Rendez-vous marché du carbone avec BlueNext : à Poznan, la négociation des petits pas

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Accord sur le fonds d’adaptation pour les pays en développement, feuille de route pour le secteur forestier, entente de l’Union européenne sur le paquet climat-énergie, attitude positive des Etats-Unis : la conférence internationale de Poznan, en Pologne, sur le changement climatique a permis d’avancer sur l’après-Kyoto, analyse David Rapin, directeur du développement de BlueNext SA, la bourse de l’environnement.

GreenUnivers : Quel bilan peut-on tirer de la conférence de Poznan, qui vient de se terminer ?

Tout dépend de son point de vue. Ceux qui en attendaient beaucoup peuvent estimer que le résultat est maigre. Mais les négociations ont malgré tout permis de poser des jalons en vue de la conférence de Copenhague de décembre 2009 où doit être signé l’accord sur l’après-Kyoto. On ne pouvait raisonnablement guère espérer mieux, surtout dans le contexte de crise économique mondiale, d’incertitude sur la validation du paquet énergie climat européen et compte tenu de l’entre-deux administrations aux Etats-Unis. Comme l’a indiqué le secrétaire d’Etat Nathalie Kosciusko-Morizet “ici on négociait les chances de réussir à Copenhague. C’est le rythme des négociations sous l’égide de l’ONU : leur force c’est le consensus, leur faiblesse, la lourdeur”.

GU : Quelles sont les avancées les plus importantes ?

Il y a d’abord l’accord sur le fonds d’adaptation destiné à apporter des compensations aux pays en développement exposés aux conséquences du changement climatique (sécheresse, inondations…). Il sera doté de 300 millions d’euros à l’horizon 2012. Les fonds seront collectés via une taxe de 2% sur les crédits délivrés par les Nations Unies dans le cadre des projets de Mécanisme de Développement Propre (MDP). La Banque Mondiale sera chargée de les monétiser. Evidemment, on peut juger que 2%, c’est peu, mais c’est un premier pas et on sait d’ores et déjà comment le fonds fonctionne et est alimenté.

GU : Est-ce que d’autres dossiers ont progressé ?

Les négociateurs ont fixé les bases d’un accord pour que la déforestation évitée – qui permet de réduire les émissions de CO2 – entre dans le cadre du MDP, ce qui n’est pas le cas actuellement, les seules activités de reboisement étant autorisées. C’est très important dans des pays comme le Brésil, l’Inde ou l’Indonésie dont l’accord politique avait été obtenu lors de la précédente conférence d’Accra. Certes, il faudra mettre en place des systèmes de mesure, de vérification et de fixation des « baselines » complexes mais la forêt est un enjeu vital dans la lutte contre le changement climatique – elle représente 20% des émissions mondiales – et il n’y avait pas eu de consensus jusqu’à présent. L’activité de reboisement représente seulement 0,1% des projets de MDP. Autre point positif : les Nations Unies vont accélérer le processus d’accréditation des projets de MDP. Aujourd’hui, entre l’enregistrement d’un  projet et la délivrance des premiers crédits, il faut compter plus d’un an, en moyenne. C’est très long et lourd sur le plan administratif et financier pour les porteurs de projets.

GU : L’accord européen sur le Paquet climat énergie en parallèle de la conférence de Poznan constitue-t-il un signal positif ?

Bien sûr. L’Union a validé son engagement des « trois 20 » (20% d’énergies renouvelables en 2020, une baisse de 20% de ses émissions de CO2 et une amélioration de 20% de son efficacité énergétique). Et ses membres ont trouvé un consensus sur le système des enchères pour les quotas de CO2. Ce sera certes moins que prévu, car il a fallu accorder des exemptions pour obtenir le ralliement de tous les Etats membres mais ce n’est pas négligeable. Ainsi pour les producteurs d’électricité, 30% des quotas seront payants en 2013 et 100% en 2020. Ce secteur représente la moitié des allocations de quotas aujourd’hui. Les secteurs exposés à la concurrence internationale vont aussi bénéficier d’exemptions, totales ou partielles, en fonction du coût représenté par l’achat des quotas et du  niveau d’exposition à la concurrence internationale de ce secteur. Enfin, les nouvelles installations électriques ne recevront plus des quotas gratuits de la réserve mais devront les acquérir : cette décision devrait pousser les investissements dans des centrales au gaz plutôt qu’au charbon.

GU : Quel rôle ont joué les Etats-Unis ?

C’est un autre élément positif. A Poznan, il y avait des représentants de l’administration Bush et surtout des émissaires de Barack Obama, comme John Kerry ou Al Gore, qui ont tous deux indiqué que les Etats-Unis voulaient s’engager activement dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ce premier, président de la Commission des affaires étrangères au Sénat, n’a ainsi pas cessé de louanger l’accord européen historique en soulignant avec force que l’Europe donnait un signal très clair au reste du monde. A un an de la conférence décisive de Copenhague, ce soutien américain est capital.

Evolution du cours du CO2 au 15 décembre :

« Les cours se sont stabilisés et on assiste même à une petite remontée aux alentours de 15,30 euros. Ce mouvement suit celui des matières premières et notamment du pétrole qui est reparti à la hausse par rapport à la semaine dernière, passant de 42 à 48 dollars le baril. Le spread entre le quota de CO2 et le crédit (CER) a également remonté, s’établissant à environ 2 euros. On a peut-être atteint le niveau plancher. Cela dit, les évolutions restent incertaines car des entreprises peuvent être tentées de vendre leurs surplus de quotas pour faire face à la crise du crédit, ce qui ferait à nouveau baisser les cours ».

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