Rendez-vous “marché du carbone” avec BlueNext : l’impact de l’élection d’Obama

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L’analyse de David Rapin, Directeur du développement de BlueNext SA, la bourse de l’environnement.

GU : Quelles seront les conséquences de l’élection d’Obama pour les marchés du carbone ?

Les deux candidats étaient d’accord sur deux points : leur volonté d’une participation américaine plus marquée dans les négociations internationales de l’après-Kyoto dans le cadre de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) et l’objectif de créer un marché national du CO2 contraignant sur la base d’échange de permis d’émissions. Barack Obama inscrivait cela dans une vision plus large, celle d’un plan énergétique global comprenant un mandat fédéral pour les énergies renouvelables, de nouvelles normes de performance énergétique pour les bâtiments et la refonte du réseau électrique de transport. Avec un objectif fort : réduire les émissions de CO2 du pays de 80% d’ici à 2050 (par rapport aux niveaux de 1990). C’était plus ambitieux que McCain, voire même que l’Europe avec son objectif de réduction de 20% en 2020, et au-delà probablement de 30% en 2030.

GU : Comment se présentera le futur dispositif ?

Le programme d’Obama ne détaille pas les modalités de ce marché, mais le système serait sans doute très inspiré de ce qui existe en Europe, avec une mise à contribution des gros émetteurs comme les compagnies d’énergie, les raffineurs, les aciéristes… La grosse différence avec McCain, c’est que les quotas ne seront pas alloués gratuitement aux industriels mais ils seront mis aux enchères à 100%, les bénéfices obtenus permettant notamment de financer la R&D sur les énergies propres. On ne sait rien en revanche sur les mécanismes de compensation (crédits Kyoto ou domestiques) autorisés. Mais le dossier devrait avancer : dans son cabinet de transition, Obama a nommé deux responsables qui connaissent bien le dossier et sont favorables à ce marché, John Podesta et Carol Browner, ancienne administratrice de l’agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA).

GU : Quel est l’enjeu ?

Il est énorme. Les Etats-Unis représentent à peine 5% de la population mondiale mais sont responsables de 20% des émissions de gaz à effet de serre, avec 7,3 milliards de tonnes par an contre, par exemple, 4 milliards pour l’Europe. Les producteurs d’énergie sont les premiers contributeurs (40%), la moitié de l’électricité américaine étant produite à partir de centrales thermiques au charbon. L’arrivée des Etats-Unis sur le marché du carbone accroîtra les volumes traités de manière très importante. En outre, l’attitude américaine sera très importante dans les négociations sur l’après-Kyoto. Les Etats-Unis présentent à la fois un gros potentiel de réduction des émissions et peuvent peser sur des pays comme la Chine et l’Inde pour les contraindre à s’engager dans le futur accord international. Quant à l’évolution des prix, elle dépendra du niveau de contrainte fixé par les responsables politiques.

GU : Connaît-on le calendrier de la mise en place de ce futur marché ?

Déjà, la future administration est bloquée jusqu’au 20 janvier, date de l’entrée en fonction officielle du Président. La procédure législative prendra ensuite du temps, toute loi fédérale devant être votée par le Sénat et la Chambre des Représentants (après passage en comités de juridiction) avant soumission au Président. Par la suite, il faudra également un délai de mise en place de l’architecture technique (registre, processus d’allocation…) Par exemple, en Europe, la directive a été votée en 2003 et appliquée mi-2005, ce qui a été considéré comme un temps très court.

GU : Est-ce que cette future politique représente un changement radical pour les Etats-Unis ?

Certes, mais nous avons cependant souvent une vision déformée de la réalité environnementale du pays : s’il n’existe pas aujourd’hui de marché réglementé au niveau fédéral, beaucoup d’initiatives ont été prises ces dernières années. D’abord, les Etats-Unis ont été parmi les pays les plus proactifs depuis 20 ou 30 ans dans les négociations internationales. Même si le Sénat n’a pas voulu ratifier le protocole de Kyoto, les américains se sont beaucoup impliqués dans la création de la CCNUCC du temps de Georges Bush père. Ensuite, le premier marché environnemental créé a été celui du dioxyde souffre aux Etats-Unis. Il y a eu plusieurs tentatives de lois fédérales –  près de 10 les deux dernières années dont le Lieberman-Warner Climate Security Act – même si elles n’ont pas été adoptées. Et beaucoup d’actions ont été engagées au niveau des villes et des états : la Californie a adopté une législation (Assembly bill 32) pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et mettre en place un marché des permis d’émissions obligatoire aux alentours de 2012. On peut aussi citer la Western Climate Initiative regroupant 7 états américains de l’Ouest et trois provinces canadiennes ou l’initiative RGGI (Regional Greenhouse Gas Initiative) qui regroupe une dizaine d’états du nord-est avec un marché obligatoire des permis d’émissions depuis quelques semaines pour des producteurs d’électricité. L’activisme américain est donc bien là, 39 Etats participant ou prévoyant de participer à des programmes régionaux ou des plans d’actions climat.

NB : Pour une présentation complète de la politique climatique américaine, lire la récente étude de la Mission Climat de la Caisse des Dépôts : cliquer ici.

Marché du carbone (spot EUA)

 

Lundi 10 novembre 2008

 

Prix

18,54 euros la tonne

Volume traité

3 561 000

Source : BlueNext

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