Veillée d’armes dans le solaire

Print Friendly, PDF & Email

D’un coté, des entreprises du solaire qui protestent contre des décisions imposées sans concertation et un cadre réglementaire en constante évolution et, de l’autre, des pouvoirs publics qui s’appuient sur un rapport Charpin diagnostiquant une situation de surchauffe pour préparer une énième réforme. A la veille d’une réunion interministérielle annoncée comme stratégique demain à Matignon, où François Fillon a convié pas moins de sept ministres *, la situation est pour le moins tendue dans le solaire français.

Si le Syndicat des énergies renouvelables (SER), via Soler, sa branche solaire, se déclare prêt pour engager enfin une concertation, Enerplan se méfie et rappelle que les arbitrages politiques doivent être pris après une négociation avec la filière, et non avant. Des associations comme Hespul et le Cler ont également manifesté leur bonne volonté, en présentant des pistes de réflexions.

Quatre grands enjeux seront évoqués et pèseront sur l’avenir de la filière :

Le système tarifaire encore amendé

L’agitation actuelle fait suite à l’annonce d’une énième révision du système tarifaire de l’électricité photovoltaïque, pressentie par les acteurs depuis quelques semaines et révélée par Les Echos en début de semaine. Le quotidien économique révèle que le segment des particuliers (58 centimes € le kWh) – épargné par les baisses de janvier et septembre – pourrait cette fois-ci être attaqué. Une baisse de 10% est évoquée comme base de négociation. Le tarif d’achat pour les grandes toitures, notamment, pourrait aussi être ajusté.

La mise en place d’un quota trop contraignant

La France a déjà connecté au réseau 720 MW de puissance photovoltaïque, selon le Commissariat général au développement durable, et le cap des 1.000 MW est en ligne de mire pour fin 2010. Il ne resterait donc que 4.400 MW à raccorder sur les 10 prochaines années pour respecter les engagements du Grenelle de l’environnement. Un argument qui a poussé le rapport Charpin, publié en septembre dernier, à vouloir brider à 500 MW maximum le volume annuel subventionné. Or en 2010, la France devrait connecter environ 800 MW ! Avec la mise en place d’un quota annuel trop faible, le gouvernement pourrait créer un système très complexe alliant des volumes trimestriels limitatifs, et une modulation des tarifs d’achat par segments de marché (particuliers, grandes toitures, centrales au sol).

L’épouvantail de la file d’attente

Objet de polémique depuis de longs mois, la file d’attente de raccordement photovoltaïque, publiée trimestriellement par ErDF, se situait à son plus haut niveau fin septembre, avec près de 3.550 MW de puissance. Après décryptage, on s’aperçoit que celle-ci est composée à 90% par des installations de moyennes et fortes puissances. De même, le taux d’abandon de la file d’attente d’ErDF se situe à un niveau très élevé depuis des mois : en moyenne, 6 à 7 MW sur 10 ne sont pas raccordés. Avec la crainte d’une nouvelle baisse des tarifs, ErDF pourrait encore recevoir une avalanche de dossiers, gonflant une situation déjà très irrationnelle.

Véritable pathologie chronique du marché français, la file d’attente est brandie par l’Etat comme argument de surchauffe du marché et d’alourdissement du soutien public au secteur (accroissement de la CSPE). Consciente du problème, “la filière photovoltaïque n’ignore pas qu’il faut à la fois faire la transparence sur la file d’attente tout en réformant l’entrée et la sortie de celle-ci”, indique Enerplan. Les acteurs de la filière notent néanmoins que de nombreuses craintes ne sont pas fondées.

Une concertation nationale et une stratégie industrielle de long terme ?

“L’essentiel est aujourd’hui de s’entendre, avec le gouvernement et les parlementaires, sur une stratégie solaire française qui dote la filière d’un cadre juridique clair, stable et durable,” prône Enerplan. Le SER-Soler, de son côté, souligne qu’il faut chercher l’optimisation du soutien public qui garantira l’essor industriel permettant à la France de participer à la compétition mondiale. Les syndicats se font force de propositions, à l’image de l’étude commandée au Bipe par le SER, et intitulée « Repenser le développement de la filière photovoltaïque. »

Enfin, le compte rendu de l’audition des acteurs du photovoltaïque à l’Assemblée Nationale, du 16 novembre dernier, a été mis en ligne ces derniers jours. Il a le mérite de montrer que le Parlement a déjà ouvert le débat pour comprendre la réalité des chiffres. Enerplan milite pour initier au plus tôt, dès la réunion de jeudi, une gouvernance de la filière photovoltaïque française. La balle semble dans le camp du gouvernement…

———

*Eric Besson, Nathalie Kosciusko-Morizet, Christine Lagarde, Bruno Lemaire, François Baroin, Alain Juppé et Marie-Luce Penchard.


Article précédentGCL Poly et le fonds souverain chinois renoncent à leurs grands projets (Premium)
Article suivantComme toute l’Europe, l’Italie restreint les grandes centrales solaires au sol (Premium)