« Schneider Electric pousse très fort sur le solaire »

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delormeInterview de Philippe Delorme, nouveau responsable Stratégie & innovation de Schneider Electric*.

Ceux qui cherchent des champions français des cleantech pensent généralement aux géants du traitement des déchets que sont Veolia et Suez Environnement, mais on oublie parfois Schneider Electric, qui est devenu ces dernières années l’un des leaders mondiaux du « smartgrid » (gestion intelligente de l’énergie), tout particulièrement pour gérer l’énergie des bâtiments, des centres de données  et des sites industriels. Un secteur devenu crucial dans les cleantech, peut être encore davantage que les énergies nouvelles, grâce aux gains d’énergie qu’il recèle. Et depuis quelques mois, Schneider Electric se développe sur l’infrastructure électrique des centrales solaires, où il revendique là aussi une place parmi les leaders mondiaux.

GreenUnivers : Où se place Schneider Electric dans la gestion de l’énergie ?

P. Delorme : « Nous ne sommes ni dans la production d’énergie, ni dans les appareils électriques qui la consomment, mais nous couvrons tout ce qui se trouve entre les deux. Pour répondre aux besoins de nos clients, nous rendons l’énergie sûre, fiable, efficace, productive  et verte — des besoins parfois contradictoires. Nous étions, au départ, positionnés dans la distribution électrique et les automatismes industriels, mais au cours des 5 dernières années, par acquisitions et croissance organique, nous avons méthodiquement construit un portefeuille de technologies qui couvrent chacun des besoins pour une gestion complète de l’énergie. Nous sommes par exemple devenus leader mondial des onduleurs et des solutions de refroidissement des ‘data centers’, grâce à l’acquisition de  MGE UPS (acquis en 2003) auquel s’ajoute le rachat en 2006 de l’américain APC (American Power Conversion). Nous venons de fournir le design d’un nouveau data center d’IBM en Inde. Nous avons toutes les solutions critiques dans notre portfolio d’activités pour maitriser l’équation énergétique complète de nos clients et nous savons le faire dans tous les pays. Notre premier marché est les Etats-Unis, suivi de la Chine et de la France.

GU : Beaucoup d’acteurs veulent se placer sur ce secteur du smartgrid, notamment les grands groupes informatiques comme Cisco et IBM. Pourraient-ils vous ravir le marché ?

P. Delorme : Les groupes de technologies de l’information proposent des solutions de communications et de services de haut niveau, en reliant notamment un certain nombre d’appareils (onduleurs, disjoncteurs, capteurs, compteurs intelligents…) qui ne sont que des boites noires. Nous estimons qu’il y a une vraie valeur à relier  entre eux des appareils dont Schneider Electric connait intimement le fonctionnement et pour lesquels le Groupe a la capacité d’apporter un service expert dans chacun de ses domaines d’application. Ceci dit, nous travaillons aussi parfois avec des sociétés comme Cisco ou IBM. Personne n’est légitime pour couvrir la totalité du secteur, c’est trop complexe. Personne ne peut préempter le marché seul. Nous estimons avoir un portefeuille unique au monde, aucun de nos concurrents ne couvre, comme nous, toute la palette des solutions clefs nécessaires à une gestion complète de l’énergie. Par exemple, pour un hôpital, Schneider Electric peut gérer aussi bien la distribution électrique, les automatismes du bâtiment, la sécurité, le contrôle d’accès ainsi que le management de la salle informatique où sont stockées les  données des patients….

GU : Que permettent vos systèmes d’efficacité énergétique d’un bâtiment ?

P. Delorme : Dans les pays développés, nous travaillons sur les bâtiments existants : il faut mesurer en installant des capteurs, utiliser des produits moins gourmands en énergie, automatiser pour éviter les gaspillages d’énergie et contrôler l’atteinte des résultats. Nous sommes leaders mondial de la mesure de l’énergie dans les bâtiments et l’industrie, et leader de loin aux Etats-Unis.  Mais souvent les chefs d’entreprises, s’ils surveillent de très près leurs budgets informatiques,  ne creusent pas encore avec la même énergie le montant de leur facture électrique. Notre première tâche est souvent d’identifier dans l’entreprise un responsable de la consommation d’énergie. Nous estimons pouvoir réduire jusqu’à 30% leur facture, ce qui permet de rembourser l’investissement en 1 à 3 ans. Nous venons d’emménager début 2009 notre siège social dans un nouveau bâtiment qui nous a permis de diminuer de plus de moitié la consommation par rapport à nos locaux précédents. Notre objectif est de la diviser par 4. Un pilotage en temps réel, étage par étage, indique en permanence l’énergie consommée. C’est un enjeu d’économies de coût, mais aussi d’image et de valorisation des bâtiments. Dans 10 ans, ceux qui consommeront trop seront taxés, et les moins énergivores vaudront davantage.

GU : Que représente cette nouvelle activité dans le solaire ?

P. Delorme: Nous avons conquis une place parmi les leaders mondiaux des onduleurs solaires en rachetant le groupe canadien Xantrex en juillet 2008. Nous poussons très fort sur le solaire, notamment sur les marchés porteurs comme la France, les Etats-Unis, l’Allemagne et l’Italie. C’est un secteur qui n’est pas encore énorme pour nous mais qui se développe très vite. Nous venons par exemple de fournir l’infrastructure électrique pour une centrale solaire de 4,2 MW (inaugurée le 15 mai à Vinon-sur-Verdon), incluant les onduleurs, les connexions électriques, le tableau central de contrôle et maintenance de la production d’électricité, et même un système de vidéo pour identifier les pannes. Nous pouvons aussi développer les automatismes de pilotage des supports mobiles  pour les panneaux photovoltaïques, leur permettant de suivre les mouvements du soleil. Nos solutions s’adressent également aux particuliers, les 120 habitants d’un village de Madagascar bénéficient ainsi depuis quelques semaines d’un accès à l’énergie solaire.

GU : Comment voyez-vous l’avenir du marché et de votre activité dans ce secteur ?

P. Delorme: Nous réfléchissons au quotidien aux nouvelles activités qui pourraient se développer à l’avenir dans notre secteur. Nous testons ces nouveaux marchés via notre fonds de capital-risque Schneider Electric Ventures, qui peut prendre une participation minoritaire dans des secteurs innovants, comme ça a été le cas pour SolaireDirect (où Schneider Electric Ventures est l’un des trois investisseurs principaux, aux côtés des fonds Techfund et Demeter, ndlr). Evidemment, nous procédons également par développement organique.  Avec 2 milliards d’habitants dans les nouvelles économies accédant au statut de classe moyenne et les 1,6 milliard de personnes encore privées d’électricité, le défi de l’énergie est là pour durer.

* Philippe Delorme a été nommé à ce poste et au comité exécutif du groupe le 22 juin. Il était auparavant directeur du programme d’entreprise One, déclinaison de la stratégie du groupe.

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