Marché du carbone : gare à la baisse !

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emmanuel-fagesLe cours des quotas de CO2 (EUA) pourrait baisser dans les prochaines semaines, selon Emmanuel Fages, analyste chez Orbeo.

GreenUnivers : Après un été très calme sur le marché du carbone, quelles sont vos anticipations pour les prochaines semaines pour les EUA ?

En août, en l’absence des opérateurs, le marché a en effet été très calme. Le cours des EUA sur le marché spot évolue actuellement atour de 15,44 euros, contre 13,60 euros fin juillet. Nous anticipons une baisse dans les prochaines semaines. D’abord parce que les industriels sont longs en quotas de CO2 : leur production a chuté en raison de la crise économique, – 42% par rapport à 2008 sur les sept premiers mois de l’année pour les aciéristes européens, par exemple. On ne connaît pas l’ampleur de leurs excédents en quotas mais la tendance est nette : leurs émissions seront inférieures à leurs quotas alloués. Ils pourraient donc vendre une partie de leurs stocks pour améliorer leur résultat de fin d’année. Combien ? C’est toute la question. Ils pourraient décider d’en garder une partie en réserve en anticipant la reprise économique et, à plus long terme, en perspective de 2013 : à partir de cette date, on entrera dans la phase 3 du marché européen des quotas, avec des obligations de réduction des émissions plus fortes, des quotas partiellement payants… Les industriels savent déjà qu’ils vont manquer de quotas, ils pourraient donc choisir d’en garder en réserve plutôt qu’en vendre aujourd’hui et devoir en racheter dans trois ou quatre ans.

Il y a un autre facteur de baisse du côté des utilities : les électriciens arrêtent généralement leurs achats à l’automne. Ils achètent traditionnellement dans la période où ils vendent de l’électricité non couverte par des allocations gratuites, entre mars et août. En 2008, après un pic en juillet, le cours des EUA avait baissé à partir de l’automne jusqu’en février 2009. Même si une partie de cet effet était dû au choc de la crise, le même scénario pourrait se rejouer en partie cette année.

GU : Dans quelle fourchette voyez-vous évoluer les EUA dans les prochaines semaines ?

Difficile à dire,  mais les EUA pourraient perdre de 2 à 3 euros et se retrouver dans une fourchette entre 12 et 13 euros.

GU : Qu’est ce qui pourrait modifier ce scénario à la baisse ?

Si les anticipations de reprise sont plus fortes que prévu, les industriels pourraient renoncer à vendre leurs quotas. Et de même, les utilities pourraient racheter des EUA si la demande en électricité de leurs clients augmente. Il faudra surveiller l’évolution de la production industrielle. Pour l’instant, les marchés financiers anticipent la reprise, mais elle ne se traduit pas dans l’activité industrielle.

GU : Comment évolue le marché des CER ?

Les CER restent fermes et suivent bien les EUA, malgré une incertitude plus forte que sur les EUA sur leur devenir à moyen terme, après 2012. Ils évoluent à 13,6 euros avec toutefois des volumes assez faibles. Aujourd’hui, le spread avec les EUA est de 1,8 euro, on est dans la moyenne basse.  Deux raisons à cela : le rythme de génération des CER, alloués par l’ONU dans le cadre des mécanismes de développement propres (MDP), reste très limité. La production de 2009 se situe au niveau de 2008, alors que beaucoup s’attendaient à ce qu’elle double.  Il demeure des goulots importants dans le processus de l’ONU. Si l’on continue à ce rythme, bien moins qu’un milliard de CER sera émis alors qu’on parlait de 3 milliards voici dix-huit mois ! La demande n’augmente pas, mais l’offre a tendance à baisser, d’où une fermeté des cours. D’autre part, les opérateurs sont un peu rassurés sur leur pérennité : comme les négociations pour la préparation du sommet de Copenhague piétinent, il ne sera guère possible de substituer les CER par un autre dispositif. Ils devraient donc perdurer, ce qui rassure le marché.

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