Solaire : plus de questions que de réponses

Print Friendly, PDF & Email

Le Premier ministre a réuni aujourd’hui pas moins de sept ministres pour faire le point sur l’avenir de la filière photovoltaïque. A la suite de cette réunion, un communiqué de presse officiel a été diffusé pour en établir le compte rendu. Le moins que l’on puisse dire est que ce communiqué entretient un certain flou et pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Le point avec Arnaud Gossement, avocat associé au cabinet Huglo-Lepage et Maître de conférences à Sciences Po.

Quel objectif ?

Le Premier ministre s’est tout d’abord félicité « que la France atteigne dès les prochaines semaines les objectifs fixés en matière photovoltaïque ». Le communiqué précise, en outre, l’objectif de 500 MW de nouveaux projets par an, sans que l’on sache s’il s’agit d’un plancher ou d’un plafond qui ne dirait pas son vrai nom : le quota. L’idée d’instituer un quota circule depuis quelque temps, mais tout dépend de savoir quel est montant et ses caractéristiques exactes. Tout au plus, le communiqué parle de « nouvel équilibre » à trouver et d’un nouveau cadre à mettre en place d’ici au mois de mars 2011.

Quelle suspension ?

Le communiqué précise également que « Nathalie Kosciusko-Morizet et Christine Lagarde saisiront le Conseil supérieur de l’énergie d’un projet de décret suspendant de façon transitoire l’enregistrement de nouveaux projets ». Le sens de cette phrase est insaisissable. Tout d’abord qu’est ce qu’un nouveau projet ? S’agit-il des dossiers enregistrés en file d’attente postérieurement à la publication de l’arrêté annoncé dans ce communiqué ou s’agit-il, rétroactivement, des dossiers entrés en file d’attente cette année (par exemple) ? De même l’expression « suspendre l’enregistrement » est très imprécise… S’agit-il de suspendre l’instruction des dossiers enregistrés en file d’attente, de suspendre l’entrée en file d’attente ou de suspendre la présence même en file d’attente ce qui s’apparenterait à une « purge ». Le communiqué ne permet pas de le savoir. On peut formuler l’hypothèse que le flou de ce communiqué a pour vocation de ne pas créer un emballement dans les prochains jours, avant la publication dudit arrêté. Il permet également, si l’on en adopte une interprétation optimiste de ne pas ruiner par avance l’idée même de concertation.

Quelle dérogation ?

Fidèle à une tradition de droit complexe, le communiqué annonce déjà des dérogations à un principe dont le sens est assez imprécis. En retour le sens des dérogations est lui aussi difficile à déterminer. Il est simplement indiqué que « les installations photovoltaïques à usage domestique, c’est-à-dire celles d’une puissance crête inférieure à 3kW ne seront pas concernées par la mesure ». A l’inverse, rien n’est dit sur les informations publiées par le journal Les Echos. Ainsi, aux termes d’un article publié ce jour sur le site internet de ce dernier, il serait nécessaire, pour les projets d’installations solaires en toiture ou au sol de justifier du versement d’un acompte sur l’achat de matériaux pour rester en file d’attente. Le fait que le communiqué de presse n’en dise mot ne permet pas de conclure quant au bien ou au mal fondé de cette information. De même la conditionnalité carbone des projets n’est pas évoquée si ce n’est – peut être – au travers de ces mots « le développement de la filière doit se traduire par un bénéfice non seulement en termes d’environnement mais aussi en termes d’emploi ».

Quelle concertation ?

Une concertation est désormais annoncée. Toutefois, il n’est pas usuel de prendre des décisions qui engagent et qui ne manqueront pas d’avoir un impact économique avant de débattre. Par ailleurs, le format de cette concertation n’est pas connu. Son périmètre peut comprendre ou non l’ensemble des représentants d’une gouvernance à 5 sur un format Grenelle, ce qui serait à mon sens souhaitable. Une chose est certaine : il faut sortir de cette politique du « stop&go » qui donne le sentiment que le Gouvernement prend des décisions au pied du mur, lorsque, selon ses informations, le nombre des dossiers en attente d’un tarif d’achat serait trop important.

Plus que jamais, la co-construction d’un cadre juridique clair, stable et durable est nécessaire pour tous les acteurs concernés, à commencer par le consommateur.

Article précédentPatience pour l’éolien offshore en France, ça arrive… (Premium)
Article suivantLe réseau allemand pourrait gérer 1 million de voitures électriques… si elles arrivent (Premium)