Les industriels européens en manque de quotas de CO2

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bluenext2Les émissions de CO2 des quelque 12 000 sites européens concernés par le système de quotas (EU ETS) ont diminué de 4,5 à 5,3% en 2008 par rapport à 2007, selon les résultats publiés par la Commission Européenne. Mais les quotas alloués n’ont pas suffi aux industriels. L’analyse de David Rapin, Directeur du développement de BlueNext SA, la bourse de l’environnement.

GreenUnivers : quel est le bilan de 2008 ?

Tout d’abord, il faut manier les chiffres avec prudence compte tenu du fait que les données sont partielles et extraites de la base de données de la Commission. Cela dit, globalement, les émissions ont diminué de 4,5 à 5,3% par rapport à 2007 dans les quelque 12 000 installations industrielles concernées des 27 Etats membres (qui représentent 50% des émissions de l’Union). Il manque encore quelques statistiques pour certains pays, comme la Bulgarie ou Chypre, ce qui oblige les analystes à faire des projections qui expliquent les différences de chiffrage, mais on a aujourd’hui 90% des restitutions des pays. Par rapport au cap global de deux milliards de tonnes de CO2 alloués par la Commission, on en est à 1,98 milliard de tonnes vérifiées. Soit un différentiel de 145 millions de tonnes : le marché est donc “court”, ce qui signifie que les quotas n’ont pas suffi pour compenser les émissions. Il faut rappeler que 2008 est la première année de la phase 2 du système d’allocation de quotas.

GU : quels sont les changements survenus ?

Trois phénomènes ont eu un impact important. D’abord l’effondrement de la production industrielle au quatrième trimestre 2008, qui a mécaniquement fait baisser les émissions de CO2 des sites. Ensuite, on commence à enregistrer les premiers résultats des plans d’investissement lancés par les entreprises lors de la phase 1 pour réduire leurs émissions. En revanche, un facteur a joué à la hausse : le mix de certaines centrales électriques a évolué sous l’effet de l’évolution du prix des matières premières : elles ont moins utilisé le gaz, dont le prix avait augmenté relativement par rapport aux autres, et sont revenues au charbon, qui est davantage pollueur. Au total, les émissions ont baissé, mais moins qu’on aurait pu le penser.

GU : existe-t-il des différences importantes entre les pays ?

Oui, elles sont assez sensibles. Sur la phase 1, on avait 3 pays significativement « courts », dont le niveau des émissions dépassait celui des allocations : le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. En 2008, il y en a 11. L’Allemagne par exemple affiche un déficit de 84 millions de tonnes par rapport à ses allocations, le Royaume-Uni de 50 millions de tonnes, l’Espagne de 10 millions de tonnes. En revanche, parmi les pays « longs », on trouve la Belgique et des Pays d’Europe de l’Est comme la Roumanie et la Slovaquie.

GU : et la France ?

Elle fait partie des pays dits « longs ». Ses émissions ont baissé de l’ordre de 1,7%, ce qui est assez peu par rapport à la moyenne européenne. Ses objectifs ont été coupés par rapport à la phase 1 : elle a reçu 115 millions de tonnes d’allocations, contre 150 durant la phase 1. L’électricité avait 55,3 millions de tonnes alloués, elle en a émis 54,3 millions. L’acier et le ciment sont aussi longs de 1,3 à 1,7 million de tonnes. Les raffineries en revanche sont en déficit de 1,2 million de tonnes.
GU : entre les secteurs, les différences sont-elles importantes ?

Sur la dizaine de secteurs concernés par le système (électricité et combustion, raffinerie, minerais, acier, ciment, verre, céramiques, papier, fours à coke), seuls deux sont courts : l’électri-cité/combustion et les raffineries. Pour le premier, les électriciens européens sont courts de 227 millions de tonnes, alors que pour les raffineries, c’est beaucoup moins, de l’ordre de 2,5 millions de tonnes. Cela montre d’une part que le niveau des contraintes était élevé et d’autre part que les émissions ont certes baissé, mais pas dans des proportions très importantes, de 3% par exemple pour l’électricité. Tous les autres secteurs sont en excédent : les minerais, les fours à coke, la céramique, le papier… Pour beaucoup, cela est dû à l’impact de la récession au 4 e trimestre 2008. Deux secteurs sont clairement longs : l’acier et le ciment, respectivement de 48 et 18 millions de tonnes.

GU : que peut-on attendre pour la suite ?

Les analystes estiment que la phase deux devrait être assez équilibrée, et éventuellement un peu longue. Si on table sur une contraction du PIB européen de l’ordre de 3% par an, le surplus devrait être de 7 millions de tonnes par an jusqu’en 2012 selon la Deutsche Bank.

Conjoncture marché du carbone : le cours du carbone remonte

Le prix spot du carbone (EUA) a remonté puisqu’on est au-delà des 12 euros sur BlueNext. La publication du bilan de la Commission a rassuré les acteurs. Et il y a un consensus sur le fait que l’on devrait être à l’équilibre dans les prochaines années, même si on sera peut-être un peu long. Les acteurs sentent aussi arriver le marché du carbone aux Etats-Unis, ce qui a un effet psychologique important, même s’il ne commencerait pas avant 2012-2013.

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