La crise financière pourrait profiter à l’ISR

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 L’investissement socialement responsable (ISR) pourrait bénéficier des conséquences de la crise financière, analyse Bertrand Fournier, Président du directoire de Sarasin Asset Management France. Basé sur le respect de valeurs, notamment environnementales, il devrait attirer des investisseurs en quête de performances mais aussi de plus de moralité.

 

 

GU : Comment évaluez-vous l’impact de la crise financière sur l’investissement socialement responsable (ISR) ?

Cette crise financière est d’abord une crise morale. Des pratiques invraisemblables se sont développées ces dernières années dans le monde de la finance, notamment aux Etats-Unis. Rappelez-vous qu’en février 2008, les cinq premières banques d’investissement américaines ont distribué 66 milliards de dollars de bonus ! Il y a eu une dérive des comportements qui produit ce que l’on voit. Une fois la tempête passée, je pense que le marché sera demandeur d’une amélioration de la moralité. Les particuliers, qui sont choqués par ce qui se passe, vont pousser dans cette voie, ils vont être demandeurs de sens. L’ISR devrait en profiter car il est justement basé sur un système de valeurs : on investit dans des entreprises qui s’engagent en matière de respect de l’environnement, s’intéressent à l’avenir de la planète, au social… Ce n’est pas seulement la performance financière qui compte à tout prix, même si les fonds ISR font la preuve, de longue date, qu’ils produisent de la performance.

 

GU : Pourquoi l’ISR n’a-t-il pas jusqu’à présent vraiment décollé en France ?

L’ISR est encore très marginal dans tous les pays. En France, il y a eu des initiatives éclatantes comme le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui prend en compte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise pour ses investissements. Mais il y en a peu. On compte environ 135 fonds ISR, mais leur poids est très faible. Selon Novethic, la part des OPCVM  ISR détenue par des investisseurs français représentait 11 milliards d’euros au 30 juin 2008 sur une capitalisation totale des OPCVM de 1 300 milliards d’euros. Depuis deux ans, on sent un meilleur accueil de la part des institutionnels : ils sont intéressés, poussés par leurs conseils d’administration qui exercent une pression de plus en plus forte, mais ils ont encore du mal à passer à l’action. Ils voudraient aussi que l’ISR offre un meilleur rendement que les autres placements : nous pouvons démontrer qu’il offre un rendement identique, ce qui devrait tout de même suffire. La crise actuelle devrait modifier leurs attentes et favoriser les critères extra-financiers même si les performances resteront indispensables.

 

GU : Que représente l’ISR pour la banque Sarasin ?

Les dirigeants de la banque Sarasin se sont intéressés très tôt à ce domaine, par convictions personnelles autant que parce qu’ils en espéraient des bénéfices : ils ont constitué une équipe dédiée dès 1989 – deux ans après Tchernobyl – et ont lancé un premier fonds éco-efficient, OekoSar, en 1994. Aujourd’hui, l’ISR représente 5 milliards d’euros sous gestion, soit 10% de nos encours.

 

GU : Comment sélectionnez-vous les entreprises dans lesquelles vous investissez ?

Nous investissons dans tous les secteurs avec pour objectif de sélectionner les meilleurs élèves sur le plan environnemental, social… Pour cela, nous suivons plus de 1700 valeurs à l’aide d’une matrice qui, par secteurs, analysent les comportements environnementaux, sociaux et sociétaux des entreprises. En Suisse, à Bâle, l’environnement peut représenter jusqu’à 50% de l’appréciation finale. Tout est passé au crible : les économies d’énergie, l’éco-conception, le recyclage, la flotte automobile… En France, nous adaptons la matrice Sarasin en fonction des attentes de nos clients avec un poids plus ou moins important pour le social ou l’environnement. Depuis la loi NRE de 2001, la plupart des grandes valeurs figurant dans les indices comme le Cac 40 ou l’Euro Stoxx 50, hormis peut-être Total, ont fait des efforts importants et sont devenues “fréquentables”. Ce n’est pas le cas pour toutes les mid-caps, parmi lesquelles il y a clairement de bons et de mauvais élèves. Certaines ont bien compris que le respect des critères environnementaux et sociaux pouvait attirer les investisseurs. A l’avenir, elles devraient être gagnantes.

(Propos recueillis par PL)

 

 

 

 

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