Demain, chacun producteur d’énergies renouvelables

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Le développement des énergies renouvelables passera par un système extrêmement décentralisé où chacun peut devenir producteur d’électricité via des mini-éoliennes ou des panneaux photovoltaïques, explique Maximilien Rouer, PDG de BeCitizen, société de conseil stratégique en développement durable.

GU : Que pensez-vous du développement des énergies renouvelables ?

On se retrouve un peu dans la même situation qu’avec l’informatique dans les années 60. Tout le monde croyait alors que l’avenir était à quelques très gros terminaux répartis dans le monde. On connaît la suite : des PC chez tout le monde ! Le même modèle va se reproduire avec l’énergie, car il faudra lutter contre son prix élevé et la vulnérabilité extrême du système actuel au changement climatique. Prenons l’Europe : les 300 centrales qui produisent à peu près 100% de l’électricité sont autant de sites exposés aux tempêtes, aux inondations, à la sécheresse… Aujourd’hui, on parle beaucoup de vastes projets de fermes éoliennes ou de méga-centrales solaires. Mais ce système est très fragile face à des phénomènes climatiques qui vont devenir plus marqués. La solution, c’est de disposer de 20 millions de sites de production d’électricité pour augmenter la résistance du réseau et la rentabilité des investissements.  

GU : Comment cette production pourrait-elle s’organiser ?

Il faut mailler le territoire avec des systèmes très décentralisés et une répartition des modes de production les plus adaptés – l’éolien, le solaire, la biomasse ou la géothermie – en fonction des régions. Cela passe par un audit préalable pour une bonne valorisation des actifs. Certaines régions pourront avoir un mix, d’autres se spécialiseront, par exemple les régions côtières les plus venteuses privilégieront l’éolien. Il faut de la diversité au niveau de l’Europe, une sorte de polymorphie. Mais l’idée, c’est bien que chacun puisse devenir producteur d’électricité, même de quelques centaines de kWh/an.

GU : Est-ce que les technologies sont disponibles ?

Elles sont proches de l’être : les mini-éoliennes pour les toits ou les parcmètres solaires existent déjà. Il faut une nouvelle approche : jusqu’à présent, un lampadaire servait seulement à éclairer. Pourquoi ne pas utiliser son mât pour installer une mini-éolienne quand cela est adapté ? A son tour, il pourait générer de l’électricité. Il y a beaucoup d’astuces comme cela à développer. Autre exemple, les autoroutes : c’est de l’asphalte avec des voitures qui roulent dessus. Mais on n’a jamais pensé à exploiter les bords de la route. On pourrait y installer des systèmes légers de production d’électricité et de chaleur. Cela conduirait à revoir le modèle économique, avec un investissement supplémentaire mais aussi une source de revenus nouvelle.

GU : Mais cela nécessitera de revoir complètement le réseau de distribution ?

Oui, car le problème de ces énergies renouvelables, c’est leur intermittence dans la production et l’absence de possibilité de stockage. Demain, nous aurons besoin d’un système très pointu, plus intelligent pour gérer le survoltage, les carences… Cela coûtera de l’argent, mais si on considère que la perspective d’une panne d’une centrale nécessite des équipements en groupes électrogènes dans les communes par exemple, cela relativise l’effort financier. 

GU : Que faudrait-il pour arriver à ce développement décentralisé ?

Des expériences pilotes au niveau de communes ou de régions ont déjà été menées avec succès en Scandinavie ou en Allemagne. Mais il faut une impulsion politique. La baisse actuelle du prix du pétrole ne doit pas nous leurrer et nous détourner de l’objectif de lutter contre le réchauffement climatique et de favoriser les énergies renouvelables. Les décideurs politiques doivent envoyer un signal fort aux populations avec un système de bonus malus comme pour les voitures : on ne peut pas motiver avec seulement une fiscalité négative. Il faut décourager les investissements dans les énergies fossiles et encourager ceux dans les énergies renouvelables. Aujourd’hui, les particuliers ont encore intérêt à acheter une chaudière au fioul ou au gaz. Quant à la rentabilité, elle viendra du fait que les gens seront gagnants à terme sur leur facture d’énergie, car le prix du pétrole va inéluctablement remonter.

(Propos recueillis par PL)

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