La Grande-Bretagne met le CO2 aux enchères

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L’analyse du marché du carbone avec BlueNext SA, la bourse de l’environnement. bluenext

Le gouvernement britannique va procéder à des enchères régulières de quotas de CO2. L’analyse de David Rapin, directeur du développement de BlueNext SA.

GreenUnivers : Quelle est la situation de la Grande-Bretagne en termes d’émissions de CO2 ? La Grande-Bretagne est un gros émetteur de CO2 : 657 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2006, dont 557 millions de tonnes pour le seul CO2. En France, par exemple, nous sommes à un peu plus de 531 millions de tonnes d’équivalent CO2. Les secteurs couverts par le système européen d’échange de quotas représentent 251 millions de tonnes, soit 45% des émissions. En France, 150 millions de tonnes de CO2 étaient concernés pour la phase 1. C’est un niveau de contrainte élevé pour la Grande-Bretagne. Lors de phase 1, en 2005-2007, elle a été déficitaire, en quotas, de 40 Mt par an en moyenne. EDF, qui détient London Electricity, a par exemple été en déficit de 24 millions de tonnes. Pour la phase 2, démarrée l’an dernier, 214 millions de tonnes de CO2 ont été alloués à la Grande-Bretagne, 2% de moins que pour la phase 1 si l’on ajoute la réserve des nouveaux entrants en phase 2.

GU : Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de procéder à des enchères ? Le gouvernement britannique a décidé d’allouer une partie de ses quotas de la phase 2 à titre payant, une option rendue possible par Bruxelles, mais que peu d’Etats ont suivie, en-dehors de l’Allemagne, l’Autriche et donc la Grande-Bretagne. 7% des quotas alloués aux industriels britanniques sont payants. Cela représente 17 millions de tonnes de CO2 par an, ou 85 millions sur la période. C’est une décision prise au nom du principe « pollueur-payeur » et pour donner un  signal prix carbone plus important dans les décisions d’investissement (par opposition à une allocation gratuite où le signal prix de la tonne de CO2 ne joue que sur les coûts opérationnels, au jour le jour).

Une première enchère a eu lieu en novembre dernier avec 4 millions de tonnes mises aux enchères. Ce sont des enchères à un seul tour et à prix dit uniforme : tous les quotas sont attribués au même prix. Ces enchères ont été ouvertes à toutes les sociétés ayant un compte dans un registre européen de quotas : une entreprise française peut, par exemple, participer. Quatre banques ont été retenues comme intermédiaires, intervenant directement ou pour le compte de tiers : JP Morgan, Barclays, BNP Paribas et Morgan Stanley. Les quotas ont été sursouscrits plus de quatre fois et attribués au prix de 16,15 euros, 1% de moins que le prix coté sur BlueNext le même jour.

GU : Quel est l’intérêt du dispositif ? Pour les industriels, c’est un moyen de récupérer une grande quantité de quotas d’un coup, à un prix qui peut être sensiblement inférieur à celui du marché du carbone. Pour le gouvernement britannique, c’est un moyen de récupérer de l’argent pour l’investir dans des actions visant à réduire les émissions de CO2.

GU : Comment va se dérouler la suite ? De nouvelles enchères vont être organisées tous les trimestres, avec toujours 4 millions de tonnes en jeu. La prochaine session aura lieu le 24 mars. Le système sera à peu près le même, mais il devrait être un peu plus ouvert et pas seulement limité aux quatre grandes banques (système dit de prix acheteur « non compétitif »).

GU : Est-ce que d’autres pays ont mis en place un tel dispositif ? L’Autriche a également procédé à des enchères. L’Allemagne alloue de manière payante 10% de ses quotas aux industriels, mais avec un système de ventes sur le marché au jour le jour. Dans la phase 3, en vigueur à partir de 2013, il est prévu de rendre payant une partie des quotas : 60% des allocations devraient être payantes via des enchères. La Commission Européenne travaille actuellement sur les règles de ces futures enchères en examinant bien sûr les expériences menées en Autriche et en Grande-Bretagne.

Point sur le marché du CO2 (cliquer sur le graphique pour l’agrandir) : bluenext24fev

Le cours du CO2 sur le marché spot a légèrement remonté cette semaine pour atteindre 9,51 euros, le 23 février. En l’absence de nouveaux éléments sur le marché, il évolue toujours dans une fourchette comprise entre 8 et 12 euros. Il faudra sans doute attendre le bilan de Bruxelles sur les émissions constatées en Europe en 2008 pour que les acteurs fassent évoluer leurs comportements d’achats.

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