Eoliennes et radars : une cohabitation délicate

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Les acteurs de la filière éolienne sont de plus en plus souvent confrontés à la problématique des radars et des éventuelles interférences avec l’activité des aérogénérateurs. Le point avec Me Arnaud Gossement, avocat associé du Cabinet Huglo-Lepage & Associés et Maître de conférences à Sciences Po et Pauline Hili, juriste en droit de l’environnement.

« Dans certaines circonstances, la présence d’éoliennes serait susceptible d’interférer avec le fonctionnement des radars. Du fait de la perturbation électromagnétique engendrée, les données recueillies ne seraient plus exploitables. Rappelons que trois types de radars ont, ainsi, pu être identifiés comme pouvant faire l’objet d’une telle perturbation : les radars de l’aviation civile et de la défense nationale, les radars de Météo-France et les radars des ports et de la navigation maritime et fluviale.

Ces perturbations ont notamment été mises en avant dans trois rapports réalisés par l’Agence Nationale des Fréquences. Ce constat est d’importance puisque rentrent en jeu des impératifs de sécurité publique liés à la détection des mouvements et obstacles aériens ou marins ou encore à la détection de phénomènes météorologiques dangereux.

Quel est le droit applicable ?

Du fait de ces interférences indésirables et de l’importance de ces enjeux, les différents radars concernés bénéficient d’une protection réglementaire se traduisant par l’instauration de servitudes d’utilité publique. Ces servitudes sont prévues par le code des postes et communications électroniques et par le code de la défense. Leur régime a été précisé par un décret en Conseil d’Etat du 30 mai 1997. Ce dernier définit les modalités de mise en œuvre de ces servitudes de protection des centres radioélectriques d’émission et de réception contre les obstacles. Celles-ci sont fixées par décret du Premier Ministre après avis de l’Agence Nationale des Fréquences.

Concernant plus spécifiquement la question des interférences avec l’activité des éoliennes, une circulaire du 3 mars 2008, est venue formuler les recommandations à suivre. Il ressort de la lecture de cette circulaire, qu’une distinction doit être faite entre deux types de zones.

D’une part, devront être identifiées des zones de protection d’un périmètre de 5 kilomètres autour du radar au sein desquelles toute implantation d’éoliennes est déconseillée. D’autre part, seront identifiées des zones de coordination s’étendant dans un périmètre de 5 à 30 kilomètres autour du radar. Au sein de ces dernières, l’implantation d’éoliennes pourra être admise mais elle dépendra, notamment, du résultat de la concertation menée à cet effet et des caractéristiques du projet (nombres d’éoliennes, hauteur, disposition, visibilité avec le radar, surface équivalent radar..).

En conséquence, l’institution de telles servitudes aura des incidences directes sur les projets de parc éolien en ce qu’elle vient limiter les possibilités d’implantation au sein des périmètres identifiés. C’est au préfet, en charge de délivrer les autorisations d’urbanisme nécessaires aux projets éoliens,  qu’il revient de consulter, dans le cadre de l’instruction du permis de construire, les services des opérateurs radars afin que soient étudiés les éventuels risques de perturbation et les réponses à apporter.

L’intervention du Juge

Ces perturbations, lorsqu’elles seront caractérisées, peuvent motiver un refus de permis de construire. Le juge administratif a, d’ores et déjà, eu l’occasion de se prononcer sur la légalité d’un tel motif. Ainsi, dans un jugement du Tribunal administratif d’Amiens en date du 2 décembre 2008, le juge a confirmé le refus de permis de construire prononcé par le préfet en considérant, notamment, l’impératif de sécurité publique qui était en cause (cf. Tribunal administratif d’Amiens, 2 décembre 2008, Société Ventura, n°0602545). Dans son appréciation, le juge tient compte de la gravité de la perturbation engendrée.

Ainsi, la seule existence d’une perturbation possible de la propagation des ondes électromagnétiques ne saurait suffire à fonder un refus de permis de construire si celle-ci ne revêt pas un certain niveau de gravité (cf. TA Amiens, 21 novembre 2006, Sté Innovent, n° 061356, confirmé par CAA de Douai, 16 octobre 2008, n° 07DA00317). Pour l’anecdote, on relèvera si la présence des éoliennes peut être remise en cause, il semble, à la lecture de la jurisprudence applicable que celle des radars ne le soit pas.

La question des radars fait donc l’objet d’une attention soutenue de la part des opérateurs dans un contexte d’accroissement des contraintes réglementaires sur la filière. »

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