C02 : gare au “big bang” pour les entreprises américaines !

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big-bangLes Etats-Unis auront un système national d’allocation de quotas de CO2 dès 2012, selon le projet de loi adopté en commission « énergie » par la Chambre des Représentants. Les émissions du pays devront baisser de 17% d’ici à 2020. Une vraie révolution pour les industriels, analyse David Rapin, Directeur du développement de BlueNext SA, la bourse de l’environnement.

GreenUnivers : la commission de l’énergie de la Chambre des Représentants vient de voter le 21 mai l’ « American Clean Energy and Security Act of 2009 ». Que prévoit le texte sur le marché du carbone ?

C’est une avancée très importante puisque les émissions de CO2 vont être régulées aux Etats-Unis dès 2012, comme cela existe au sein de l’Union européenne depuis 2005. Le titre II du projet de loi rédigé par les représentants Waxman et Markey détaille le futur système. Les objectifs sont ambitieux et surtout rapides : une baisse des émissions de CO2 du pays de 3% en 2012 par rapport au niveau de 2005, puis de 17% en 2020, 42% en 2030 et 83% en 2050. C’est ce qui avait été envisagé dans le programme électoral de Barack Obama.

Le périmètre concerné sera très important : 80 à 85% des émissions de CO2 seront couvertes, contre 50% seulement en Europe. Mais cela sera progressif. L’objectif est de démarrer le 1er janvier 2012 avec les électriciens, les raffineurs, les sites géologiques pour la séquestration de carbone, l’industrie lourde (papetiers, aciéristes, cimentiers…). La pétrochimie sera intégrée en 2014, puis les distributeurs de gaz en 2016.

L’agence américaine de l’Environnement (EPA) sera en charge de l’inventaire et de la vérification des émissions, et le régulateur du marché au comptant devrait être la FERC (Federal Energy Regulatory Commission).

Le calendrier est serré : le texte devra être adopté définitivement fin 2009 ou début 2010 au plus tard pour garder l’échéance du 1er janvier 2012.

GU : les industriels devront-ils payer leurs quotas de CO2 ?

C’est ce qui était prévu par Barack Obama, mais il y a eu des concessions. En 2012, au démarrage, 15% des quotas en moyenne seront payants et cette proportion augmentera progressivement pour parvenir à 100% vers 2020-2030. Mais il y aura des différences selon les secteurs : les électriciens auront seulement 35% de leurs quotas alloués gratuitement en 2012.

Les mécanismes de compensation seront acceptés. Il sera possible de restituer dans le système 2 milliards de tonnes de CO2 par an (soit 30% des besoins), dont 1 milliard sur des projets domestiques. Pour les crédits provenant de projets internationaux, on ne connaît pas encore les dispositifs éligibles : Mécanismes de développement propre, crédits issus de la déforestation évitée… Pour favoriser les investissements sur place, 1 quota national équivaudra à 1,25 crédit.

Le banking sera possible : on pourra reporter des quotas d’une année sur l’autre, alors que l’emprunt sera limité à 15% pour éviter que les industriels ne vendent la totalité de leurs allocations.

GU : ce système sera-t-il proche du dispositif européen ?

Il s’en inspire : les éléments du « cap and trade » sont bien les mêmes, les objectifs de réduction des émissions de CO2 sont à peu près similaires, la compensation existe aussi, le « market design » est assez proche. Ce qui diffère le plus, c’est le périmètre des sites couverts, beaucoup plus large aux Etats-Unis.

Surtout, le système américain prévoit des passerelles entre les deux : il ouvre la possibilité de recourir aux quotas d’autres systèmes, comme les EUA de l’Union européenne. Bien sûr, il faudra vérifier les comptabilités et ce ne sera pas pour tout de suite mais ce sont là les prémices d’un marché mondial du carbone.

GU : les marchés locaux qui existent déjà aux Etats-Unis, comme le RGGI entre dix Etats du nord-est, vont-ils disparaître ?

Il est prévu de les intégrer au dispositif fédéral. Ils seront reconnus comme des « early actions » : ils seront ingérés, mais à hauteur d’un prix de 3 à 4 dollars la tonne de CO2 pour le RGGI par exemple. Alors que l’on anticipe un prix de 10 à 20 dollars (selon les mécanismes retenus) au début pour le système fédéral. Pour les crédits liés aux initiatives existantes (RGGI et crédits du CCAR, le marché californien), ils devraient également être reconnus dans le système fédéral.

GU : Quel impact attendre de ce projet de loi ?

Pour les acteurs du marché, ce n’est pas une nouveauté, ils avaient intégré la création d’un marché du carbone aux Etats-Unis depuis l’élection d’Obama. Pour les industriels américains, c’est un vrai « big bang » qui arrive : ils vont avoir un gros travail de reporting, devront redéfinir leurs stratégies d’investissement en fonction de cette nouvelle contrainte. Même si l’objectif de réduction des émissions de CO2 est modeste dans un premier temps (3% en 2012), la date de mise en place est très proche.

Enfin, plus largement, à quelques mois du sommet de Copenhague, qui doit préparer l’après protocole de Kyoto, ce texte confirme la volonté américaine de prendre le leadership dans les négociations sur le climat et de peser pour faire bouger les lignes, et notamment les autorités chinoises.

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