau de performance du projet en amont et dans sa globalité. Dans le cas d’un phasage des opérations, il est impératif que celui-ci soit cohérent. L’association Effinergie indique par exemple que ce n’est pas la juxtaposition de produits ou systèmes performants qui définit exclusivement l’efficacité énergétique de la rénovation et du confort qu’elle procure. Les synergies entre les différentes vagues de travaux sont primordiales, tant d’un point de vue énergétique qu’économique et financier.

3/ La contrainte de temps : le chantier du siècle !

Dans le neuf, entre 300.000 et 400.000 logements sont construits par an, soit à peine plus d’un 1% du parc. Le Grenelle de l’environnement fixe à 400.000 le nombre de logements rénovés annuellement dès 2013. Sur un parc résidentiel bâti de 30 millions de logements, il faudra donc théoriquement 75 ans pour terminer le grand chantier de la rénovation énergétique du résidentiel en France ! Une fois arrivé à maturité, le marché de la réhabilitation devrait accélérer le rythme et dépasser 400.000 rénovations annuelles.

4/ L’épineuse problématique du chapitre juridique

“Il faut donner de la méthode sur la faisabilité juridique de la rénovation”, indiquait cette semaine Philippe Pelletier, président du comité stratégique du Plan Bâtiment Grenelle. En clair, les règles d’urbanisme, les déclarations préalables avant tous les travaux et les autres autorisations administratives doivent être éclaircies, adaptées, voire simplifiées. Concrètement, il pourrait être question de rendre plus facile une isolation thermique par l’extérieur (ETE) par exemple. La position des Architectes des bâtiments de France (ABF) sur la rénovation est également vitale à ce niveau.

5/ L’enjeu des assurances

La question des assurances liées à la nouvelle approche BBC est clairement à lever, selon l’association Effinergie. En théorie, chaque artisan du bâtiment a la responsabilité d’assurer la cohérence entre le cahier des charges de ses prestations et la réalité de ses travaux. La rénovation BBC implique une nouvelle responsabilité, beaucoup plus transversale compte-tenu de la nécessité de prendre le problème dans sa globalité (voir point numéro 2 ci-dessus). La rénovation implique différents corps de métier (électriciens, chauffagistes et climatiseurs, poseurs de fenêtres, couvreurs, artisans des énergies renouvelables, menuisiers…). Les enchaînements d’artisans semblent mal encadrés. Il n’y a pas de garanties reprises par les assureurs aujourd’hui, estime Effinergie.

6/ La nécessaire harmonisation des audits énergétiques

La réalisation d’un audit énergétique est un préalable à toute stratégie de rénovation. Sans avoir mesuré les performances énergétiques globales du bâtiment, impossible de les améliorer. Depuis le 1er janvier 2011, l’affichage de la performance énergétique d’un bien immobilier mis sur le marché, en location ou en vente, est obligatoire. Ce sont les fameuses étiquettes de A à G d’un logement, réalisées suite à un diagnostique, type DPE (diagnostique de performance énergétique). Or, l’absence de fiabilité et de pertinence du DPE est pointée du doigt de manière croissante. Si trois auditeurs expertisent la même maison, il est presque certain d’obtenir des résultats différents, avec des écarts plus ou moins importants. Le gouvernement travaillerait actuellement sur les méthodes d’audits énergétiques, afin qu’elles soient sur la même base de calculs.

7/ Entre méthodologie et pédagogie

Avant les enjeux techniques et économiques à relever pour rénover un bâtiment en BBC, Effinergie souligne que le véritable frein est d’ordre psychologique. Il est indispensable de développer une certaine méthodologie auprès des acteurs du bâtiment. Les entreprises ont une habitude de travail plus ou moins figée par plusieurs décennies de non-rupture technologique dans leur métier. Si la technique s’est améliorée, la méthode de construction d’une maison n’a pas forcément évolué entre le début et la fin du 20e siècle. Or, les enjeux du bâtiment BBC, et demain du bâtiment à énergie positive, renvoient à une rupture dans la façon de percevoir, concevoir et rénover une maison. “Il faut lever la méfiance des artisans, estime Effinergie, en améliorant la communication mais aussi en renforçant la qualification, la formation et la diffusion d’outils pédagogiques dans le BBC.” Dans la réhabilitation, chaque solution est différente, ce qui implique que chaque accompagnement soit individualisé.

8/ La barrière scientifique

A l’image des clés de compréhension données dans le guide publié par Effinergie, intitulé “Réussir un bâtiment basse consommation en rénovation” (disponible sur commande), le choix des solutions architecturales et techniques reste primordiale dans la gestion d’un projet de rénovation. “Il faut conjuguer enjeu thermique et requalification globale du bâtiment”, explique Effinergie en énumérant plusieurs axes de travail : isolation thermique, acoustique, sécurité incendie, aspect bioclimatique, confort visuel, ventilation, réorganisation spatiale… Le bâtiment devient une science, dont les connaissances seront à dépasser perpétuellement. À côté des barrières techniques, viendra l’enjeu de l’énergie grise des matériaux et des solutions utilisées. L’innovation, y compris dans les modèles organisationnels, sera un moteur pour relever ces défis.

9/ Dépasser l’enjeu économique

Au delà de l’attrait économique d’une rénovation lié à l’augmentation structurelle du prix des énergies fossiles, la réhabilitation d’un logement est un investissement rentable s’il est fait de manière réfléchie et optimisée, note Effinergie. Calculer sur 30 ou 40 ans, un temps très cohérent avec la durée de vie d’un bâtiment par exemple, le surcoût des prestations de rénovation énergétique est minime au regard des économies de charges réalisées. Et dans la cas d’une rénovation globale, contrairement à une démarche par étapes, le retour sur investissement (ROI) est plus rapide. D’une manière générale, l’équation du ROI n’est pas fixée d’avance. Le prisme est à prendre sous l’angle du nombre d’euros dépensés en rénovation par rapport au nombre d’euros de consommation de kWh, ou d’émissions de CO2 évitées. Reste enfin l’augmentation de la valeur d’usage d’un logement rénové et sa valorisation patrimoniale, par rapport à un bâtiment non performant sur le plan énergétique.

10/ Une labélisation ou une certification BBC ?

Le label BBC-Effinergie Rénovation, officialisé en septembre 2009 par un arrêté ministériel, fixe un niveau de performance à 80 kWhep/m2/an pour le logement. A titre indicatif pour le bâtiment tertiaire, ce label fixe 40% de réduction par rapport aux exigences de la RT 2005. L’association Effinergie n’a pas vocation à délivrer elle-même le certification BBC-Effinergie Rénovation. Elle s’appuie sur quatre organismes certificateurs reconnus par l’Etat et accrédités par la Cofrac : Céquami, Cerqual Patrimoine, Certivéa et Promotelec. Organismes qui vont utiliser la marque Effinergie pour la certification au niveau BBC. Or, chaque cahier des charges BBC demandé par ces organismes présenterait des différences plus ou moins importantes. Ces certificateurs rajouteraient des exigences propres à la certification BBC Effinergie Rénovation. Un système contraignant et à la carte, que certaines collectivités voudraient dépasser par la promotion d’une labélisation BBC-Effinergie Rénovation, sans certification. En attendant, d’autres labels font leur chemin en France, comme le label suisse Minergie.

 

 

Article précédentLes cleantech auront de nombreux AMI dans les prochaines semaines (Premium)
Article suivantDesertec chahuté par les troubles politiques du sud de la Méditerranée ? (Premium)