Y aura-t-il assez de lithium pour les voitures électriques ?

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Le Salar de Uyuni, en Bolivie (la tache blanche) abrite près la moitié des réserves mondiales de lithium

La plupart des voitures électriques de demain reposent sur les batteries au lithium, plus petites, plus légères, et bien plus puissantes que toutes celles qui les ont précédées : c’est le choix de la future Chevrolet Volt de General Motors, prévue en 2010, de la Mini électrique de BMW, des nouvelles Smart électriques ou encore des futures Prius de Toyota.

Mais ce métal rare, présent dans seulement quelques coins du globe, dont 70% sur un mouchoir de poche de 20 km2 au carrefour de la Bolivie, de l’Argentine et du Chili, sera-t-il suffisant pour les millions de voitures électriques espérées dans quelques années ?

Jamais, selon certains experts. Sans problème, selon d’autres. Et dans le doute, les gros producteurs de batteries – les Japonais, mais aussi le français Bolloré – tentent de prendre leur précaution.

Si le lithium, ce métal mou ultra-léger, doit être le pétrole de demain, la Bolivie sera son Arabie saoudite. Les estimations sur les réserves et les productions probables dans les 5 ans varient de un à dix, mais toutes sont d’accord : c’est dans le lac salé fossile du Salar de Uyuni, dans les Andes boliviennes, vestige d’un lac d’eau de mer asséché et plus vaste désert de sel au monde, que se trouvent les plus grosses quantités de lithium – 40 à 50% des réserves mondiales.

Si l’on y ajoute deux autres lacs fossiles salés, le Salar de Atacama au Chili et le Salar del Hombre Muerto en Argentine, on réunit 70% des réserves. On trouve aussi du lithium au Tibet et en Australie.

Les prévisions sont étonnamment divergentes : en 2006, le gouvernement américain évaluait les réserves mondiales à 11 millions de tonnes, et le spécialiste R.Keith Evans, sur son blog Lithium Abundance, avance un chiffre de 28,4 millions de tonnes dont 14 millions exploitables.

De quoi suffire largement à alimenter pendant des dizaines, voire des centaines d’années les batteries de millions de voitures électriques, qui n’utilisent qu’un ou deux kilos de lithium chacune, ou celles des PC ou des téléphones portables, qui n’en contiennent que quelques grammes.

Mais une récente étude très minutieuse du cabinet français Meridian International Research a créé un électro-choc : il affirme que les réserves exploitables de lithium, ne sont en fait que de 4 millions de tonnes et qu’en 2015 la production annuelle de carbonate de lithium, ensuite purifié pour être utilisable dans les batteries, ne sera que de 234.000 tonnes.

Or l’essentiel (231.000 tonnes) sera utilisé pour les appareils électroniques portables, dont la demande de batteries va croître de 25% par an, et seulement 31.000 tonnes resteront pour les batteries automobiles : de quoi alimenter à peine 1,5 million de voitures type GM Volt, selon Meridian.

A comparer avec une production mondiale de 70 millions de voitures par an et le milliard de voitures sur Terre.

Adieu donc la production massive espérée de voitures électriques. Adieu aussi les projets de stations de recharge dans tout un pays, comme le rêve le Projet Better Place de Shai Agassi, voire les projets similaires en Chine.

Même pessimisme chez Mitsubishi, qui prépare aussi une voiture électrique, la Miev, mais estime que la demande de lithium dépassera l’offre dans les 10 ans et pronostique une pénurie en 2015.

En réaction, le site semi-officiel de la Chevrolet Volt a aligné d’autres chiffres rassurants : le PDG d’EnerDel, Charles Gassenheimer, ne voit de souci que lorsque le marché des voitures électriques aura atteint 100 milliards de dollars, et rappelle que le lithium est même présent dans la mer. Et chez le spécialiste des batteries A123, le vice-président Ric Fulop assure qu’il y a assez de lithium sur la terre pour « plusieurs milliards » de voitures électriques.

Quoi qu’il en soit, la Bolivie sera sous pression pour produire davantage. Le lithium s’extrait des flaques de sel, en pompant le liquide souterrain ensuite séché au soleil. Une production massive massacrerait cette immense étendue blanche du Saltar de Uyuni, l’un des plus beaux endroits préservés de la Planète (cf cette  belle video de la BBC) : la Bolivie du président Evo Morales ne veut ni exploitation massive et destructrice, ni compagnies étrangères, et vient de signer un décret pour installer un site d’exploitation national mais très limité.

Les producteurs japonais de batteries eux s’organisent : NEC s’est ainsi associé avec Nissan (et donc Renault), dans Automotive Energy Supply Corporation. Toyota avec Matsushita, Mitsubishi Motors (partenaire de PSA) avec GS Yuasa dans Lithium Energy Japan. Le leader mondial des batteries lithium-ion, Sanyo, en passe d’être racheté par Panasonic, a signé un accord de développement avec Volkswagen en mai et en France, le groupe Bolloré essaie de s’assurer de ressources en lithium bolivien pour sa future voiture électriques, la Blue Car, construite en partenariat avec Pininfarina.

Et pendant ce temps, le prix du lithium augmente : il est passé de 350 dollars la tonne en 2003 à près de 3.000 dollars la tonne aujourd’hui – mais ce n’est encore que 3 à 6 dollars pour les 1 à 2 kilos que contient une batterie électrique de voiture.

D’autres technologies vertes reposent sur des métaux rares qui risquent  de manquer, comme l’indium, utilisé dans les panneaux solaires à couche mince bon marché, ou le platine utilisé dans la plupart des piles à combustible.

Les constructeurs japonais envisagent mêmes d’acheter des sites de production de lithium en Amérique du Sud ou en Chine. Panasonic a évoqué cette possibilité, tout comme Toyota, via sa filiale Toyota Trading.

La recherche elle s’accélère : Nissan espère sortir vers 2015 une batterie capable d’une autonomie de 400 km, a déclaré son vice-président en juin, trois fois plus que les actuelles batteries lithium-ion…

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