Le solaire pris dans le piège politique

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“Prudence” et “interrogation” semblent les maître-mots après le discours du Premier ministre François Fillon sur l’avenir du marché photovoltaïque en France. Dans l’attente du projet de décret sur le nouveau cadre réglementaire – attendu dans les prochaines heures dans la perspective de la réunion du Conseil supérieur de l’énergie du 2 mars – il est encore trop tôt pour juger précisément la situation à venir.

Mais en renvoyant à 2012 la remise à plats de la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique (PPI) – donc au gouvernement issu des élections présidentielle et législative de 2012 – le Premier ministre a déçu les professionnels. L’objectif des 5.400 MW de photovoltaïque pour 2020 reste la feuille de route. “Il n’est aujourd’hui pas question de la modifier”, constate André Joffre, vice-président d’Enerplan, et PDG du bureau d’études Tecsol.

Pas de visibilité à long terme

Exit donc une vision de long terme pour la filière. “Le secteur est condamné à nager en eaux troubles en attendant une nouvelle majorité au pouvoir”, lâche d’ailleurs le parti politique Europe Ecologie – les Verts. Difficile pour la France se se positionner dans le jeu mondial avec une visibilité réduite. “Le marché français restera tout petit, prévient André Joffre. Alors que le marché mondial du solaire, avec ou sans la France, continuera lui à croître.”

La baisse de 20% du tarif d’achat, par rapport au tarif en vigueur depuis le 1er septembre 2010, suscite aussi la critique. “Cette décision est dramatique, estime André Joffre. La filière espérait 10%, un niveau que l’on pouvait facilement absorber. Cela va être très dur. Mais il y a encore beaucoup d’interrogation sur l’homogénéité de cette baisse. Son niveau sera-t-il identique pour le particulier et le collectif ? On ne connaît pas encore les seuils de puissance qui seront présentés.”

“La mise en place d’un tarif trop bas va à l’encontre de l’idée de développer une industrie française,” continue André Joffre. Selon lui, les opérateurs chercheront des prix minimum pour rentabiliser leurs projets, ce qui pourrait une nouvelle fois  favoriser l’industrie asiatique à bas coût.

Une mauvaise compréhension du marché

Le volume à installer d’ici à fin 2012 sème aussi le trouble : au moins 2.000 MW de la file d’attente, additionné à un quota de 500 MW, a annoncé le Premier ministre. Un quota annuel de 800 MW avait été un moment évoqué, sans être finalement retenu.

Mais le gouvernement ne donne aucune précision sur les projets de la file d’attente d’ERDF et de RTE, dont on sait que beaucoup ne verront pas le jour. Pour rappel, en 2010, 68% de la puissance sortie de la file d’attente d’ERDF n’a pas été raccordée (défaillances techniques et administratives des dossiers, problèmes de financement, projets fantômes…). A ce jour, il reste sur le papier 3.600 MW en attente de raccordement chez ERDF mais la lumière n’a toujours pas été faite sur leur pertinence et leur devenir. Si 68% de ces 3.600 MW tombaient à l’eau, c’est près de 2.450 MW qui disparaîtrait de la file d’attente. Autrement dit, les 2.000 MW avancés par l’Etat d’ici à fin 2012 ne pourrait être que 1.150 MW…

“Et ce n’est pas la peine de discuter sur les volumes, si on ne connait pas le niveau des tarifs”, insiste André Joffre en soulignant que les tarifs dicteront la dynamique du marché. Même s’il prévoit que la puissance installée en 2011 sera bien supérieure à celle installée en 2010 (plus de 700 MW raccordés, selon le Commissariat général au développement durable).

En l’absence de visibilité sur le futur décret, difficile de juger, mais les choses sembles claires pour Arnaud Gossement, avocat au cabinet Huglo-Lepage et Maître de conférences à Sciences Po Paris : Les acteurs “devront apprendre à se passer de l’intervention de l’Etat qui ne vaut que pour le lancement de la filière. (…) La position du Premier ministre est assez “dure” au regard des revendications exprimées par les organisations professionnelles.”

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