Evasol : Oui à une baisse modérée des aides au solaire, mais pas n’importe comment !

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Où en est le marché des toits solaires en France, combien un toit solaire coûte-t-il et rapporte-t-il aujourd’hui à un particulier, quel impact attendre des possibles baisses des subventions au solaire ? Le point avec Stéphane Maureau, fondateur et PDG d’Evasol, spécialiste des installations photovoltaïques pour les particuliers.

GreenUnivers : Où en est le marché des toits solaires résidentiels?

Stéphane Maureau : Selon PricewaterhouseCoopers, les toits résidentiels installés en France en 2009 ont représenté 75 MW, et devraient atteindre 150 MW en 2010. Nous estimons qu’Evasol est le leader, avec une part de marché de 12 à 15%, notre premier concurrent étant EDF, avec une part du même ordre.

GU : Comment va Evasol ?

Evasol va bien. Durant l’année 2009/2010 (exercice clos fin mars) nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 72 millions d’euros avec une rentabilité honorable, après deux années proches de l’équilibre mais positives. Pour cette année, nous prévoyons 90 millions au minimum avec la possibilité de dépasser 100 millions. Nous avons réalisé 4.000 installations en 2009/2010, contre 3.000 l’exercice précédent. Nous employons 350 personnes, plus 600 en comptant les sous-traitants (les couvreurs) qui travaillent uniquement pour nous. Nous sommes rentables depuis le début, ce qui n’est hélas que le cas d’une minorité d’acteurs de la filière. Comme les prix d’achat et de vente ont tous deux baissé,  nous avons maintenu notre marge brute.

GU : dans quelle proportion le prix des panneaux a-t-il baissé ?

Les panneaux que nous achetons, qui représentent environ la moitié du coût d’une installation clés en mains pour un client, ont baissé depuis 18 mois, avec une diminution d’environ 25% depuis un an. Nous achetons des panneaux européens, dont le prix moyen est d’environ 1,7 euro par watt, contre environ 1,3 euro/watt pour les panneaux chinois de qualité crédible. L’écart entre les deux a diminué avec la baisse de l’euro.

GU : Combien coûte un toit solaire pour un particulier ?

Une installation moyenne de 2,8 kW (un chiffre en légère hausse, car nos panneaux sont plus puissants pour la même surface) coûte 22.000 euros TTC, absolument tout compris, jusqu’aux petits travaux pour tout remettre au propre après l’installation. Soit 7,8 euros par watt installé (7,4 € HT). A noter que le prix pour les particuliers a baissé de 20% l’an dernier.

Sur ce total il faut déduire le crédit d’impôt qui est limité à 8.000 euros (un remboursement que le particulier reçoit un an plus tard). Je ne compte pas les aides régionales, qui existaient il y a 2 ans mais qui tendent à disparaître. Reste 14.000 € TTC.

Une installation ne produit pas autant d’électricité dans le nord de la France, où l’ensoleillement est d’environ 800 heures par an, que dans le Midi où c’est plus 1.200 heures. Ainsi à Paris, une telle installation produit 2.520 kilowatts-heure et à Nice 3.640 kWh.

Cette électricité est payée par EDF au propriétaire 58 centimes par kilowatt-heure (c’est le tarif de rachat pour les toits de moins de 3 kW, qui est garanti sur 20 ans). A Paris, l’installation rapporte donc 1.460 € par an et à Nice 2.111 € par an.

En termes de rentabilité, sur 20 ans le toit qui a coûté 14.000 € rapporte 29.000 euros (20 fois 1.460 €) et à Nice 42.400 euros (20 fois 2.111 €). Donc un bénéfice sur 20 ans de  respectivement 15.000 et 28.000 euros. Soit une rentabilité annuelle de 5% environ à Paris et 8 à 9% à Nice. Mais il faut aussi en déduire l’éventuel coût du financement de l’installation car le plus souvent les particuliers contractent un prêt pour leur toit solaire.

GU : Quel serait l’impact d’une baisse des aides ?

Jean-Louis Borloo, d’après Les Echos, a d’abord parlé d’une division par deux du crédit d’impôt en 2011. Il est clair que cela coulerait la filière, car les particuliers n’y verraient plus d’intérêt. Heureusement, le ministre a ensuite démenti. Il y a des discussions sur les tarifs en cours à Bercy, autour de M. Charpin (dont GreenUnivers a été le premier à parler, NDLR). Nous attendons les discussions du budget cet automne. Mais nous manquons de visibilité, c’est insupportable pour un industriel. Les tarifs ont été modifiés en mars dernier, et quatre mois plus tard ils sont déjà remis en cause…

La filière est d’accord pour une baisse modérée et progressive des aides, avec l’objectif à terme de nous en passer. C’est notre Graal. Car nous estimons que l’électricité solaire, qui coûte pour l’instant à la production 30 à 35 centimes par kilowatt-heure (20 pour les grandes centrales, 35 voire plus pour les petits toits) pourrait atteindre la parité, c’est-à-dire le même prix que l’électricité d’EDF, d’ici 2020. En effet, l’électricité solaire va baisser grâce à la diminution du coût de production des panneaux et à des économies d’échelle, tandis que le tarif d’EDF va inévitablement augmenter en France, pour se croiser peut-être autour de 20 centimes par kWh. Pour l’instant, ce tarif de rachat coûte aux clients d‘EDF une contribution (la CSPE) représentant moins de 1% de leur facture d’électricité, mais il ne faudrait pas qu’elle soit multipliée par 10 d’ici 10 ans.

Mais selon que l’on se trouve à Nice ou à Paris, le coût du solaire ne va pas baisser au même rythme, la parité ne sera pas atteinte au même moment ; nous pourrions imaginer d’appliquer un coefficient de régionalisation, pour diminuer le tarif d’achat dans le sud de la France, où il est actuellement probablement trop élevé, et le remonter dans le nord. Cela éviterait aussi de concentrer les installations photovoltaïques dans le Midi en décourageant le nord, ce que nous regretterons plus tard.

GU : Quid des grandes toitures ?

Comme la baisse des tarifs a été annoncée en septembre 2009 et l’arrêté publié seulement en mars 2010, nous avons vu une bulle de dépôts de dossiers de grandes toitures, les gens se précipitant avant la baisse. Cette « bulle » a laissé croire, à tort, que les 5,4 GWc prévus pour 2020 seraient atteints dès 2011. Ce n’est en fait absolument pas le cas, car une part importante des dossiers déposés n’étaient en fait pas réalisables notamment par manque de financement. Il est souhaitable en tout cas que cet objectif de 5,4 GWc soit détaillé par segment de marché – par exemple 25% de centrales au sol, 40% de toits résidentiels et 35% de grandes toitures – ce qui permettrait de moduler les aides (crédit d’impôt et tarif d’achat du kWh) en fonction de la rapidité de réalisation de l’objectif sur chacun des segments. Si l’objectif est atteint, les aides pourraient diminuer, sinon, elles seraient maintenues. Toute la question n’est pas celle d’une baisse des aides, mais de la vitesse de cette baisse.

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